Les «affirmations» du document God’s Unfailing Word de l’Église d’Angleterre

Dans God’s Unfailing Word, publié en novembre 2019 par sa Commission Faith and Order, l’Église d’Angleterre rassemble, approfondit et présente en un même document les divers éléments d’«une théologie des relations entre chrétiens et juifs en accord avec sa doctrine».

God’s Unfailing Word comporte six chapitres regroupés en deux parties. La première est une réflexion théologique sur la «difficile histoire» des relations judéo-chrétiennes pendant plusieurs siècles (chap. 1) et sur «le caractère distinctif de la relation entre christianisme et judaïsme du point de vue de la théologie chrétienne» (chap. 2). La deuxième partie applique cette réflexion «à la manière dont les chrétiens parlent, pensent et interagissent avec leurs voisins juifs» dans quatre domaines spécifiques: la mission et l’évangélisation (chap. 3), l’enseignement et la prédication (chap. 4), la terre d’Israël (chap. 5) et le discernement éthique et l’action commune (chap. 6). Chaque chapitre commence par un encadré résumant en un paragraphe les principales affirmations concernant le sujet traité dans le texte. Voici une traduction de ces sommaires. Puisse-t-elle inciter à une lecture attentive de l’ensemble de cet important document! (JD)

1.    Une histoire difficile

Le judaïsme a continué d’être une religion vivante et en plein développement durant les deux millénaires suivant l’émergence du christianisme. Il doit être compris à la lumière de cette histoire et de sa réalité contemporaine. Le judaïsme se distingue fondamentalement du christianisme sur certains points et une prise en compte de la compréhension que les juifs ont d’eux-mêmes est essentielle pour le dialogue chrétien avec le peuple juif. Dans le passé, les chrétiens ont répété et encouragé des stéréotypes négatifs sur le peuple juif, contribuant ainsi à des souffrances et des injustices graves. Ils ont utilisé la doctrine chrétienne pour justifier et perpétuer la souffrance des juifs, par exemple en enseignant que le peuple juif souffrait et devrait souffrir parce qu’il est coupable du meurtre du Christ, le divin Fils de Dieu, ou parce qu’il a refusé d’accueillir le Messie. La promotion de ce que l’on a appelé «l’enseignement du mépris» a favorisé des attitudes de méfiance et d’hostilité chez les chrétiens à l’égard de leurs voisins juifs, ce qui a parfois conduit à des attaques violentes, des meurtres et des expulsions. Se repentir des péchés du passé implique qu’on s’engage à marcher aujourd’hui dans la nouveauté de la vie et qu’on rejette de tels abus de la doctrine chrétienne.

2.    Une relation distinctive

Jésus de Nazareth, que les chrétiens croient être le Messie et le Sauveur du monde, a vécu et est mort en tant que juif servant fidèlement le «Dieu d´Abraham, d´Isaac et de Jacob». Les Écritures qui ont informé et guidé la vie de Jésus étaient les livres que l’Église appelle maintenant l’Ancien Testament, après avoir résisté, durant la formation de son canon des Écritures, aux tentatives de les retirer ou les reléguer à un statut inférieur. Bien qu’il y ait des différences significatives entre le christianisme et le judaïsme dans leur lecture de ces textes communs, les deux les reçoivent comme inspirés par Dieu, permettant au peuple de Dieu d’entendre la parole de Dieu aujourd’hui. Ils fournissent aux juifs et aux chrétiens des textes communs pour le culte et la prière, et des sources auxquelles ils peuvent puiser avec confiance pour s’adresser au créateur du monde. Même si les chrétiens ont répondu de différentes façons à la compréhension que les juifs ont d’eux-mêmes comme peuple de Dieu, ils ne doivent ni rejeter celle-ci comme simplement erronée, ni l’accepter comme indépendante de l’œuvre salvatrice de Dieu en Jésus-Christ. La relation entre le christianisme et le judaïsme est caractérisée à la fois par la parenté et la différence, et l’idée du judaïsme comme «sacrement de l’altérité» pour l’Église exprime à sa manière le caractère distinctif de cette relation.

3.    Mission et évangélisation

La relation distinctive de parenté et de différence entre le christianisme et le judaïsme devrait amener les chrétiens à réfléchir soigneusement à la mission et à l’évangélisation en ce qui concerne leurs voisins juifs. L’Église participe à la mission de Dieu en (1) proclamant la bonne nouvelle du royaume, (2) enseignant, baptisant et nourrissant les nouveaux croyants, (3) répondant aux besoins humains dans un service aimant, (4) cherchant à remettre en question les structures injustes de la société, (5) s’efforçant de sauvegarder l’intégrité de la création. Appelés à témoigner de l’amour salvifique de Dieu en Jésus-Christ pour tous les peuples, les juifs comme les gentils, l’Église se souvient avec gratitude que le peuple juif se situe dans une relation unique avec le Dieu d’Israël qui s’est approché de nous dans le Christ. Il y a une responsabilité particulière d’être attentif aux manières dont l’évangélisation (associée aux deux premières "marques" de la mission indiqués ci-dessus) peut être considérée comme menaçante pour les juifs et ignorante de cette relation unique à Dieu. Conscients de la participation des chrétiens, durant des siècles, aux stéréotypes, à la persécution et à la violence contre le peuple juif, et réalisant comment cela a contribué à l’Holocauste, les chrétiens d’aujourd’hui devraient  être sensible aux craintes des juifs. Il est important pour les chrétiens de garder à l’esprit que témoigner de la grâce implique d’aider à créer les conditions d’un dialogue marqué par le respect et la confiance, et qu’ils adorent, avec le peuple juif, le Dieu unique révélé aux patriarches et aux prophètes et attesté par des Écritures qu’ils partagent avec ce peuple, comme le montre l’usage commun des psaumes à travers les siècles.

4.    Enseignement et prédication

Dans l’enseignement, la prédication, la liturgie et les modes plus informels de la communication au sein de leurs communautés, les chrétiens, clercs ou laïques, devraient donner une représentation véridique et exacte du judaïsme biblique et rabbinique et de Jésus en tant que juif de son temps qui est venu non pas pour détruire la Loi et les Prophètes mais pour les accomplir. Pour cela, il faut être conscient de l’ampleur de la continuité théologique et scripturaire entre le judaïsme et le christianisme, tout en comprenant la nouveauté que Dieu a faite en Christ. Il faut être sensible aux références implicites ou explicites aux juifs ou au judaïsme dans la liturgie et dans la lecture publique de l’Écriture, dans l’hymnodie et dans les représentations artistiques, qui peuvent être incomprises ou qui peuvent renforcer les préjugés. Quand les chrétiens cherchent à s’inspirer positivement de la liturgie et des traditions juives pour le culte chrétien, ils devraient le faire en sachant que le judaïsme est une religion vivante et en développement, avec sa propre intégrité.

5.    La terre d’Israël

La Terre Sainte, la terre de la promesse de Dieu, a une signification pour les juifs et pour les chrétiens qui va au-delà de la signification de toutes les autres terres. Elle a été la source d’une espérance continue pour le peuple juif à travers des millénaires d’exil et de dispersion. Beaucoup de chrétiens aussi la chérissent comme le lieu où Jésus-Christ a vécu, est mort et a été ressuscité des morts, où les premiers croyants chrétiens se sont rassemblés pour en témoigner, où une présence chrétienne continue a été maintenue depuis, et où, par le pèlerinage, des chrétiens de tous lieux et de toutes nations peuvent renouveler leur foi. Bien que les chrétiens adoptent des approches différentes sur nombre de questions contemporaines concernant l’État d’Israël, tous devraient accepter que (1) la plupart des juifs considèrent le sionisme comme un aspect important et légitime de l’identité juive, (2) l’État d’Israël a le droit à une existence sûre dans des frontières reconnues et sûres, selon les principes communs du droit international, (3) les principes du droit international garantissent également les droits et la sécurité du peuple palestinien, (4) l’impasse apparente actuelle présente de graves difficultés morales et est finalement intenable.

6.    Discernement éthique et action commune

Les chrétiens peuvent voir dans les traditions juives vivantes de révérence pour la Torah un amour de Dieu et un désir conséquent d’être fidèle à la parole révélée de Dieu. Comme ils cherchent à être fidèles en servant le même Dieu par amour, les chrétiens peuvent apprendre du dialogue avec les juifs à propos des textes bibliques et des idées qu’ils partagent les uns avec les autres, selon leurs différentes perspectives. Les textes partagés, les croyances communes et les valeurs qui en découlent permettent aux chrétiens et aux juifs de se rassembler, de parler et d’agir ensemble, souvent avec d’autres, sur des questions d’intérêt public dans notre société, y compris les questions concernant le monde en tant que création de Dieu, la dignité de la personne humaine et la liberté de religion incluant les pratiques religieuses qui ont une valeur particulière pour le christianisme ou le judaïsme.

Remarques de l’éditeur

Source : Church of England : https://www.churchofengland.org/sites/default/files/2019-11/godsunfailingwordweb.pdf.

Traduit par Jean Duhaime pour Relations judéo-chrétiennes.