Depuis le 7 octobre, après les attaques terroristes du Hamas et les prises d’otages, suivies des opérations militaires à Gaza, nous voyons un enchaînement de violences qui place tout le Moyen-Orient au cœur d’un cyclone dévastateur. Les événements des derniers jours le soulignent assez. Il est essentiel que de nombreuses voix s’élèvent pour appeler à la paix. Qui, du reste, n’est pas bouleversé par le sort des populations gazaouies? Cependant, ne convient-il pas de prendre le temps de tout expliquer? C’est-à-dire défaire les plis de la complexité de la situation, afin d’approcher, au plus près, de la vérité? En effet, comme l’indique le psaume 84, pour que «justice et paix s’embrassent» encore faut-il, également, qu’«amour et vérité se rencontrent».
Or, dans la situation actuelle, il est impensable de ne pas citer tous les protagonistes. Par exemple, s’il est légitime d’évoquer la responsabilité de l’actuel gouvernement israélien, comment parler de ce conflit meurtrier sans nommer, aussi, le mouvement terroriste Hamas et les choix stratégiques de sa branche armée, les brigades Al-Qassam? Impossible d’oublier les otages détenus à Gaza depuis plus de six mois!
De même, ce sont toutes les souffrances, toutes les détresses, en cette occurrence palestiniennes et israéliennes, qui doivent être considérées, prises en compte. C’est notre commune humanité qui est meurtrie. Le chemin de la vérité est exigeant. Il nous met tous à l’épreuve, car il oblige constamment à approfondir la nature de notre regard sur les faits et de notre relation à l’autre dans son absolue altérité. Derrière l’appréciation de la situation et la recherche de la justice et de la vérité, il y a de nouvelles questions théologiques et éthiques. La question du rapport du judaïsme à l’islam et la situation des chrétiens en Orient sont sous-jacentes à nos analyses.
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient faire accroire, il s’agit d’un devenir et non pas d’un «accompli». Tout n’a pas été dit avec Nostra Aetate. La déclaration conciliaire fut un changement de paradigme et, depuis maintenant presque soixante ans, beaucoup de chemin a été parcouru. Cependant, l’antijudaïsme chrétien n’est pas une «affaire classée». Il demeure prégnant dans l’inconscient collectif occidental. Ainsi, «déconstruire l’antijudaïsme chrétien» demeure un impératif, hélas, toujours d’actualité.
Par ailleurs, ayons le courage de voir le «tsunami de la haine» qui risque de fracturer gravement nos sociétés. Parmi ces haines, il y a l’antisémitisme. Aujourd’hui les communautés juives à travers le monde, particulièrement en Europe et singulièrement en France, subissent une vague d’agressions d’une extrême violence. Inégalée depuis la Seconde Guerre mondiale et la Shoah.
Cette augmentation exponentielle est corrélée avec les événements tragiques du Moyen-Orient. Vu l’ampleur des chiffres, l’inquiétude est grande quant aux conséquences sur les personnes. Faut-il le rappeler? Onze de nos concitoyens, dont trois enfants, depuis 2006, ont été assassinés, simplement du fait de leur judéité. L’antisémitisme étant polymorphe, ce qui apparaît, aujourd’hui, c’est une insidieuse «haine vertueuse». À savoir, détester les juifs au nom de la compassion que l’on aurait vis-à-vis d’une autre population. Comme si la solidarité avec l’un justifiait la haine de l’autre. Mesurons combien est mortifère le syllogisme implicite qui fait dire «un juif égale un colon, égale un assassin». Des concitoyens sont insultés, certains frappés, en raison de telles outrances.
Nous en sommes tous témoins, de nouveaux et lourds nuages assombrissent l’horizon avec une gravité sans nom. Rappelons-le avec force: rien –ni la religion, ni les considérations politiques– ne peut justifier l’antisémitisme qui demeure un péché contre Dieu et contre l’humanité! Rédiger ces lignes, ce n’est pas méconnaître l’importance, la beauté et l’urgence du dialogue interreligieux, en particulier avec nos amis musulmans. Simplement, en raison du contexte international et national, nous mesurons l’immense détresse de ceux et celles à qui nous lie un «lien spirituel unique» et, dans la proximité de Pessah, nous leur adressons ce message: «Vous n’êtes pas seuls!»