Promouvoir la paix face à la violence au nom de la religion

La réunion de la Commission bilatérale des délégations du Grand Rabbinat d’Israël et de la Commission du Saint-Siège en charge des relations religieuses avec les Juifs a eu lieu à Rome du 28 au 30 novembre 2016 en présence du cardinal Turkson, de l’archevêque Pizzaballa, de l’évêque Marcuzzo et de plusieurs rabbins, parmi lesquels les rabbins Rasson Arussi et David Rosen. Voici les principaux extraits de la déclaration publiée à la fin de la réunion.

La violence au nom des religions, un abus blasphématoire

Le thème de la 14e réunion était : « Promouvoir la paix dans le contexte de la violence au nom de la religion ». Ont été reconnu les tragiques péchés du passé perpétrés au nom de la religion et le terrible abus blasphématoire de la religion, qui désacralise la vie humaine, niant la liberté et la diversité humaine et présentant des défis critiques à nos traditions respectives.

Le rôle des religions dans la construction de la paix et de la justice

La présentation catholique a examiné la question de savoir si, et dans quelle mesure, les religions peuvent jouer un rôle dans la solution des conflits et dans la construction d’un nouvel ordre international fondé sur la paix, sur la justice et sur le soin de la création. Nos religions, affirmant la sainteté divine de la vie humaine, exigent le respect de la vie et de l’identité de chaque personne. Cela doit être garanti aux réfugiés et aux migrants, y compris en les accueillant de manière à ce que soient promus les droits et la liberté de tous.

L’égale dignité de tous les humains

La présentation juive a passé en revue les différents facteurs qui conduisent à l’agression, à la violence et à la guerre, cherchant à définir les critères de valeur qui, en particulier dans les traditions abrahamiques, consentent de s’opposer à celles-ci, en particulier la valeur de la sainteté de la personne humaine, le principe de libre volonté et l’estime des différences comme reflet de la divine présence et volonté. Sous cet aspect, les paroles du cardinal Augustin Bea dans son commentaire de Nostra aetate méritent d’être mentionnées : il y affirme que le concept de paternité divine implique que tous les êtres humains sont égaux en dignité. En outre, c’est le devoir des autorités religieuses d’exercer l’humilité théologique en proposant et en interprétant leurs traditions respectives, afin d’éviter des propositions de violence contre les autres.

Les guides religieux doivent donner l’exemple

Devant les défis et les tragédies humaines contemporaines, a été soulignée l’importance que les guides religieux donnent des exemples de tolérance et de respect. En outre, les participants se sont engagés à persuader le plus efficacement possible leurs propres autorités à agir de la manière la plus tolérante et humaine à l’égard des « autres » et des faibles. À ce propos, les récentes affirmations du pape François adressées aux représentants de différentes religions sont particulièrement appropriées : « Que soient rejetées les voies sans issue de l’opposition et de la fermeture. Qu’il n’arrive plus que les religions, à cause du comportement de quelques-uns de leurs fidèles, transmettent un message dissonant, discordant avec celui de la miséricorde. Malheureusement, il ne se passe pas de jour sans que l’on n’entende parler de violences, conflits, enlèvements, attaques terroristes, victimes et destructions. Et il est terrible que, pour justifier de telles barbaries, le nom d’une religion ou de Dieu lui-même soit parfois invoqué. Que soient condamnés clairement ces comportements iniques qui profanent le nom de Dieu et polluent la recherche religieuse de l’homme. Que soient favorisées, en revanche, partout, la rencontre pacifique entre les croyants et une réelle liberté religieuse » (Discours du pape François à l’audience interreligieuse, Vatican, 3 novembre 2016).

Encourager le rejet des abus violents de la religion

Les membres de la commission ont attentivement pris en considération et accueilli avec satisfaction les initiatives explicitement orientées au rejet des abus violents de la religion, en particulier la plus récente rencontre de Marrakech, qui a publié une déclaration historique pour protéger la dignité humaine et la différence sur les terres musulmanes.

Juifs et chrétiens, appelés à œuvrer ensemble pour la paix

Après plus d’un demi-siècle de réconciliation entre juifs et catholiques et de dialogue fructueux, les juifs et les chrétiens sont appelés à œuvrer ensemble pour contribuer à créer la paix dans la famille humaine tout entière, accomplissant les paroles du psalmiste : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps 84,11). Les participants ont souligné l’importance d’éduquer les nouvelles générations à promouvoir la paix et le respect réciproque.

Respecter les lieux saints de chaque religion[1]

Dans la discussion sur des sujets d’actualité, a été affirmé le principe du respect universel pour les lieux saints de chaque religion, en étant attentifs aux tentatives de nier l’attachement historique du peuple juif à son lieu le plus saint. La commission bilatérale a pris position avec force contre la négation politique et polémique de l’histoire biblique, exhortant toutes les nations et les religions à respecter ce lien historique et religieux.

 

[1] NDLR. Ce paragraphe fait référence à l’adoption par l’UNESCO d’une nouvelle décision sur Jérusalem, en octobre 2016. Bien que le document affirme « l’importance de la Vieille Ville de Jérusalem et de ses remparts pour les trois religions monothéistes » (par. 2), il ne réfère aux lieux saints de Jérusalem que par leur nom arabe. Les autorités israéliennes et plusieurs leaders juifs et chrétiens y voient une négation du lien historique et religieux du peuple juif à son lieu le plus saint, le mont du Temple. Voir le document de l’UNESCO « Décisions adoptées par le conseil exécutif à sa 200e session » (Paris, 18 novembre 2016), p. 33-38 ( http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002463/246369f.pdf ). Une décision similaire avait été adoptée en avril 2016 (voir Jean Duhaime, « Une décision de l’UNESCO sur la Vieille ville de Jérusalem soulève la controverse », Relations judéo-chrétiennes, juin 2016. En marge du vote d’octobre 2016, la Directrice générale de l’UNESCO a fait une déclaration soulignant que « le patrimoine de Jérusalem est indivisible » et que « chacune de ses communautés a droit à la reconnaissance explicite de son histoire et de son lien avec la ville ».