Chers amis,
Roch ha-chana 5786, le Nouvel An juif, commence le soir du 22 septembre. Pour les Juifs, Roch ha-chana est à la fois une fête joyeuse et une occasion solennelle. Nous accueillons la nouvelle année avec espoir, symbolisé par la dégustation de pommes trempées dans le miel pour une année douce, une chana metouka. Roch ha-chana est aussi appelé yom ha-din, le jour du jugement, marquant une période d’introspection, d’examen de conscience et de repentir qui culmine à Yom Kippour, le Jour du Grand Pardon. Selon la tradition, chaque personne sera jugée individuellement, et le monde entier sera jugé dans son ensemble.
Notre monde aujourd’hui est encore plus effrayant qu’il ne l’était l’an dernier à la même époque. À l’ICCJ, nous croyons que le dialogue est essentiel – certains d’entre nous y voient même un appel divin. Ce que nous observons cependant autour de nous, c’est un abus du concept de dialogue véritable, et avec lui une dévalorisation – voire une déshumanisation – d’autrui. Plutôt que de s’inspirer de ce que feu le rabbin Lord Jonathan Sacks appelait la «dignité de la différence», beaucoup considèrent toute différence comme illégitime et menaçante. Écouter avec un esprit et un cœur ouverts pour apprendre et comprendre nos voisins, et accepter que nos propres points de vue puissent être remis en question, cela est méprisé par ceux qui diabolisent quiconque ne partage pas leurs croyances ou opinions. La haine et la violence semblent être la norme du jour. Pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, la situation au Moyen-Orient, et ses répercussions sur les relations interreligieuses, est particulièrement douloureuse.
Au début de cette année, nous discutions de certaines de ces questions et du sentiment qu’une grande partie du monde ignore, se désintéresse ou se montre hostile à ce que nous essayons d’accomplir. Quelqu’un a suggéré que, face au monde en général, celles et ceux qui s’engagent dans le dialogue sont des marginaux. J’ai répondu que je préfère nous considérer comme l’avant-garde.
Les êtres humains sont par nature xénophobes. Les vieilles habitudes ont la vie dure. Comme le savent les praticiens du dialogue, la construction de la confiance est essentielle. Et construire la confiance prend du temps, surtout lorsqu’elle remet en question des croyances profondément ancrées que beaucoup continuent de considérer comme vraies et sacrées (et qui sont souvent exploitées par des leaders religieux ou politiques). Le fait que nous n’ayons pas encore atteint une harmonie interreligieuse mondiale, que les polémiques et violences religieuses persistent, ne signifie pas que nos efforts échouent.
Celles et ceux d’entre nous qui s’impliquent dans le dialogue oublient parfois que l’idée selon laquelle nous pouvons transformer les différences religieuses en force de cohésion sociale et d’action commune n’existe, à l’échelle de l’histoire humaine, que depuis quelques générations. C’est, à bien des égards et en bien des lieux, une idée contre-culturelle, radicale. Même si cela peut être décourageant, nous ne devrions pas être surpris quand des événements nous dépassent et que des fissures ou tensions menacent les progrès que nous pensions avoir accomplis.
Rappelons que c’est un événement mondial sismique – la Shoah – qui est à l’origine du mouvement moderne du dialogue. Et, à l’évidence, les relations ne sont pas statiques; elles exigent un soin constant et une attention continue à mesure que nous changeons, tout comme le monde qui nous entoure. Elles demandent aussi le courage d’être vulnérables – et de reconnaître la vulnérabilité de l’autre. Enfin, elles nécessitent de la persévérance, car nous continuons à bâtir un mouvement de base, une personne à la fois.
En pensant à l’année écoulée à l’ICCJ, je souhaite mettre en lumière trois éléments qui témoignent de notre persévérance. Le premier est la publication de notre déclaration: «Renouveler notre volonté d’approfondir les relations interreligieuses: un engagement soutenu par l’ICCJ», qui expose les principes fondamentaux auxquels nous adhérons. Plus de 250 personnes et organisations attachées à l’amitié interreligieuse ont déjà signé cette déclaration. Si ce n’est pas encore votre cas, je vous invite à ajouter votre nom et à promouvoir, dans votre communauté, les valeurs qu’elle incarne.
Le deuxième est la reconstitution du Forum abrahamique international (IAF) de l’ICCJ. Nous avons nommé une équipe de pilotage coprésidée par notre deuxième vice-président, Benjamin Kamine. Nous prévoyons de convoquer bientôt l’équipe pour poursuivre les travaux de l’IAF.
Le troisième est la rencontre 2025 des organisations membres de l’ICCJ, qui s’est tenue à Varsovie, en Pologne, cet été. Durant notre temps ensemble, nous nous sommes concentrés sur le partage d’idées et de stratégies, et sur l’apprentissage tiré des expériences de notre communauté mondiale et diversifiée de l’ICCJ. Nous sommes rentrés chez nous renouvelés et fortifiés par la certitude que nous ne sommes pas seuls et par la conviction que nous pouvons faire la différence.
Pour les juifs, Roch ha-chana est un moment pour regarder en arrière et vers l’avenir. En ce Nouvel An, je rends grâce pour toutes celles et tous ceux qui partagent notre vision et s’unissent à nous pour créer un monde où, selon les mots du prophète Michée (4,4), «chacun pourra s’asseoir sous sa vigne et sous son figuier, et personne ne viendra le troubler».

