En dialogue avec le judaïsme

Recension de livre

Thierry LEGRAND (dir.), Blaise CHAVANNES, Gérard JANUS, En dialogue avec le judaïsme. Ce que chacun doit savoir. Préface d’Alain Massini.

Paris,Olivétan, 2012. 173 p. EAN : 978-2-35479-159-9; 15 €

En dialogue avec le judaïsme reprend sous forme de livre une série de quatorze fiches édités auparavant sous le titre Ce que chacun doit savoir du judaïsme par l’association alsacienne « Étude du Judaïsme » et inspirées d’une série semblable publiée par les Églises luthériennes allemandes. Le texte français de la première édition des fiches a été révisé et mis à jour par une équipe composée des professeurs Bernard Keller et Thierry Legrand et des pasteurs Blaise Chavannes et Gérard Janus. On lui a également ajouté trois nouveaux chapitres. L’ouvrage comporte quatre parties.

La première partie, « Un peuple, une identité », comporte deux brefs chapitres. On définit d’abord le terme « Israël » qui peut signifier, selon le cas, un État, un peuple, une communauté de foi, voire, pour la théologie chrétienne d’inspiration paulinienne « l’ensemble des croyants formant le peuple que Dieu se constitue par l’œuvre de Jésus-Christ » (p. 24). Vient ensuite une brève histoire de la communauté juive de France, un description de sa composition actuelle, de sa répartition géographique et de ses principales institutions. On présente également l’état actuel des relations entre juifs et protestants en France, qui s’appuient notamment sur l’important document Église et Israël : contribution des Églises issues de la Réforme en Europe sur les relations entre les chrétiens et les juifs, adopté en 2001 par la Conférence des Églises en Europe (CEPE).

La deuxième partie (chap. 3-6) s’attarde aux « fondements du judaïsme ». Le premier est évidemment Torah écrite, le Pentateuque et ses 613 commandements), dont « l’enseignement et l’étude […] constituent une obligation fondamentale pour tout juif » (p. 40); les Prophètes et les Écrits s’y ajoutent pour former les 24 livres de la Bible hébraïque, « bien commun des juifs et des chrétiens » (p. 42). Son prolongement naturel est la Torah orale, transmise dans la Michnah et la Guemara et consignée dans les Talmuds de Jérusalem et de Babylone que des chrétiens cherchent aujourd’hui à mieux connaître. On rappelle ensuite l’origine ancienne de la synagogue et on présente les traits essentiels de son architecture et de son mobilier avant de d’expliquer les fonctions de ses principaux responsables et le contenu du culte synagogal, en particulier celui du sabbat, et son rapport avec le culte familial qui le complète.  

La troisième partie (chap. 7-10) concerne « Le cycle de la vie et les pratiques ». Des rites appropriés marquent les quatre étapes majeures de la vie juive : la naissance (circoncision), la maturité religieuse (bar ou bat mitsvah), le mariage (et parfois le divorce!) et la mort (rites funéraires). La vie quotidienne est traditionnellement rythmée par trois moments de prière, le respect des lois alimentaires et celles qui entourant la vie conjugale. Le repos du sabbat, encadré par ses propres lois permet d’ « entrer dans un espace de liberté où peut s’exprimer l’amour pour Dieu et sa création » (p. 76). Les premiers chrétiens continuaient de l’observer, mais soulignaient aussi le « jour du Seigneur » qui l’a remplacé par la suite dans la chrétienté. Cette partie se termine par une description sommaire du calendrier juif et du cycle des fêtes de l’année, marquée par les « Jours redoutables » (Roch Haochanah, Yom Kippour, les « Jours de deuil » (commémoration des destructions de Jérusalem et du Temple), les Fêtes de pèlerinage (Pessah, Chavouot, Soukkot) et les Fêtes commémoratives (Hannoukah, Pourim); un tableau synthèse clôt cette section (p. 93-94).

La quatrième partie aborde une série de « Questions contemporaines » (chap. 12-17). L’antisémitisme y est présenté comme un type de racisme « un refus de l’unité originelle de l’espèce humaine » (p. 96) et de l’élection du peuple d’Israël (p. 98). L’antisémitisme théologique chrétien s’est développé dans un contexte de rivalité et s’est appuyé pendant des siècles sur l’accusation de déicide et sur l’affirmation que le peuple juif était maudit et rejeté par Dieu. Après l’horreur des années 1933 à 1945, un examen attentif du message des Évangiles a conduit à reconnaître que la mort de Jésus est attribuable non pas à la responsabilité collective des Juifs, mais à celle de l’humanité entière. À propos du sionisme, défini comme l’aspiration des juifs dispersés à revenir sur une terre dont Sion (Jérusalem) est le centre (p. 109), on distingue la dimension religieuse (don divin de la terre moyennant l’obéissance aux commandements) et la dimension politique (le mouvement de renaissance nationale initié au 19e s.), en évoquant la complexité de la situation actuelle et la nécessité d’un discernement chrétien sur le sujet. Sur la place et le rôle de la femme juive, on souligne que dans la plupart des courants du judaïsme, sauf les plus orthodoxes, la femme « acquiert une place égale à celle de l’homme et participe activement à la vie religieuse et à la vie publique » (p. 123). Un dernier chapitre offre une esquisse du messianisme juif : centré davantage sur « l’ère messianique » que sur la personne du Messie, il se caractérise par l’espérance de la restauration nationale et la paix, le rassemblement des dispersés et la reconstruction du Temple, mais aussi la reconnaissance de Dieu par toutes les nations » (p. 128). En dépit de leurs différences, les messianismes juif et chrétien ont en commun l’aspiration à la paix, à la justice et au règne de Dieu (p. 130).

Dans la postface, le pasteur Francis Diény rappelle que le judaïsme est « la source du monde chrétien » et incite le lecteur à en découvrir davantage au contact de juifs pratiquants « non pas pour être converti au judaïsme, mais pour devenir vraiment chrétien » (p. 132).

L’ouvrage se termine par une liste des livres de la Bible hébraïque, du Nouveau Testament et des Deutécanoniques, un lexique de base du judaïsme (130 termes expliqués sommairement) et une bibliographie proposant des « ouvrages et articles essentiels en langue française » pour chacune des questions abordées au fil des chapitres; sont également inclus les adresses d’une quinzaine de sites internet pertinents.

Ce livre sans prétention se veut une première approche du judaïsme pour les chrétiens. Simple et accessible, il sera utile à toute personne ou toute communauté chrétienne qui veut s’initier au judaïsme et se préparer à la rencontre et au dialogue, particulièrement avec des membres de communautés juives locales. On souhaiterait qu’au sein de la communauté juive, une publication équivalente fasse connaître l’essentiel du christianisme et le discours actuel des Églises sur le judaïsme et qu’elle se penche, du point de vue juif, sur les enjeux, les possibilités et les limites d’un dialogue avec les chrétiens.

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