Précisions du cardinal Kasper sur la prière révisée du Vendredi saint du missel de 1962

Le 10 février dernier, le rabbin David Rosen a adressé une lettre au cardinal Walter Kasper, président de la Commission pour les relations religieuses avec les Juifs pour lui faire part de son point de vue sur le texte révisé de la prière du Vendredi saint du missel romain de 1962, rendue publique le 5 février dernier

Précisions du cardinal Kasper sur la prière révisée du Vendredi saint du missel de 1962

Le 10 février dernier, le rabbin David Rosen a adressé une lettre au cardinal Walter Kasper, président de la Commission pour les relations religieuses avec les Juifs pour lui faire part de son point de vue sur le texte révisé de la prière du Vendredi saint du missel romain de 1962, rendue publique le 5 février dernier1. Le cardinal Kasper lui a répondu, en anglais, le 13 février; le texte de cette réponse a été mis en ligne quelques jours plus tard sur le site du Service International de Documentation Judéo-Chrétienne (SIDIC) de Rome2. Traduction (non-officielle) par Jean Duhaime.

Commission pour les relations religieuses avec les Juifs

Conseil Pontifical pour l’unité des chrétiens

13 février 2008

Grand rabbin David Rosen

Président

IJCIC

Cher rabbin Rosen,

En rentrant à Rome, j’ai trouvé votre lettre du 10 février 2008 concernant la révision de la prière pour le rite extraordinaire de la liturgie du Vendredi saint. Je comprends fort bien les sensibilités de quelques-uns des cercles juifs les plus conservateurs. Cependant, quiconque lit exactement ce qui est dit dans la prière révisée constate qu’elle ne retranche rien à Nostra aetate; en fait, ce texte demeure totalement valide et fondamental pour nos relations judéo-chrétiennes. Absolument personne à la curie romaine n’a l’intention de faire marche arrière et d’interrompre notre fructueux dialogue, que nous considérons comme irréversible.

Cependant il ne faut pas perdre de vue le fait que ce dialogue présuppose que les Juifs aussi bien que les Chrétiens conservent leurs identités et demeurent libres d’exprimer leurs fois respectives. Depuis le tout début de notre dialogue, il était et il demeure clair qu’en dépit de tout ce que nous avons en commun, il y a une différence fondamentale dans le domaine de la Christologie qui est constitutive aussi bien pour votre identité juive que pour notre propre identité chrétienne. Rendre témoignage de notre foi, tel qu’elle est exprimée dans la prière révisée, n’est donc en aucune manière retourner au langage du mépris; il s’agit plutôt d’une expression de respect mutuel dans notre altérité respective.

En révisant la prière de la nouvelle liturgie extraordinaire, le Pape a voulu éviter des formulations qui étaient perçues par bien des Juifs comme offensantes. Mais il a voulu du même coup demeurer cohérent avec la structure linguistique et stylistique intrinsèque de cette liturgie; par conséquent, il n’a pas voulu simplement remplacer cette prière par celle de la liturgie ordinaire, qui, ne l’oublions pas, est utilisée par la vaste majorité des communautés catholiques.

Le texte révisé ne parle plus de la conversion des Juifs, comme certains critiques l’affirment à tort. Ce texte est une prière inspirée de la lettre de saint Paul aux Romains, chapitre 11, qui est précisément le texte qui parle aussi de l’alliance qui n’a pas été rompue. Il reprend l’espoir de Paul que tout Israël sera sauvé à la fin des temps. Comme prière, ce texte laisse le tout entre les mains de Dieu et non entre les nôtres. Il ne dit ni comment ni quand cela arrivera. Par conséquent, il n’y est aucunement question d’activités missionnaires, par lesquelles nous pourrions prendre en main le salut d’Israël. Nous laissons cela entre les mains de celui qui le seul maître et Seigneur de l’histoire.

Je ne peux pas voir en quoi cette prière pourrait motiver une interruption de notre dialogue. Au contraire, cela nous offre l’occasion et nous met au défi de poursuivre le dialogue concernant ce que nous avons en commun et ce qui nous différencie à propos de notre espérance messianique.

Je suis heureux de constater qu’après l’expression d’un certain embaras, nous entendons maintenant de plus en plus de voix juives qui expriment une vision plus réaliste des choses et j’espère que cette lettre pourra contribuer à surmonter quelques malentendus et quelques irritants.

Sincèrement vôtre,

Cardinal Walter Kasper

Président

Notes
  1. 1 Voir à ce sujet l’article « La révision de la prière du Vendredi saint et le dialogue entre Juifs et chrétiens (http://www.jcrelations.net/fr/?item=2920).
  2. http://www.sidic.org/doc/DOC00353_Doc00558.pdf.