André Paul, À l’écoute de la Torah. Introduction au judaïsme
(«Initiations», Paris, Cerf, 2004, 216 p.)
Recension de livre
Jean Duhaime
Bien connu pour ses nombreux travaux sur le judaïsme ancien et sur l’histoire de la formation et de l’interprétation de la Bible, André Paul propose ici une introduction historique au judaïsme rabbinique « celui qui traversa les siècles pour parvenir jusqu’à nous ». Ce livre rend accessible au grand public une série de conférences prononcées par l’auteur à Paris au printemps 2004.
L’ouvrage comporte cinq chapitres, précédés d’une brève introduction qui situe le propos. Chacun des chapitres se termine par une sélection bibliographique qui permet d’aller plus loin. Le livre est également complété par un utile Lexique-Index. Les thèmes explorés sont :
- La Torah sur le chemin du judaïsme en formation
- L’avènement de la Mishnah et l’instauration de la Torah orale
- La Torah écriture normalisée, traduite et commentée
- Les courants mystiques anciens menant à la Kabbale
- La Torah comme « Écriture seule » : des Esséniens aux Karaïtes.
Cette introduction n’offre pas de description détaillée des croyances, rites et pratiques juives, pas plus d’ailleurs qu’un aperçu sur le rayonnement de la pensée juive dans la culture ou sur la situation actuelle du judaïsme. Mais, avec sa vaste érudition, A. Paul a le mérite de bien cerner les racines et les développements historiques du judaïsme rabbiniques et de les exposer de manière claire et précise. Il fournit ainsi les bases indispensables pour apprécier correctement les différences entre le judaïsme et le christianisme et reprendre sous cet éclairage le problème de leurs rapports mutuels. Cette question est discutée dans une conclusion qui intéressera particulièrement les personnes engagées dans le dialogue entre juifs et chrétiens.
Dans le parcours historique qu’il propose, A. Paul démontre que le judaïsme rabbinique et le christianisme sont deux systèmes différents, malgré leur apparente symétrie : le premier « a pour base mythique et matérielle la Torah », tandis que le second repose sur « le Christ fils de Dieu, avec le cortège des révélations qu’apporte ce dernier dans sa propre Torah, qui a nom Évangile » (p. 192-193). Le premier système a mûri lentement pendant plusieurs siècles, tandis que le second a été formulé très tôt par les premiers penseurs chrétiens.
Cette différence « doit être prise en compte dans tout discours sur la relation entre Juifs et chrétiens », estime A. Paul, qui formule à cet égard deux propositions. Il suggère d’abord aux chrétiens de laisser aux Juifs « l’acte de se distinguer et de se qualifier » et les invite à s’instruire mutuellement davantage sur « leurs biens respectifs qu’ils ont en propre et plus encore ceux qui les distingue » (p. 198), plutôt que sur ce qu’ils ont en commun.
Il souhaite également que les théologiens chrétiens renoncent définitivement à la théologie « de la substitution ou du transfert », qui sera toujours récusée par les Juifs, et qu’ils la relaient, dans la paix, par une « théologie de la différence et du partenariat » : « Des propositions théologiques lumineuses et fécondes pourraient jaillir d’une réflexion pertinemment documentée sur la différence entre doctrine judaïque et doctrine chrétienne » (p. 202).