Malka Zipora, Lekhaim! Chroniques de la vie hassidique à Montréal.

Bien des chrétiennes ou chrétiens du Québec et d’ailleurs dans le monde ne connaissent du judaïsme hassidique que ses stéréotypes : les hommes arborant la redingote noire et le chapeau de fourrure pour se rendre à la synagogue le vendredi soir, les femmes portant perruque et entourées d’une ribambelle d’enfants, les cabanes de bois sur les balcons à l’automne, etc.

Malka Zipora, Lekhaim! Chroniques de la vie hassidique à Montréal. Montréal, les éditions du passage, 2006.

Jean Duhaime

Malka Zipora, Lekhaim! Chroniques de la vie hassidique à Montréal (Traduit de l’anglais par Pierrre Anctil; Montréal, les éditions du passage, 2006. ISBN 2-922892-17-4. 174 p. 19,95 $ CDN).

Bien des chrétiennes ou chrétiens du Québec et d’ailleurs dans le monde ne connaissent du judaïsme hassidique que ses stéréotypes : les hommes arborant la redingote noire et le chapeau de fourrure pour se rendre à la synagogue le vendredi soir, les femmes portant perruque et entourées d’une ribambelle d’enfants, les cabanes de bois sur les balcons à l’automne, etc. Rares sont les non-juifs qui ont le privilège de pénétrer dans l’intimité d’une famille hassidique.

Née en Israël de parents hongrois ayant survécu à l’Holocauste, Malka Zipora (pseudonyme) élève ses douze enfants dans le quartier Outremont à Montréal. Elle se définit comme « une épouse et la maman d’une famille hassidique nombreuse » qui a accepté d’entrouvrir les rideaux de sa maison et d’y laisser pénétrer le regard de l’étranger. Elle nous propose dans ce livre 22 courtes nouvelles (comme les 22 lettres de l’alphabet hébraïque) où elle nous invite à partager quelques moments de sa vie quotidienne avec ceux qu’elle chérit.

« Ce recueil, précise-t-elle dans la préface, réunit des articles que j’ai rédigés pour une modeste publication distribuée parmi la communauté hassidique. Ce sont des récits construits sur des anecdotes, de petits riens dont je riais avec mes amies sur un banc de parc, tandis que nous bambins s’agitaient à nos pieds… » (p. 14). Quelques personnes à qui elle les a montrés par hasard lui ont suggéré de les publier, estimant qu’ils « pourraient servir de pont entre voisins de diverses origines » (p. 14).

Plusieurs titres de ces nouvelles sont très évocateurs, par exemple : « Réveils à la douzaine » (la mère attentive aux sonneries des réveils de chacun de ses enfants); « Raconte-moi «Hanouka » (comment les enfants assimilent l’histoire de Hanouka en l’interprétant); « Le réseau de télécommunication féminin (ou RTF, qui a son quartier général dans la salle d’attente des bureaux de médecins), « Petit traité du froid » (comment l’hiver canadien rapproche les gens), « Le jour où Lipa est devenu grand » (les sentiments qui envahissent la maman dont le dernier enfant se rend pour la première fois à l’école).

Au fil de leur lecture, on apprend ou redécouvre un peu du vocabulaire et des coutumes hassidiques, expliqués en note. On y apprécie la vie simple et sereine d’une femme qui a consacré sa vie à sa famille et qui sait en parler avec autant de sincérité que d’humour. La nouvelle qui a donné son titre au recueil est un peu différente. L’auteure y évoque le vœux « À la vie ! (Lekhaim!) échangé dans les maisons d’étude et les synagogues de Hongrie et de l’ancienne république tchèque entre quelques poignées de survivants de l’Holocauste « pour les âmes des disparus et pour le salut des vivants » (p. 156). Ils ont le souci de transmettre à leur descendants la massorah, « la tradition dont l’origine se confond avec la naissance de leur peuple » (p. 157); cette transmission est leur seule façon « de consoler ceux qui ont quitté ce monde » (p. 158). Le même souci de transmission est au cœur de la vie familiale de la communauté hassidique : « […] il y a là un effort conscient, acharné, de suivre les traces de nos ancêtres, malgré l’attrait du modernisme et de la technologie » (p. 13).

Le dialogue entre juifs et chrétiens n’est nulle part abordé dans ce recueil. Mais, en nous permettant de partager l’intimité de sa maison, Malka Zipora contribue à sa manière à dissipper quelques préjugés et stéréotypes entretenus à l’égard de sa communauté. Une lecture à recommander en tout temps, même en vacances!

Remarques de l’éditeur

Jean Duhaime, Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal

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