Discours du pape François aux représentants des Églises et des communautés ecclésiales, et des différentes religions

Le 20 mars 2013, une semaine après son élection, le Pape François a reçu les délégations des autres Églises et confessions chrétiennes, ainsi que des autres religions, venues pour l’inauguration de son pontificat.[1]

Au nom de l’ensemble des personnes présentes, le Patriarche œcuménique Bartholomée Ier, primat de l’Église orthodoxe de Constantinople, s’est adressé au Saint-Père, en soulignant la lourde et difficile charge qui est désormais la sienne, en affirmant lui aussi la nécessité pour les Églises de renoncer à la mondanité et d’oeuvrer ensemble à l’unité des chrétiens. Assis sur un simple fauteuil, le Pape a répondu en appelant le Patriarche mon frère André, en référence au frère de Pierre, dont les évêques de Constantinople sont les successeurs. Voici le texte de cette allocution dont une section (en italique ci-après) s’adresse spécifiquement aux représentants de la communauté juive[2]  :

Chers frères et sœurs,

Avant toute chose, je remercie de tout cœur pour les paroles que mon Frère André [le patriarche œcuménique Bartholomée Ier] nous a adressées. Merci beaucoup ! Merci beaucoup !

C’est pour moi un motif de joie particulière de vous rencontrer aujourd’hui, Délégués des Églises orthodoxes, des Églises orthodoxes orientales et des Communautés ecclésiales occidentales. Je vous remercie d’avoir voulu prendre part à la célébration qui a marqué le début de mon ministère d’Évêque de Rome et de Successeur de Pierre.

Hier matin, durant la Sainte Messe, j’ai reconnu spirituellement à travers vos personnes la présence des communautés que vous représentez. Par cette manifestation de foi, il m’a ainsi semblé vivre de manière plus pressante encore la prière pour l’unité des croyants dans le Christ, et d’en voir ensemble, en quelque sorte, préfigurée cette réalisation plénière qui dépend du plan de Dieu et de notre collaboration loyale.

Je commence mon ministère apostolique durant cette année que mon vénéré prédécesseur, Benoît XVI, avec une intuition vraiment inspirée, a proclamée être l’Année de la foi pour l’Église catholique. Par cette initiative, que je désire poursuivre et qui, j’espère, sera un stimulant pour le cheminement de foi de chacun, il a voulu marquer le 50ème anniversaire du début du Concile Vatican II, proposant en quelque sorte un pèlerinage vers ce qui représente l’essentiel pour chaque chrétien : le rapport personnel et transformant avec Jésus Christ, Fils de Dieu, mort et ressuscité pour notre salut. C’est justement dans le désir d’annoncer aux hommes de tous les temps ce trésor de la foi perpétuellement valable, que réside le cœur du message conciliaire.

Ensemble avec vous, je ne peux oublier tout ce que ce Concile a signifié pour le cheminement œcuménique. Il me plaît de rappeler les paroles que le bienheureux Jean XXIII a prononcées, lui dont nous nous rappellerons dans peu de temps le 50ème anniversaire de son décès. Il a dit dans son discours inoubliable d’ouverture : « L’Église catholique estime que son devoir est de faire tous ses efforts pour que s’accomplisse le grand mystère de cette unité que Jésus-Christ, à l’approche de son sacrifice, a demandée à son Père dans une ardente prière; et elle éprouve une douce paix à savoir qu’elle est étroitement unie à ces prières du Christ » (AAS 54 [1962], 793). Ce Pape Jean !

Oui, chers frères et sœurs dans le Christ, sentons-nous tous intimement unis à la prière de notre Sauveur durant la Dernière Cène, à son invocation : ut unum sint (« qu’ils soient un »). Demandons au Père miséricordieux de vivre en plénitude cette foi que nous avons reçue en don le jour de notre baptême, et de pouvoir en donner le libre, joyeux et courageux témoignage. Ce sera là notre meilleur service à la cause de l’unité des chrétiens, un service d’espérance pour un monde encore marqué par des divisions, des oppositions et des rivalités. Plus nous serons fidèles à sa volonté, en pensées, dans les paroles et dans les œuvres, plus nous cheminerons vraiment et substantiellement vers l’unité.

Pour ma part, je désire vous assurer, suivant en cela mes prédécesseurs, de la volonté ferme de poursuivre le chemin du dialogue œcuménique, et je remercie déjà le Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, pour l’aide qu’il continuera à offrir, en mon nom, à cette très noble cause. Je vous demande, chers frères et sœurs, de porter ma salutation cordiale et l’assurance de mon souvenir dans le Seigneur Jésus aux Églises et aux Communautés chrétiennes que vous représentez. Et je vous demande d’avoir la charité d’une prière spéciale pour ma personne, afin que je puisse être un Pasteur selon le cœur du Christ.

Et maintenant, je m’adresse à vous, distingués représentants du peuple juif, auquel un lien spirituel très spécial nous unit puisque, comme l’affirme le Concile Vatican II : « L’Église du Christ reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent déjà, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes » (Décl. Nostra aetate, 4). Je vous remercie pour votre présence et j’ai confiance qu’avec l’aide du Très-Haut, nous pourrons poursuivre avec profit ce dialogue fraternel que le Concile a souhaité (cf. ibid.) et qui s’est effectivement réalisé, portant des fruits non négligeables, spécialement au cours des dernières décennies.

Je vous salue ensuite et je vous remercie cordialement, chers amis appartenant à d’autres traditions religieuses : d’abord les musulmans qui adorent Dieu unique, vivant et miséricordieux, et l’invoquent par la prière, et vous tous. J’apprécie beaucoup votre présence. En elle, je vois un signe tangible de la volonté de croître dans l’estime réciproque et dans la coopération pour le bien commun de l’humanité.

L’Église catholique est consciente de l’importance de la promotion de l’amitié et du respect entre les hommes et les femmes des diverses traditions religieuses – je voudrai le répéter : la promotion de l’amitié et du respect entre les hommes et les femmes des diverses traditions religieuses. En porte attestation aussi le précieux travail effectué par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux. Elle (l’Église) est consciente également de la responsabilité que tous nous portons envers ce monde, envers la création toute entière, que nous devons aimer et sauvegarder. Et nous pouvons faire beaucoup pour le bien de celui qui est pauvre, de celui qui est faible et de celui qui souffre, pour favoriser la justice, pour promouvoir la réconciliation, pour construire la paix. Mais surtout nous devons maintenir vive dans le monde la soif d’absolu, ne permettant pas que prévale une vision unidimensionnelle de la personne humaine, selon laquelle l’homme se réduit à ce qu’il produit et à ce qu’il consomme : c’est là l’un des pièges les plus dangereux de notre temps.

Nous savons combien la tentative d’éliminer Dieu et le divin de l’horizon de l’humanité a produit de violence dans l’histoire récente, et nous percevons la valeur de témoigner dans nos sociétés de l’ouverture originaire à la transcendance inscrite dans le cœur de l’homme. En cela, nous nous sentons également proches de tous ces hommes et ces femmes qui, bien que reconnaissant n’appartenir à aucune tradition religieuse, se sentent pourtant en recherche de la vérité, de la bonté et de la beauté : de cette vérité, de cette bonté et de cette beauté de Dieu, et qui sont nos alliés précieux dans l’engagement pour la défense de la dignité de l’homme, dans la construction d’une vie en commun pacifique entre les peuples et dans la sauvegarde soigneuse de la création.

Chers amis, merci encore pour votre présence ! Mon salut cordial et fraternel va vers tous !