Religion et action sociale – Un point de vue catholique

Brian McDonough, directeur de l’Office de la pastorale sociale du Diocèse de Montréal, propose ici une vue d’ensemble de la pensée de l’Église catholique sur l’action sociale et de ses implications concrètes. Exposé présenté le 24 avril 2014 à l’Université du Québec à Montréal au cours d’une table-ronde sur l’engagement social des croyants. Cet événement était associé à l’exposition Avoir le courage de ses convictions – Réflexions autour de la vie et de l’œuvre du rabbin Marshall Meyer[1].

Dans une culture sécularisée comme la nôtre, une tradition religieuse trouve plus souvent de la crédibilité par son action sociale. Dans la tradition catholique, l’action sociale inspire et s’inspire d’une lecture priante de la Bible. Née d’une telle lecture sur plusieurs siècles, la pensée sociale de l’Église catholique, constitue une connaissance éclairée par la foi chrétienne, en dialogue cordial avec chaque savoir. Elle est une expression de l’enseignement de l’Église, pour une société réconciliée dans la justice et l’amour. Ce discours s’adresse non seulement à ses membres, mais à l’ensemble de l’humanité, sous le signe de la continuité et du renouvellement.

La pensée sociale catholique offre des principes de réflexion, propose des critères de jugement et identifie des pistes d’action pour répondre à des besoins dans notre monde actuel.

Les principes de la pensée sociale catholique

Les six grands principes de la pensée sociale catholique sont : le respect de la dignité de la personne humaine, le bien commun, la destination universelle des biens, la subsidiarité, la participation et la solidarité. Ces principes, qui existent en relation dynamique, dialectique et critique les uns par rapport aux autres, se déclinent dans les domaines de la famille, du monde du travail, de la vie économique, de la communauté politique, de la communauté internationale, de la sauvegarde de l’environnement[2] et de la promotion de la paix – des domaines névralgiques pour l’avenir du Québec.

1)  Le respect de la dignité de la personne

C’est le premier principe, celui sur lequel tous les autres sont fondés : « Parce qu’il est à l’image de Dieu, l’être humain a la dignité de personne: il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un »[3]. Rappelez-vous une situation où vous avez senti que vous étiez  traité davantage comme un objet que comme une personne… Ce principe rappelle ceci : une société juste ne peut être réalisée qu’à la condition de respecter la dignité transcendante de la personne humaine. L’ordre social « doit être subordonné à l’ordre des personnes et non l’inverse »[4]. Le Québec ne doit pas sacrifier des générations ou des secteurs de la population, au nom d’un ordre social qui ne bénéficiera qu’aux puissants. Ce principe est au cœur du projet porté par un grand nombre de mouvements sociaux et de groupes populaires, qui visent à instaurer un Québec sans pauvreté[5].

Si la personne humaine est le fondement et la finalité de la communauté politique, le respect de la dignité de la personne exige la protection des droits fondamentaux de la personne[6]. Les droits de la personne « constituent une norme objective qui fonde le droit positif et qui ne peut être ignorée par l’État, car la personne lui est antérieure sur le plan de l’être et des finalités »[7]. Dans un Québec qui sera marqué de plus en plus par la pluralité aux plans religieux, culturel et éthique, ce principe offre aux croyants une justification crédible de leur adhésion aux chartes des droits et libertés. Au nom de ce principe, les Églises du Québec continueront à intervenir en faveur de la défense des droits des plus vulnérables, notamment les réfugiés et les demandeurs d’asile[8], les victimes du trafic humain, les itinérants, les aînés sans défense, et les personnes qui souffrent de troubles de santé mentale. 

2)  Le bien commun

Par bien commun, on entend : « […] cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur épanouissement d’une façon plus totale et plus aisée »[9].

Les exigences du bien commun découlent des conditions sociales de chaque époque et sont étroitement liées au respect et à la promotion intégrale de la personne et de ses droits fondamentaux[10]. Ces exigences font référence aux besoins suivants : l’alimentation, la santé[11], le logement, le transport, le travail, l’éducation, l’accès à la culture, la libre circulation de l’information, la liberté religieuse et de conscience, un ordre juridique solide et un environnement sain[12].

L’interaction de ces aspects du bien commun peut s’illustrer comme suit. Actuellement dans des quartiers populaires de la métropole, des ménages se voient dans l’obligation de quitter leur logement, à cause de l’augmentation du loyer ou à cause d’une reprise du logement par le propriétaire. Ces ménages doivent quitter le quartier où ils avaient constitué leur réseau d’entraide pour s’établir dans d’autres secteurs plus périphériques. Dans ces quartiers plus éloignés, il y a relativement peu d’épiceries « du coin », où les personnes en situation de précarité peuvent acheter à crédit. Pour se procurer des aliments, les gens doivent maintenant se rendre dans les centres d’achat, accessibles seulement par transport en commun. Or, et toujours à cause de cet éloignement, le service d’autobus y est plus limité. Ainsi des familles en situation de pauvreté sont confrontées à des conditions sociales qui, le plus souvent, ne favorisent pas d’une façon plus aisée leur développement, encore moins leur épanouissement, et voire même le compromet davantage.

Il revient à l’État de promouvoir le bien commun. Si l’État n’agit pas opportunément en matière économique, sociale et culturelle, des inégalités s’accentueront entre les citoyens, et les relations sociales se détérioreront[13].

3) La destination universelle des biens

Le troisième principe est celui de la destination universelle des biens : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les humains et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous[14].  Ce principe conteste la logique du néo-libéralisme et le contrôle des ressources par une petite minorité[15]. Il est au cœur des campagnes que Développement et paix mène en faveur de l’accès à l’eau potable et de la souveraineté alimentaire[16]. De plus en plus au cours des prochaines décennies, les conflits armés, surtout dans les pays du Sud, seront provoqués par la compétition qui fait rage autour de l’accès aux ressources naturelles essentielles.

Le principe de la destination universelle des biens requiert d’accorder une sollicitude particulière aux personnes en situation de pauvreté[17]. À ce propos Jean Paul II, dans son discours aux évêques réunis à Puebla en 1979, avait insisté sur le fait qu’il fallait « réaffirmer, dans toute sa force, l’option préférentielle pour les pauvres »[18]. Les groupes qui font partie du Collectif pour un Québec sans pauvreté, rappellent toute la pertinence de cette option[19]. Celle-ci est actualisée dans les communautés paroissiales, non seulement à travers les œuvres caritatives qui répondent à des besoins immédiats et urgents, mais aussi dans les approches axées sur la prise en charge des personnes démunies par elles-mêmes et leur « empowerment » (ex. l’organisation des magasins-partage, des cuisines collectives ou des groupes d’achat économique).

Par contre, ces actions demeurent insuffisantes si elles ne sont pas marquées par l’amour pour autrui. Benoît XVI, dans sa première encyclique Dieu est amour, a rappelé que la participation personnelle et profonde aux besoins et aux souffrances d’autrui est une façon de s’associer à lui : « Pour que le don n’humilie pas l’autre, je dois lui donner non seulement quelque chose de moi, mais moi-même, je dois être présent dans le don en tant que personne »[20].

4)  La subsidiarité

Le quatrième principe, la subsidiarité, comporte à la fois un aspect positif et un aspect négatif. Le principe reconnaît que l’État a la responsabilité d’accorder une aide (subsidium) aux cellules de la société civile, notamment les familles, les groupes, les associations, et les réalités territoriales locales. Mais il impose aussi à l’État l’obligation de s’abstenir de tout ce qui restreindrait, de fait, l’espace vital de ces cellules. L’initiative, la liberté et la responsabilité de la société civile ne doivent pas être supplantées par l’État. Ce principe reconnaît implicitement le rôle de l’action communautaire autonome dans la création d’un Québec dynamique et solidaire.

Le principe de la subsidiarité signifie aussi que les décisions d’ordre économique, social et politique doivent être prises par les instances les plus proches possibles des personnes qui seront affectées par ces décisions. Ce principe rappelle une des exigences de la vie démocratique. Il met en question la logique de certaines instances gouvernementales qui décident, par exemple, qu’une région du Québec doit être « fermée », sans avoir consulté les résidents au préalable.

Il y a négation du principe de la subsidiarité lorsque l’État, au nom d’une laïcité radicale ou intégrale[21], cherche à exclure toute expression de la foi religieuse dans les délibérations publiques ou à supprimer toute manifestation ou signe religieux au sein des institutions publiques, telles que le système scolaire ou les établissements de santé. Par contre, le principe de la subsidiarité est respecté lorsque l’État, au nom d’une laïcité ouverte[22], demeure neutre à l’égard des traditions religieuses[23]. Une telle neutralité n’empêcherait pas l’État de promouvoir les principes qui découlent de la pensée sociale catholique ou de toute autre vision du monde, car ces principes, comme je tente de le démontrer, constituent le socle de la vie démocratique[24].  

5) La participation

Le cinquième principe, celui de la participation, « s’exprime en une série d’activités à travers lesquelles le citoyen, comme individu ou en association avec d’autres, contribue à la vie culturelle, économique, sociale et politique de la communauté civile à laquelle il appartient »[25]. Il s’agit d’un devoir « que tous doivent consciemment exercer, d’une manière responsable et en vue du bien commun »[26].

Ce principe a une grande pertinence dans un Québec qui sera marqué par la présence de plusieurs minorités. La pensée sociale catholique reconnaît que les groupes minoritaires ont droit à leur propre existence. Ils ont le droit de conserver leur culture, y compris leur langue, ainsi que leurs convictions religieuses. Mais les minorités ont également des devoirs à remplir, comme en priorité celui de coopérer au bien commun de l’État où elles sont insérées. Les droits et les devoirs des groupes minoritaires furent une des préoccupations centrales des intervenants devant la Commission Bouchard-Taylor.

Mais la reconnaissance des droits et des devoirs ne suffit pas. Pour vivre ensemble, une amitié civique[27] doit régner, notamment entre les membres des traditions religieuses réunis aujourd’hui pour ce colloque.

6) La solidarité

Le sixième principe, la solidarité, se présente sous deux aspects. Comme principe social, la solidarité ordonne les institutions : les structures de péché ou d’exclusion doivent être transformées par l’élaboration et la modification de lois et des règles du marché. Par exemple, les structures financières, dominées par l’avidité et par la logique du gain à court terme, semblent avoir conduit les économies des pays industrialisés au bord de la récession économique. Ces structures pourraient être assujetties à une meilleure réglementation, afin d’assurer plus de transparence et une meilleure protection du bien commun.

Comme valeur morale, la solidarité « est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous »[28].

Des critères de jugement et des pistes d’action

Comment ces principes contribuent-ils au jugement à propos de ce qui doit être fait dans une situation concrète? Quelles pistes d’action inspirent-ils dans des situations concrètes?

Au niveau du jugement, la pensée sociale peut révéler nos préjugés et les distorsions dans notre façon de saisir et comprendre la réalité[29]. Elle peut nous inviter à dépasser les formules et les idées toutes faites, pour poser des questions de fond, pour mieux comprendre les structures sociales, économiques et politiques en place –les structures de péché et les structures de solidarité–  et pour identifier quelles sont les valeurs à choisir. La pensée sociale agit contre l’aveuglement éthique qui découle de la tentation de l’intérêt et du pouvoir. Elle  contribue à la purification de la raison pratique des décideurs qui doivent chercher et  réaliser la justice.

Mais le discours ne peut suffire : « La pensée sociale sera rendue crédible par les œuvres, plus que par la cohérence et la logique internes du message lui-même »[30]. Aussi une Église locale comme celle de Montréal cherche à dégager, à partir de tels principes, des pistes d’action concrètes dans diverses situations.

À ce propos, une distinction préliminaire doit être faite. Il y a ce que l’Église catholique, comme institution et acteur social dans un milieu particulier, réussit à faire grâce à ses agents et ses bénévoles. Mais il y a aussi ce que des membres de l’Église, inspirés et nourris par leur foi, réussissent à faire dans la société civile : leurs activités professionnelles, leurs engagements dans le domaine politique et social, leurs actions bénévoles dans des organismes communautaires, sans que ces derniers soient identifiables à l’Église.

Je vous invite à considérer les champs dans lesquels intervient un service diocésain de pastorale sociale comme celui que je dirige au Diocèse de Montréal. Certains penseront que c’est très peu compte tenu des défis sociaux actuels; mais ce n’est pas rien non plus. J’en énumère six :

1) La promotion d’une meilleure collaboration entre des paroisses et des organismes communautaires, engagés à la lutte contre l’appauvrissement et contre d’autres formes d’exclusion sociale. Par exemple, les magasins-partage, les comités sur le logement, l’accompagnement de groupes de femmes d’ici et d’ailleurs.

2) La participation aux efforts de coalitions et de mouvements engagés à la défense et à la promotion des droits humains et sociaux. Par exemple Le Collectif pour un Québec sans pauvreté.

3)  La participation avec les peuples autochtones à la recherche de justice, de guérison et de réconciliation, ce qui suppose qu’on accepte de cheminer avec eux. Par exemple La Commission Vérité & Réconciliation sur les pensionnats indiens.

4)  La mise en œuvre d’initiatives qui favorisent l’accueil et l’intégration des réfugiés et des immigrés, et d’efforts pour bâtir des ponts entre les communautés linguistiques, culturelles et religieuses différentes. Par exemple intervenir lorsqu’une famille est menacée de déportation; dénoncer des lois qui excluent;  faciliter le parrainage collectif de réfugiés; accompagner des travailleurs agricoles.

5)  Une contribution à la réinsertion sociale des personnes ex-détenues et le soutien, dans une perspective de justice réparatrice, de tous ceux et celles dont la vie a été marquée par la violence et le crime. Par exemple, Le Centre des services de justice réparatrice; le CEJC (le Conseil des Églises en Justice et Criminologie);

6)  La sensibilisation des catholiques d’ici aux réalités vécues par les populations dans les pays du sud, à la dégradation des milieux écologiques ainsi qu’au rôle des gouvernements, des institutions financières et des organismes non-gouvernementaux, dans un contexte de mondialisation. Par exemple les campagnes de « Développement et Paix » (campagnes sur la sécurité alimentaire, sur l’impact des compagnies minières canadiennes dans certains pays du Sud, sur le brevetage du vivant, sur l’accès à l’eau potable).

En plus des services diocésains, il y a toutes les actions qui sont réalisées par les communautés religieuses, soit directement par les membres de ces communautés, soit indirectement par les groupes et organismes fondés par ces communautés, et qu’elles continuent à financer généreusement. 

La spécificité de l’action sociale de l’Église

Comment une action sociale inspirée de l’Évangile pourrait-elle se démarquer de celle d’un organisme qui ne se réfère aucunement à une tradition religieuse? Dans notre société, la distinction entre l’action sociale de l’Église et celle des personnes venant d’autres traditions religieuse ou n’appartenant à aucune tradition religieuse se situerait davantage au plan des motivations et des attitudes, qu’au plan des résultats et des façons de faire.

1)  Motivations

Pour le croyant catholique, Dieu est la cause première de l’interaction entre le hasard et la nécessité qui caractérise la création. Cette interaction est fondamentalement orientée vers le bien, et ultimement vers la communion avec Dieu. Le croyant serait motivé par la conviction que ses efforts pour promouvoir la justice et la paix (Colossiens 3,2) contribuent à la concrétisation du désir de Dieu de voir la communion se réaliser entre les humains et avec Lui (Jérémie 29,11-14). L’espérance qui l’anime serait fondée sur la certitude que le désir de Dieu se réalisera dans sa plénitude à la fin des temps (Psaume 33, 11; Marc 4, 26-29), dans la « nouvelle création » annoncée par le prophète Isaïe (65,17-25), et que ses efforts au cours de sa courte vie, aussi imparfaits qu’ils eussent été, n’auront pas été en vain (1 Corinthiens 15,58).

Le chrétien catholique est persuadé que le prophète juif Jésus de Nazareth, dans ses actions et dans ses paroles, non seulement a révélé le désir divin de communion avec l’humanité, mais il a porté aussi cette communion en lui-même. Jésus constitue pour le catholique engagé socialement, le plus beau modèle d’un artisan pour la justice et la paix, par la cohérence de ses paroles avec ses pratiques, par sa concentration sur la mission qui lui était confiée, par son respect d’autrui (même ses adversaires),  par son accueil et son option pour les exclus, et par l’amour et le pardon qu’il étendait jusqu'à ses ennemis. La résurrection constitue la confirmation par le Père que les paroles et les actions de Jésus reflètent la sensibilité divine et nous permettent d’entrer en communion avec Dieu.

Le croyant de tradition catholique reconnaît l’Esprit, qui est à l’œuvre dans la création et dans l’histoire et qui souffle là où Il veut, sans égards aux cloisonnements religieux, culturels, ethniques et de classe sociale. En versant dans nos cœurs l’amour divin (Romains 5,5) et en nous rappelant les souvenirs « dangereux »[31],  par rapport au Christ et aux prophètes d’Israël, l’Esprit nous libère des préjugés et nous permet de surmonter les obstacles qui nous empêcheraient de mieux comprendre la réalité et d’agir avec justice et compassion.

Dans la Joie de l’Évangile, le pape François insiste beaucoup sur le lien entre une foi trinitaire et l’engagement social : « Le mystère même de la Trinité nous rappelle que nous avons été créés à l’image de la communion divine, pour laquelle nous ne pouvons nous réaliser ni nous sauver tout seuls. À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice. L’acceptation de la première annonce, qui invite à se laisser aimer de Dieu et à l’aimer avec l’amour que lui-même nous communique, provoque dans la vie de la personne et dans ses actions une réaction première et fondamentale : désirer, chercher et avoir à cœur le bien des autres »[32].

2) Attitudes et options

Certaines attitudes précises sont privilégiées par la tradition catholique dans l’exercice de la responsabilité sociale. Je ne m’attarderai qu’à une seule, ce qu’on appelle aujourd’hui l’option préférentielle pour (ou avec) les pauvres

Cette intuition importante a été reprise et développée par les évêques d’Amérique latine, notamment lors de deux grandes assemblées –à Medellin en 1968 et à Puebla en 1979. Les évêques latino-américains ont déclaré qu’ils voulaient faire un choix clair et prophétique en faveur des pauvres, auxquelles l’Église accordait sa préférence et sa solidarité. Les évêques ont souligné l’importance d’une conversion de l’Église à un choix prioritaire des pauvres, dans la perspective de leur libération intégrale. Il est important de se rappeler que cette stratégie pastorale de l’Église a entraîné de graves conséquences pour la vie et la mort de catholiques à travers l’Amérique latine et d’autres continents. Pensons à Mgr Oscar Romero et tant d’autres martyrs. L’exemple du rabbin Marshall Meyer, qui a courageusement accompagné les prisonniers politiques lors de la guerre sale en Argentine, incarne pour moi cette option préférentielle.

Si je veux insister sur l’option préférentielle pour ou avec les pauvres, c’est parce que cette option demande aux membres de l’Église de dépasser le stade des actions caritatives, comme le dépannage, pour s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté et de l’exclusion. Ainsi le Synode des évêques de 1971 a déclaré sans équivoque que « le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde sont des dimensions constitutives de la prédication de l’Évangile »[33].

Ce sont ces motivations et ces attitudes qui semblent caractériser l’action sociale de l’Église catholique. Cela ne veut pas dire que de telles motivations et attitudes ne sont pas présentes dans l’action d’un chrétien engagé dans un organisme communautaire sans identité religieuse. Mais ces motivations et attitudes sont au cœur de l’action de l’Église dans le monde.

La Bible et l’action sociale

Les textes bibliques dont se nourrit la foi chrétienne contribuent à l’action sociale de diverses manières :

1) Ils nous offrent des orientations fondamentales. Par exemple le commandement « Tu ne tueras point » (Exode 20,13) est un rappel important dans le contexte du débat (mal-enclenché au Québec) sur l’euthanasie et le suicide assisté, et aussi au sujet d’intervention militaire et des politiques qui encouragent la militarisation de l’économie.

2)  Ils formulent des souvenirs que certains qualifieraient de « dangereux » ou de « dérangeants »; ils forment ainsi la mémoire et l’imaginaire collectif de ceux et celles qui se disent chrétiens ou chrétiennes. C’est le cas par exemple des prophètes, de Jean-le-Baptiste, etc.

3)  La lecture des textes bibliques suscite de nouvelles expériences aujourd’hui, des expériences qui peuvent être collectives autant qu’individuelles, telles que l’expérience des communautés de base, le lien avec des personnes incarcérées.

4)  Les textes bibliques soulèvent de nouvelles questions et nous poussent à chercher de nouvelles significations, non seulement par rapport aux Écritures elles-mêmes, mais aussi par rapport à l’actualité. Les textes et les événements s’interpellent réciproquement pour nous permettre de lire « les signes du temps » : c’est ce que font notamment les interprétations féministes et écologiques.

5)  Les textes bibliques nous conduisent à des prises de conscience qui nous mènent à l’action. Par exemple, ils inspirent la mobilisation pour une loi sur l’élimination de la pauvreté.

6)  Les textes bibliques offrent des critères pour vérifier notre compréhension de la réalité, pour évaluer notre action sociale et politique, pour approfondir les convictions qui sous-tendent nos motivations et nos attitudes.

Nouvelle évangélisation : appels à la conversion

À quelles transformations sommes-nous appelés pour que la justice, telle que proclamée dans la tradition biblique, se reflète intégralement dans nos communautés et dans notre institution? En voici quelques-unes.

1)  Il faudrait accorder toute son importance à la personne humaine, dans sa réalité concrète, à la fois historique et multidimensionnelle, sans oublier sa dimension transcendante, son inscription dans le Mystère de l’amour divin. Cette personne devant nous est connue profondément et aimée inconditionnellement par Dieu. Il faut aller à la rencontre de cette personne, l’accueillir dans toute son altérité, et reconnaître en elle la dignité d’enfant de Dieu, surtout lorsque cette dignité est cachée derrière la misère, la pauvreté, la maladie, les blessures multiples… Pour faire cela, il nous faut approfondir notre relation avec Dieu.

Benoît XVI a écrit ceci dans son encyclique sur l’amour : « Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. Si par contre dans ma vie je néglige complètement l’attention à l’autre, désirant seulement être ‘pieux’ et accomplir mes ‘devoirs religieux’, alors même ma relation à Dieu se dessèche. Cette relation est seulement ‘correcte’, mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu »[34].

2)  Au Québec plus de  750 000 personnes ont un revenu insuffisant pour couvrir leurs besoins de base. Cela veut dire que 10% de la population se trouve « dans le rouge ». Les personnes en situation de pauvreté sont confrontées à quatre impasses :

a) L’impasse idéologique : la pauvreté est perçue comme un problème individuel; une intervention de l’État est considérée comme néfaste et un gaspillage.

b) L’impasse politique : la quasi-totalité de la classe politique québécoise refuse proposer des politiques pour éliminer la pauvreté.

c) L’impasse médiatique : peu de place est accordée au thème de la lutte à la pauvreté et à la réduction des inégalités.

d) L’impasse dans la population en général: celle-ci est gagnée au discours néolibéral qu’il faut d’abord créer de la richesse et qu’on verra ensuite à la partager; on refuse de faire face à la pauvreté. Malgré l’enseignement social de l’Église, beaucoup de catholiques partagent ce point de vue.

Une transformation des attitudes à l’égard des personnes en situation de pauvreté s’impose donc.

3)  Dans un diocèse comme Montréal, il y a beaucoup de personnes immigrantes qui sont l’objet de discrimination –que ce soit à l’emploi, à la reconnaissance des compétences ou à l’accès au logement. Aussi en Église, nos communautés ne sont pas toujours attentives aux besoins des nouveaux arrivants et n’accordent pas toujours une place dans la vie de la paroisse.

Une transformation de nos façons de faire est urgente. Il faut se demander pourquoi des immigrants catholiques se sentent davantage chez eux dans des églises évangéliques et pentecôtistes.

4)  Comme catholiques nous sommes associés au scandale du système des pensionnats indiens, qui visaient explicitement l’assimilation culturelle et religieuse des peuples autochtones. Suite aux audiences de la Commission de vérité et de réconciliation, les catholiques sont invités à mieux connaître l’histoire des relations avec les peuples qui ont accueillis les premiers Européens et qui ont été dépossédés de leurs terres et de leur façon de vivre.

5)  Nous sommes tous et toutes confrontés par la crise écologique, qui se manifeste par le réchauffement de la planète, la disparition d’espèces et des phénomènes météorologiques extrêmes. Il y a parmi nous de plus en plus de réfugiés environnementaux. Non seulement faut-il transformer nos pratiques de consommation pour réduire notre empreinte écologique, mais aussi faut-il réfléchir sur notre relation avec le monde naturel. L’emphase que la pensée de l’Église accorde à la personne humaine, du fait qu’elle soit créée à l’image de Dieu, l’empêche-t-elle d’apprécier la relation d’interdépendance des humains avec les créatures non-humaines? La vision que l’Église a de la vie est-elle excessivement anthropocentrique?

6)  Liée à cette question est celle des limites. Les actions humaines sont-elles assujetties à des limites. Dans une société libérale pluraliste, qui tracent les limites? Sur quelle base? Qui assurent qu’elles seront respectées?

a) Au plan biotechnologique – jusqu’à quel point doit-on maintenir une vie humaine? Est-ce que le suicide assisté et l’euthanasie outrepassent les limites de l’intervention humaine?

b) Au plan de l’exploitation des ressources naturelles – comment respecter les droits des peuples, souvent marginalisés, qui habitent ces territoires?

c) Au plan de la croissance économique et démographique – ne faut-il pas se demander si notre espèce laisse une empreinte écologique trop importante qui menace la vie des créatures non-humaines (et éventuellement les créatures humaines elles aussi, et les générations à venir);

d) Au plan du vivre ensemble : lorsqu’une culture se sent menacée dans son identité, quelles sont les limites à sa capacité d’accueillir l’autre et les différences?

À quel point est-ce que les catholiques sont-ils prêts, et suffisamment bien équipés, pour débattre de ces questions dans la cité, sur la place publique?

7)  Qu’est-ce que la réconciliation? Peut-on parler de pardon pour les blessures, pour les violations et pour les violences commises dans le passé entre personnes, entre groupes d’appartenance, entre peuples?

Une Église sur la périphérie de la société

Il y a des zones grises entre les positions énoncées par l’Église dans sa pensée sociale (pour la dignité de la personne et le choix de la vie) et la réalité complexe qui caractérisent la vie d’un bon nombre de personnes dans notre société. Je pense que l’attitude du pape François par rapport aux personnes homosexuelles permet d’entrevoir une piste à explorer et éventuellement à mettre en pratique.

Dans ses entretiens publiés dans des revues jésuites en septembre dernier, le pape a dit ceci : « Nous devons annoncer l’Évangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. À Buenos Aires j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles, qui sont des “blessés sociaux” parce qu’elles se ressentent depuis toujours condamnées par l’Église. Mais ce n’est pas ce que veut l’Église. Lors de mon vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai dit que, si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela, j’ai dit ce que dit le Catéchisme [de l’Église catholique] »[35].

« La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des personnes mais Dieu dans la création nous a rendu libres : l’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible. Un jour quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question : ‘Dis-moi : Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant ?’ Il faut toujours considérer la personne. Nous entrons ici dans le mystère de l’homme. Dans la vie de tous les jours, Dieu accompagne les personnes et nous devons les accompagner à partir de leur condition. Il faut accompagner avec miséricorde. »

Aussi il y a des domaines où l’Église est trop silencieuse. Quelles sont les leçons à tirer de la tragédie des pensionnats autochtones? Qu’est-ce que nous faisons aujourd’hui, en Église et en société, qui sera l’objet de reproche et de honte dans cent ans? Quelles sont les exclusions que nous commettons aujourd’hui sans trop nous en rendre compte? Comment pouvons-nous arrêter la destruction de l’environnement et le transfert de la dette publique aux générations futures?

Ce sont des questions qui rappellent la grandeur de l’être humain, créé à l’image de Dieu, mais aussi la fragilité de la condition humaine, qui appelle vers son rédempteur.

[1]Je vous enjoins de faire quelque chose (pdf).

[2] Voir la lettre pastorale de la Commission des affaires sociales, Commission des évêques catholiques du Canada, « Notre rapport à l’environnement : le besoin d’une conversion », 12 mars 2008 (www.cccb.ca/site/content/view/2585/1119/lang,frc/). Voir également le site  www.gardienscreation.org et la « Déclaration spirituelle sur les changements climatiques » par le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, le 4 décembre 2005 (www.eveques.qc.ca/documents/2005/20051204f.html).

[3]Catéchisme de l’Église Catholique, No 357 (http://www.vatican.va/archive/FRA0013/_INDEX.HTM).

[4] Concile œcuménique Vatican II, Gaudium et spes, No 14 (http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_cons_19651207_gaudium-et-spes_fr.html).

[5] Le projet de loi proposé au Gouvernement du Québec en 2 000 par le Collectif pour un Québec sans pauvreté déclarait dans son article 5 que « L’amélioration des revenus du cinquième le plus pauvre de la population prime sur l’amélioration des revenus du cinquième le plus riche de la population » et qu’il fallait mettre en place une fiscalité en conséquence (http://www.pauvrete.qc.ca/spip.php?article105).

[6]Gaudium et spes, No 27.

[7]Compendium de la doctrine sociale de l’Église catholique, No 388. (http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20060526_compendio-dott-soc_fr.html).

[8] Voir la « Lettre pastorale sur les migrants et les réfugiés ‘Car nous ne sommes devant toi que des étrangers et des hôtes’ », publiée par la Commission des affaires sociales de la Conférence des évêques catholiques du Canada, le 15 janvier 2006 (www.cccb.ca/site/Files/LettrePastorale_Immigration.html).

[9]Gaudium et spes, No 26.

[10]Catéchisme de l’Église catholique, No 1907. Voir le Message du 1er mai 2006 du Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, « Le bien commun : vivre et agir ensemble » (www.eveques.qc.ca/documents/2006/20060501f.html).

[11] Voir le Message du 1er Mai 2005 de l’Assemblée des évêques catholique du Québec « La santé a un nom et un visage » (www.eveques.qc.ca/documents/2005/20050501f.html).

[12] Voir le Message du 1er  Mai 2001 de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec « Cri de la terre et cri des pauvres » (www.eveques.qc.ca/documents/2001/20010501f.html).

[13] Jean XXIII, Pacem in terris, No 274 (http://w2.vatican.va/content/john-xxiii/fr/encyclicals/documents/hf_j-xxiii_enc_11041963_pacem.html).

[14]Gaudium et spes, No 69.

[15] Voir le Message du 1er mai 2009 du Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, « Pour une meilleure distribution de la richesse » (www.eveques.qc.ca/documents/2009).

[16] Visiter www.devp.org/devpme/fr/education/educationcampaign-fr.html.

[17]Compendium de la doctrine sociale de l’Église catholique, No 182.

[18] Voir : http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/1979/january/documents/hf_jp-ii_spe_19790128_messico-puebla-episc-latam_fr.html.

[19] Visiter le site du Collectif au www.pauvrete.qc.ca.

[20]Deus caritas est, No 34 (http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20051225_deus-caritas-est_fr.html).

[21] Accommodements et différences, Vers un terrain d’entente : la parole aux citoyens : Document de consultation, Annexe II, p. 43 (www.accommodements.qc.ca/documentation/document-consultation.pdf).

[22] Une laïcité ouverte est celle qui permet le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants.  Jean-Paul II, lors d’un discours au corps diplomatique (le 12 janvier 2004) rappelait que « Dans une société pluraliste, la laïcité est un lieu de communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation » (http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/2004/january/documents/hf_jp-ii_spe_20040112_diplomatic-corps_fr.html).

[23] La distinction entre la sphère politique et la sphère religieuse « est une valeur acquise et reconnue par l’Église, et elle appartient au patrimoine de la civilisation déjà atteint. » Compendium de la doctrine sociale de l’Église catholique », No 571.

[24] Voir le Rapport final de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelle (= Commission Bouchard-Taylor), p. 148 et suivants. www.accommodements.qc.ca/documentation/rapports/rapport-final-integral-fr.pdf

[25]Gaudium et spes, No 75.

[26]Catéchisme de l’Église catholique, No 1913-1917.

[27] Voir Aristote, L’Éthique à Nicomaque, Livre VIII (http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89thique_%C3%A0_Nicomaque/Livre_VIII). Voir aussi, la déclaration du Comité exécutif de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, « Un appel à l’amitié civique » (février 1989).

[28] Jean-Paul II, La question sociale, No 38 (http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_30121987_sollicitudo-rei-socialis_fr.html).

[29] Sur les préjugés et les distorsions, voir Bernard Lonergan, L’Insight : Étude de la compréhension humaine (trad. P. Lambert, Montréal, Bellarmin, 1996), p. 99, 207-218, 238-247.

[30] Jean-Paul II, Centisimus annus,No 54 (http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_01051991_centesimus-annus_fr.html).

[31] Selon l’expression rendue fameuse par le théologien Johann Baptiste Metz, dans  La foi dans l'histoire et dans la société : Essai de théologie fondamentale et pratique, Paris, Cerf, 1979, p. 107-108, 207-229.

[32] Pape François, Evangilii Gaudium, No 178 (http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html).

[33]Justitia in mundo, No 7

(http://www.doctrine-sociale-catholique.fr/142-justitia-in-mundo).

[34]Deus caritas est, No 18.

[35] « Interview du pape François aux revues culturelles jésuites », réalisée par le P. Antonio Spadaro, sj et publiée en français dans la revue Études (http://newsletter.revue-etudes.com/TU_Septembre_2013/TU10-13.pdf).

Remarques de l’éditeur

Brian McDonough est diplômé en communications sociale, en droit et en théologie. Il est membre du Barreau du Québec, enseigne en théologie à l’Université Concordia et dirige depuis presque vingt ans l’Office de la pastorale sociale au Diocèse catholique romain de Montréal. Il est particulièrement impliqué dans la promotion des droits humains et travaille avec des organisations communautaires pour assister des personnes qui réclament le statut de réfugié ou le droit d’asile et pour accompagner des détenus dans une perspective de justice restauratrice. Membre du comité aviseur régional de la Commission vérité et réconciliation du Canada, il s'intéresse à la spiritualité autochtone et s'implique dans des réseaux autochtones et non-autochtones pour la sauvegarde de l'environnement.