Déclaration sur les colonies israéliennes en territoire palestinien occupé
Comité central du Conseil Oecuménique des Églises
(Au terme de sa réunion de 2009, tenue du 26 août au 2 septembre à Genève en Suisse, le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises (COE) a adopté une déclaration sur les colonies israéliennes en territoire palestinien occupé. Compte tenu du caractère dramatique de la situation au Proche-Orient et des tensions qu’elle ravive de manière récurrente dans le dialogue entre Juifs et Chrétiens, il a paru utile de porter cette déclaration à la connaissance des lecteurs de JCRelations.net. Le Comité central, organe directeur suprême du COE entre les réunions de l’Assemblée générale, est composé de plus de 150 délégués élus par celle-ci. Fondé en 1948, le COE se présente comme «la plus vaste et la plus inclusive des nombreuses expressions organisées du mouvement oecuménique moderne, dont l"objectif est l"unité des chrétiens». Il regroupe 349 Églises, dénominations et communautés d"Églises d’une centaine de pays et territoires du monde entier, représentant plus de 560 millions de chrétiens. JD)
Déclaration du Comité central du Conseil oecuménique des Églises sur les colonies israéliennes en territoire palestinien occupé
1. Alors que la décision des Nations Unies (ONU) de 1947 (Résolution 181) de créer deux Etats sur le territoire de la Palestine a été partiellement réalisée par la création de l’Etat d’Israël, la deuxième partie de cette résolution attend encore sa réalisation: l’établissement d’un Etat palestinien. La politique continue de construction de colonies de peuplement de l’Etat d’Israël dans des territoires occupés depuis 1967 est un obstacle à la réalisation de cette promesse et de la décision de la communauté des nations en vue d’un Etat palestinien viable. La colonisation ininterrompue de terres situées au-delà des frontières internationalement reconnues d’Israël (la frontière définie par la Ligne verte de 1949) est rejetée presque universellement et a suscité une stupéfaction générale, parce qu’elle est illégale, injuste, incompatible avec la paix et contraire aux intérêts légitimes de l’Etat d’Israël. Même là où, dans le monde, le droit à l’existence d’Israël suscite la sympathie et la solidarité, sa politique d’expansion et d’annexion provoque la consternation ou l’hostilité, car elle représente un indicateur direct de sa nature d’occupation.
2. Il existe quelque 200 colonies de peuplement abritant plus de 450"000 colons en Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem Est. Elles fragilisent les efforts de paix de la communauté internationale et les rendent virtuellement impossibles. Et même la demande de «geler l’implantation des colonies» formulée par l’allié le plus puissant d’Israël reçoit pour toute réponse une nouvelle série de reports intentionnels, des concessions temporaires et des conditions préalables tactiques, ce qui érode la bonne volonté, détruit l’espérance et anticipe sur les négociations importantes qu’un gel imposé en toute bonne foi pourrait faciliter. Ce refus de geler l’expansion indique en outre un refus de traiter la question essentielle de l’occupation et de la colonisation en tant que telles.
3. Il est encourageant de constater que le gouvernement des Etats-Unis et les gouvernements de nombreux autres Etats ont exprimé leur détermination à écarter ce qui fait obstacle à la paix et à régler le conflit israélo-palestinien par des négociations à la fois substantielles et finales. Ainsi commencera une ère de relations nouvelles dans l"ensemble du Moyen-Orient. Pourtant, il est décourageant de voir que les évènements dans les Territoires palestiniens occupés et à Jérusalem-Est illustrent une fois de plus la nature inflexible de l’occupation d’Israël et la manière dont ce pays ne cesse de créer des obstacles à la paix.
4. Au lieu de geler les activités d’implantation des colonies, le travail se poursuit dans le cadre de vastes projets de peuplement urbain et de nombreux autres petits projets. Le gouvernement israélien se propose encore de construire quelque 2"500 nouvelles habitations à Jérusalem Est et en Cisjordanie. Ces politiques d’Israël sont cause de nouveaux déplacements à répétition de résidents palestiniens à l’intérieur du territoire occupé. La démolition de maisons qui a eu lieu en juin 2009 à Jérusalem Est a causé des souffrances indicibles aux Palestiniens. Des ordres de démolition ont été donnés à l’encontre de centaines de familles par les autorités municipales et militaires israéliennes, et des centaines de propriétés appartenant à des Eglises sont en danger, particulièrement en raison de l’expansion des colonies de peuplement et des logements contrôlés par Israël à Jérusalem Est. Et ce ne sont là que des exemples isolés d’une tragédie bien plus vaste.
5. L’existence de ces colonies illégales et de leurs infrastructures, dont le mur de séparation, la confiscation de terres palestiniennes situées au-delà de la Ligne verte, les prétendues «zones de sécurité» et le vaste réseau de tunnels, de routes de contournement et de postes de contrôle empêchent l’accès des Palestiniens à une grande partie de leurs terres et de leurs ressources en eau. Tout cela restreint leur liberté de mouvement, porte atteinte à leur dignité humaine fondamentale et, dans de nombreux cas, à leur droit à la vie. Ces mesures entraînent aussi des conséquences dramatiques pour les droits des Palestiniens à l’éducation et leur accès au système de santé. Elles détruisent l’économie palestinienne en empêchant le mouvement des marchandises et rendant presque impossible la réalisation d’un Etat palestinien viable. Le sentiment de dépossession et le désespoir s’accroît au sein de la population palestinienne, ce qui contribue à attiser les tensions dans la région et va constituer un danger considérable pour la sécurité d’Israël.
6. Les colonies de peuplement illégales à Jérusalem et aux alentours mettent en danger l’avenir de la ville sainte, qui devrait faire l’objet de négociations dans le cadre d’un accord de paix global. Les colonies isolent Jérusalem du reste de la Cisjordanie palestinienne, séparant des familles et brisant des liens économiques vitaux. Les politiques israéliennes correspondantes, relativement à la restriction des droits de résidence des habitants de Jérusalem par la confiscation de leurs cartes d’identité, la limitation des permis de construire, le refus d’autoriser les regroupements familiaux, etc. visent à transformer la nature de la ville sainte, qui devrait être ouverte à tous et commune aux deux peuples et aux trois religions.
Rappelant la position constante des Assemblées, des Comité centraux et des Comités exécutifs du Conseil œcuménique des Eglises (COE) sur cette question, qui rejette notamment le fait qu’une nation détienne ou annexe le territoire d’une autre (Héraclion 1967, Uppsala 1968), le Comité central du COE
7. est conscient du fait que les Hautes parties contractantes à la Quatrième Convention de Genève doivent mettre en pratique leur déclaration du 5 décembre 2001, qui réaffirme l’illégalité des colonies de peuplement et de leur croissance et appelle la puissance occupante «à respecter entièrement et réellement la [Convention]» (Genève 2002);
8. se souvient que nous estimons depuis longtemps que «des décisions unilatérales ont radicalement transformé la géographie et la démographie de [Jérusalem]» (Harare 1998), que les résolutions 181, 194, 303 des Nations Unies, ainsi que des décisions ultérieures préconisent un statut spécial pour Jérusalem en tant que «corpus separatum sous un régime international spécial», et que les Conventions de Genève interdisent toute modification de la population et de la nature des territoires occupés qui comprennent Jérusalem-Est;
9. est convaincu qu’il est nécessaire de lancer un boycott international sur les marchandises produites dans les colonies israéliennes illégales dans les territoires occupés, et que les Eglises membres et les fidèles doivent «se joindre à des actes non violents de résistance à la confiscation des terres, à la destruction de propriétés palestiniennes et à l"expulsion de personnes hors de leurs maisons et de leurs terres» (Genève 2001);
10. est convaincu que les Eglises ne doivent pas se rendre complices des activités illégales dans en territoire occupé, notamment la destruction d’habitations et de terres palestiniennes, la construction de colonies de peuplement et les infrastructures qui leur sont liées, ainsi que la barrière de séparation; elles ont l’occasion de prendre des mesures économiques «équitables, transparentes et non violentes» contre ces activités illégales, pour soutenir des solutions pacifiques du conflit (Genève 2005);
11. est consterné devant l’établissement de frontières qui donnent toujours plus d’espace à l’une des parties, et enferment l’autre dans des limites toujours plus étroites, en étendant «la présence civile et militaire israélienne à l"intérieur du Territoire palestinien, sapant tous les efforts de paix et … le concept même d"un Etat palestinien viable et contigu» (Genève 2004);
12. réitère que les lieux saints à Jérusalem doivent être «mis en harmonie avec les besoins des communautés chrétiennes qui vivent dans la ville sainte et y ont leurs racines» et dont la vie et les racines sont menacées de manière croissante par les politique de peuplement (Nairobi 1975);
13. reconnaît l’importance que revêtent la recherche, la documentation et le débat mené sur les colonies de peuplement par les groupes de la société civile, les organisations internationales et d"inspiration religieuse, ainsi qu"au sein de la société israélienne, notamment avec le Rapport Sassoon du gouvernement israélien de 2005;
14. réitère l"appel lancé par le COE à toutes ses Eglises membres pour qu"elles accompagnent et encouragent l"engagement en faveur de la non-violence et une participation active à des négociations de paix en vue d"une paix globale et juste permettant à deux Etats de vivre côte à côte en toute sécurité et dans des frontières reconnues internationalement.
C’est pourquoi le Comité central du COE, réuni à Genève, Suisse, du 26 août au 2 septembre 2009, appelle les Eglises membres et les organisations qui leurs sont rattachées à:
A. prier pour les gens qui souffrent en raison de l’implantation de près de 200 colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem Est, des routes et des infrastructures qui en sont le corollaire, de la violence des colons, des contrôles de l’armée et de la police qui favorisent les colons, et des restrictions imposées aux droits et aux moyens d’existence des citoyens palestiniens, et leur venir en aide;
B. entendre l’appel que les Eglises de Jérusalem adressent à la communauté œcuménique internationale, pour qu’elle agisse concrètement en vue d’une paix juste, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens;
C. prier instamment le gouvernement d’Israël et l’Autorité palestinienne de réfléchir à leur souveraineté sur la terre sainte avec des sites des trois religions monothéistes et de continuer à inviter le Conseil des institutions religieuses de Terre sainte à participer au processus de paix et notamment en ce qui concerne le statut de Jérusalem et des lieux saints;
D. appeler leurs gouvernements respectifs à faire la distinction entre les intérêts légitimes de l’Etat d’Israël et ses colonie de peuplement illégales, et à conformer leurs actes à cette distinction dans l’intérêt de la paix;
E. surveiller et interpeller les gouvernements qui, d’un côté, fournissent aux Palestiniens des secours et de l’aide au développement et, de l’autre, mènent une politique étrangère qui permet à Israël de faire souffrir les Palestiniens, de séparer les unes des autres la Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza, de maintenir le blocus de Gaza et d’imposer diverses restrictions à l’économie palestinienne;
De même, le Comité central:
F. appelle la puissance occupante à respecter pleinement et réellement la Quatrième convention de Genève, y compris son interdiction d’apporter des modifications à la population et au caractère des territoires occupés;
G. appelle le gouvernement israélien à appliquer de toute urgence un gel à durée indéterminée et en toute bonne foi de toutes les constructions et extensions de colonies de peuplement comme première étape du démantèlement de toutes les colonies.
H. invite les Eglises membres et tous les fidèles à soutenir moralement et concrètement les actes non-violents de résistance à la confiscation des terres, la destruction de biens palestiniens et l’éviction des gens hors de leurs maisons et de leurs terres, comme le Comité central l’a déjà recommandé en 2001;
I. encourage les personnes qui, dans les deux camps, soutiennent sans relâche l"échange de territoires pour la paix;
J. félicite les Eglises membres, les partenaires spécialisés et les réseaux de paix des Eglises qui ont participé à la Semaine mondiale pour la paix en Palestine Israël, du 4 au 10 juin 2009, organisée par le COE sur la question des colonies de peuplement;
K. invite les Eglises membres qui n’ont pas encore adopté l’Appel d’Amman de 2007 à le faire et à se joindre à d’autres Eglises qui travaillent en vue de la paix dans le cadre du Forum œcuménique Palestine/Israël;
L. réitère l’appel aux Hautes parties contractantes de la Quatrième Convention de Genève pour qu’elles appliquent leur déclaration du 5 décembre 2001, qui réaffirme l’illégalité des colonies de peuplement et leur croissance;
M. réitère qu’il est nécessaire d’imposer un boycott international aux produits et services provenant des colonies de peuplement, que les Eglises membres doivent s’informer sur les produits provenant des colonies et importés dans leurs pays respectifs et que les Eglises pratiquent des investissements moralement responsables afin d’influencer les entreprises liées à l’occupation israélienne et à ses colonies illégales;
N. demande au gouvernement des Etats-Unis de faire en sorte que la question des colonies de peuplement soit résolue dans le cadre d’un accord de paix global, qui comportera des étapes successives entre des mesures provisoires et celles du statut final.
Approuvé à l"unanimité par consensus
(Genève, 2 septembre 2009)
Source: www.oikoumene.org