Le parcours de Jean-Dominique Durand, 9e Président de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France

Jean-Dominique Durand, historien du christianisme et professeur émérite d’Histoire contemporaine à l’université Lyon 3, a été élu Président de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France le 22 novembre 2020. Dans une lettre adressée aux adhérents de l’AJCF, il retrace les principales étapes de son parcours académique et de ses engagements civiques[1].

Dans ce texte, Jean-Dominique Durand évoque d’abord sa rencontre spirituelle avec Jacques Maritain, découvert par la lecture de L’Homme et l’État[2], puis de ses autres livres majeurs, et notamment ses prises de position à l’égard du judaïsme et de «l’impossible antisémitisme»[3].

Par la suite, ayant opté pour l’histoire religieuse contemporaine en vue d’une carrière universitaire, il rédige une thèse d’État sur L’Église catholique dans la crise de l’Italie 1943-1948[4]. Ce travail lui fait prendre conscience de l’action d’évêques mais aussi d’innombrables prêtres, religieux, religieuses et laïcs, pour sauver des juifs des griffes nazies: «Évidemment la question de l’attitude du pape Pie XII se posait, écrit-il, mais à l’époque les archives du Vatican n’étaient pas encore ouvertes»[5].

Sa vie professionnelle l’amène à Lyon, comme enseignant au secondaire, puis à l’université. En 1989 il devient professeur d’Histoire contemporaine à l’Université Jean Moulin-Lyon 3, après y avoir exercé comme maître de conférences. Il y est confronté à l’affaire Notin, du nom d’un enseignant en économie niant l’existence des chambres à gaz; ce personnage «n’était que la partie émergée d’une volonté de contrôle d’une université par une extrême droite fort organisée». Jean-Dominique Durand et quelques collègues créent alors l’Association René Cassin qui a pour mission de défendre l’éthique universitaire: «Le mérite de cette association a été de mettre au jour des méthodes de contrôle de l’université et donc de les combattre. Aujourd’hui, poursuit-il, cette université est présidée par l’un de ceux qui, jeune enseignant dans les années 1990, m’avaient soutenu».

De 1998 à 2002, Jean-Dominique Durand occupe à Rome les fonctions de conseiller culturel de l’Ambassade de France près le Saint-Siège et de directeur du Centre culturel français de Rome. Il peut y suivre l’action du pape Jean-Paul II en faveur du dialogue interreligieux, en particulier du dialogue judéo-chrétien, et il y fait la connaissance du Grand Rabbin Elio Toaff, «une personnalité hors du commun». Au Centre culturel français, il reçoit notamment le Grand Rabbin René-Samuel Sirat qui donne une conférence remarquable sur le Jubilé de l’an 2000 vu par le monde juif.

De retour à Lyon, il reprend son enseignement, tout en assumant une nouvelle responsabilité au service de l’Église de Lyon, comme président de la Fondation Fourvière chargée de la gestion du site de la basilique qui domine la ville. Il organise aussi à Lyon en 2005 la grande rencontre interreligieuse annuelle de la Communauté de Sant’Egidio, à laquelle participe le Grand Rabbin d’Israël Meir Lau.

En 2014, il devient l’un des adjoints du Maire de Lyon, qui lui confie les délégations au Patrimoine, à la Mémoire et aux Cultes, charge qu’il exerce jusqu’en juillet 2020. Au titre de la Mémoire, il œuvre à la mise en valeur de la mémoire juive de la ville, entre autres par la gestion, avec les autorités rabbiniques, d’un cimetière juif découvert à l’Hôtel-Dieu, par l’installation d’un mémorial pour les Enfants juifs d’Izieu et par son appui à un projet de monument en l’honneur des victimes de la Shoah. Sa délégation aux Cultes le met en contact fréquent avec les différentes organisations du judaïsme lyonnais. Ce qui le frappe le plus dans ses activités municipales, écrit-il, «c’est l’observation que j’ai pu faire de la montée de l’antisémitisme, et en même temps de l’angoisse de mes concitoyens juifs».

Selon Jean-Dominique Durand, l’antisémitisme est un grand problème la société française. Il estime que «l’AJCF peut et doit être un instrument majeur dans la lutte contre l’antisémitisme et pour la prise de conscience de nos compatriotes». Le dossier de novembre-décembre 2020) de la revue Sens (No 433) a d’ailleurs pour thème Combattre l’antisémitisme.

S’inscrivant dans la riche histoire de l’AJCF qui célébrera son 75e anniversaire en 2023, son nouveau Président a tracé quelques lignes directrices pour les années à venir, en particulier:

  • La lutte contre la haine et l’antisémitisme, à travers le dialogue et la connaissance mutuelle dans le respect réciproque.
  • Les réflexions théologiques, pour mieux se comprendre et s’estimer, mais aussi les sessions de formation, notamment en direction des jeunes, un axe majeur de l’action future.
  • Les relations avec les organisations juives, confessionnelles ou laïques, avec les Églises chrétiennes, mais aussi avec les pouvoirs publics et avec les associations porteuses de dialogue interreligieux, tant en France qu’à l’international.

Jean-Dominique Durand s’est engagé à mettre toute son énergie pour développer l’AJCF dans sa dimension nationale, en s’appuyant sur une fédération de 40 groupes locaux sur toute la France.

[1] Jean-Dominique Durand, Lettre aux adhérents de l’AJCF (11 novembre 2020).
[2] Jacques Maritain, L’Homme et l’État (Paris, PUF, 1953).
[3] Voir Jacques Maritain, L’impossible antisémitisme. Précédé de «Jacques Maritain et les Juifs: réflexions sur un parcours», par Pierre Vidal-Naquet (Paris, Desclée De Brouwer, 2003).
[4] Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie 1943-1948 (Rome, École Française de Rome, 1991).
[5] Voir Jean-Dominique Durand, «Le pape Pie XII et la Shoah. L’Histoire entre démarche scientifique et passions. Questions méthodologiques» dans Laura Rizzerio (dir.), Un pape et ses images. Pie XII, entre silences et discours (Namur, Presses Universitaires de Namur, 2020), p. 33-58.