Le dialogue doit se poursuivre

Ce message s’adresse à tous ceux d’entre vous qui sont actifs dans le dialogue judéo-chrétien et dans les initiatives de dialogue entre juifs, chrétiens et musulmans depuis de nombreuses années.

Nous vivons une période très douloureuse. En ce moment, il est difficile d’envisager l’avenir; le présent, le sentiment de perte et la dévastation que nous ressentons tous sont indescriptibles.

Et comme si cela ne suffisait pas, l’antisémitisme mondial a englouti notre monde. Les juifs ont perdu leur sentiment de sécurité en Israël et partout ailleurs dans la diaspora.

Nous avons rédigé des documents sur l’antisémitisme par le passé, et plus récemment en 2019 (Les exigences de notre époque: une déclaration sur l’antisémitisme), nous avons organisé des webinaires et des consultations sur le sujet. Tout cela nous a aidés à réfléchir et à lutter contre cette haine révulsive, mais rien ne nous a préparés à ce raz-de-marée, en fait un Tsunami.

L’antisémitisme est très différent lorsqu’on le subit, lorsqu’on se demande ce qu’il faut craindre ensuite, ce qu’il faut cacher en premier: la mezouza sur sa porte, son étoile de David ou sa kippa? Faut-il le répéter: l’antisémitisme, bien qu’il soit un problème pour les juifs, ne doit pas être un problème de juifs! Les juifs doivent exprimer la façon dont ce problème les affecte, mais la lutte contre celui-ci exige un engagement de la part des non juifs. Attendre des juifs qu’ils luttent seuls contre ce phénomène revient à leur imposer un double fardeau.

Ce n’est peut-être pas le moment de faire une nouvelle déclaration, mais plutôt de faire preuve de solidarité.

Nous pouvons tous faire quelque chose, et même si ce n’est qu’un petit geste, nous devons le poser chaque jour.

Les juifs sont brisés et effrayés, ils attendent de leurs amis chrétiens qu’ils leur tendent la main. Ils sont déconcertés par des gens qui semblent vivre dans un monde parallèle comme si rien ne s’était passé, apparemment indifférents à leur sort, alors qu’ils vivent avec le retour des fantômes de leur passé.

Les juifs appréhendent ceux qui les attaquent ouvertement. Beaucoup se disent assourdis par ce qu’ils ressentent comme le silence de leurs amis non juifs; d’autres répondent aux questions sur leur bien-être en disant qu’il est impossible qu’ils aillent bien. L’effet psychologique des discours haineux sur les médias sociaux ne doit pas être négligé. Il menace à la fois les institutions et les individus. Ces lâches menaces anonymes les terrorisent où qu’ils soient.

Les juifs, en particulier ceux de la base, dans nos organisations membres, peuvent choisir de revenir à la «solitude», laissant leur sentiment de solitude imprégner tout leur être et submerger tout autre sentiment, se retirant ainsi du riche domaine de la rencontre et du dialogue que nous avons tous contribué à créer.

Nous ne pouvons pas laisser faire cela. Les chrétiens doivent continuer à montrer qu’ils se soucient profondément de leurs amis juifs. Les juifs doivent faire savoir aux chrétiens ce qu’ils ressentent vraiment et ce qui pourrait les aider. Il s’ensuivra sans aucun doute des conversations qui ne seront pas faciles, mais il est vital pour l’avenir de notre travail que nous ne laissions pas une barrière se dresser entre nous, une barrière de non-dits. La guérison de notre monde brisé sera nécessaire et exigera du temps et des efforts, mais la guérison devrait commencer maintenant, alors que beaucoup d’entre nous sont accablés par le deuil, le chagrin et la peur.

J’ai voyagé en Autriche et en Italie ces dernières semaines et j’ai pu constater la vitalité de nos organisations membres dans ces deux pays. Je sais que vous êtes tous aussi engagés et actifs dans toutes nos organisations membres à travers le monde.

Notre travail reste inestimable et nous avons l’obligation sacrée de le poursuivre. Je vous suis profondément reconnaissante à tous pour votre engagement sans faille.

Le dialogue doit continuer et continuera! Nous ne laisserons pas la violence détruire l’amitié spirituelle qui nous unit et qui nous est si chère.

Nous pouvons tous faire quelque chose à ce sujet!

Remarques de l’éditeur

Liliane Apotheker est présidente de Conseil International des Chrétiens et des Juifs (ICCJ).