La conférence de Seelisberg (1947)

Nous célébrons cette année le 70e anniversaire de la conférence de Seelisberg qui a marqué un tournant décisif dans les relations entre Juifs et chrétiens. Les documents d’archives et les témoignages examinés par l’historien Olivier Rota montrent cependant que la rencontre elle-même fut difficile, tout comme sa réception en milieu catholique.

La conférence de Seelisberg occupe une place particulière dans l’histoire de l’Amitié Judéo-chrétienne de France. Seconde conférence internationale réunissant Juifs et chrétiens après guerre, Seelisberg a adopté les fameux « Dix points », inspirés d’une proposition de l’historien Jules Isaac. Ces « Dix points » ont constitué en retour le premier texte de référence pour l’AJC, fondée l’année suivante, en 1948, avant de devenir avec le temps une véritable «charte » pour les relations judéo-chrétiennes. 

De fait, la mémoire de Seelisberg est vive en France dans les milieux de dialogue judéo-chrétien – non sans que sa célébration ne donne lieu à quelques déformations, sous la forme d’une minoration des difficultés. On oublie souvent, en effet, que Seelisberg ne fut pas une rencontre facile, et que de nombreux obstacles se sont opposés à son bon déroulement puis à sa réception, notamment auprès des catholiques. Notre communication visera à mettre en lumière ces aspects peu connus de la conférence de Seelisberg. Pour cela, nous nous appuierons notamment sur les archives consignées aux London Metropolitan Archives afin de replacer l’événement dans le cadre de sa gestation plus proprement anglo-américaine, et de retracer les enjeux de la conférence aux échelles nationale et internationale. Si les archives que nous avons consultées permettent d’éclairer la dimension organisationnelle de Seelisberg, elles nécessitent néanmoins d’être éclairées par les différents témoignages qui ont été publiés jusqu’à aujourd’hui, à la fois dans la revue Sens et dans divers ouvrages : c’est donc à un exercice de croisement des sources que nous nous appliquerons, afin de redonner à la conférence de Seelisberg toute sa complexité historique[1].

Seelisberg : la genèse 

Rappelons quelques dates. 1942 : le Council of Christians and Jews britannique est fondé. Il se rapproche au sortir de la guerre de la National Conference of Christians and Jews américaine, créée en 1928, et lance conjointement avec cette dernière une conférence internationale à Oxford, du 30 juillet au 6 août 1946. Cette conférence réunit 120 membres, protestants, catholiques et juifs, en majorité britanniques et américains, mais aussi australiens, canadiens, tchécoslovaques, danois, suédois, français, allemands, sud-africains, et suisses. Dans le contexte de la reconstruction d’après-guerre, la conférence d’Oxford se choisit pour thème « Freedom, Justice and Responsability ». Elle bénéficie de la présence marquante de Geoffrey Fisher, archevêque de Canterbury et co-président anglican du Council of Christians and Jews britannique, de Lord Reading, co-président juif du CCJ, du rabbin Leo Baeck, une figure du judaïsme libéral, récemment revenu du camp de Theresienstadt, et de nombreuses personnalités protestantes et juives de premier plan. 

Le défi posé par l’antisémitisme aux Églises est alors global. Les années de la guerre ont démontré que l’antisémitisme racial n’était pas confiné aux frontières de l’Allemagne, et qu’un pays comme l’Angleterre, en dépit de sa longue tradition de tolérance, n’avait pas élevé des digues suffisamment hautes pour s’en prémunir. Réunie en commissions, la conférence d’Oxford produit plusieurs recommandations, dans le domaine de l’éducation adulte et de la coopération éducationnelle entre religions, de la liberté religieuse et de la dignité de la personne notamment : autant de thèmes qui témoignent de la forte empreinte protestante sur la conférence, et dans lesquels les catholiques, plus habitués aux approches théologiques, ne peuvent se reconnaître tout à fait[2]

Avant que la conférence d’Oxford se close, ses participants sollicitent le comité d’organisation pour que soit fondée à moyen terme une instance pérenne où siègeraient des représentants des différents groupements judéo-chrétiens nationaux[3]. Le comité d’organisation est ainsi érigé en « comité provisoire » dont la fonction est de mettre au point un International Council of Christians and Jews. 

Le contexte international de l’année 1946 appelle alors à des mesures urgentes contre l’antisémitisme. Le mouvement des réfugiés juifs en Europe suscite des tensions de plus en plus vives entre Juifs et non-Juifs. Le pogrom de Kielce du 4 juillet 1946 n’est pas connu en Europe occidentale ; mais l’Autriche et la Hongrie enregistrent d’inquiétantes résurgences d’antisémitisme. Aussi, le comité provisoire prend-il la décision, lors de sa réunion du 16 août, « qu’une conférence d’environ vingt-cinq à quarante personnes issues de différents pays européens se tiennent à une date proche, en Suisse si possible, afin d’envisager ces faits »[4]. Après le grand ralliement de 1946, c’est donc à une conférence de spécialistes que pensent les organisateurs. Le choix de la Suisse s’avère alors le plus judicieux pour accueillir cette conférence : la Suisse est le seul pays continental à disposer d’une organisation judéo-chrétienne constituée à cette date. Le choix des organisateurs se porte sur le petit village de Seelisberg : un lieu calme et attractif, face au lac des Quatre-Cantons, et à une faible distance du lieu de proclamation de la Confédération helvétique. 

Les dates de l’ « emergency conference » de Seelibserg sont fixées : celle-ci se tiendra du 30 juillet au 5 août 1947. Dans la lignée de la conférence d’Oxford, ses objectifs demeurent assez généraux :

a) étudier la présente étendue du mal de l’antisémitisme, et les facteurs qui contribuent à sa persistance et à sa croissance dans l’Europe d’aujourd’hui ;

b) formuler des plans pour une action immédiate et de long terme à travers les institutions éducatives, politiques, religieuses et sociales, d’un caractère à la fois nationale et international, pour supprimer les causes et remédier aux effets de l’antisémitisme.[5]

L’approche de l’antisémitisme adoptée par la conférence se veut résolument pluridisciplinaire : le comité d’organisation prévoit de former des groupes de travail, composés de personnes « bien versées dans les aspects économiques, politiques, psychologiques, religieux et sociologiques du problème »[6]. L’objectif défini par les organisateurs est de mettre au point un programme spécifique d’action contre l’antisémitisme.

Un intense travail d’approche de personnalités juives et chrétiennes est entrepris par le comité organisateur afin de constituer un panel satisfaisant de spécialistes reconnus : des intellectuels ayant témoigné d’un intérêt majeur pour la Question juive, mais aussi et surtout des acteurs de la lutte contre l’antisémitisme, sont sollicités personnellement ou par le biais de relations communes. Un document daté d’avril 1947 dresse la liste des premières personnes contactées. Trouver un co-président juif ou protestant ne pose pas de difficulté majeure : Neville Laski, membre du Council of Christians and Jews britannique (et ancien président du Board of Deputies of British Jews) et le Dr. E. Clinchy, président de la National Conference of Christians and Jews américaine, acceptent sans délai la proposition qui leur est faite. Cependant, aucune personnalité catholique, américaine ou britannique, ne semble convenir. À Oxford, aucun catholique de premier plan n’avait fait le déplacement ; les organisateurs décident alors de se rapprocher d’une personnalité française, bien connue des deux côtés de l’Atlantique : le philosophe Jacques Maritain, dont les écrits d’avant-guerre contre l’antisémitisme ont été diffusés en de nombreuses langues. Or, Maritain a été nommé ambassadeur près du Saint-Siège par le général de Gaulle ; il ne peut faire le déplacement à Seelisberg. Il craint aussi que sa fonction ne lui permette pas d’appuyer aucune initiative internationale, et recommande le nom d’Étienne Gilson aux organisateurs. Il pense à envoyer un papier, et recommande à son ami le cardinal Journet, enseignant au grand séminaire de Fribourg, de solliciter son évêque afin de faire connaître l’initiative à la Secrétairerie d’État et obtenir de Rome une recommandation du congrès et de sa lutte contre l’antisémitisme[7]. Maritain pense alors que la participation de l’archevêque de Westminter, Bernard Griffin, à la co-présidence du CCJ britannique apporte les cautions suffisantes à l’initiative de Seelisberg ; le philosophe veut encore croire à une prise de parole de Rome sur la question de l’antisémitisme. Dans cet esprit, il organise une entrevue entre Clinchy et Mgr Montini, alors substitut à la Secrétairerie d’État. Sans s’engager en quoi que ce soit, ce dernier demande à ce qu’on lui envoie des informations plus précises afin que Rome puisse donner

« des indications plus marquées »[8]

Revenons à l’organisation de la manifestation. De nombreuses personnalités, qui n’étaient pas présentes à la conférence d’Oxford, reçoivent des invitations du comité organisateur entre mars et avril[9]. En France, le professeur Jules Isaac accepte immédiatement l’invitation qui lui est envoyée. Le Dr. Pierre Visseur, secrétaire de la conférence, effectue plusieurs déplacements à la même période. Fin avril, il visite la France et la Belgique[10]. À Paris, Jules Isaac le met en contact avec des personnalités françaises du monde catholique. Il l’oriente en direction du P. Chaillet (s.j.) et du groupe qu’il a animé pendant la guerre autour des Cahiers du Témoignage chrétien. Cependant, le jésuite ne peut être présent : il a pris des engagements aux États-Unis pour l’été, et ne peut participer à la conférence. 

Le P. Chaillet fait connaître à Visseur l’action des évêques Gerlier de Lyon et Saliège de Toulouse en faveur des Juifs pendant la guerre. Saliège tout particulièrement, de par sa lettre pastorale du 23 août 1942, jouit d’une réputation de résistant. Les organisateurs, à la recherche d’un appui ecclésiastique, lui proposent la co-présidence de Seelisberg ; mais le prélat, pour des raisons dont ne font pas état les archives que nous avons consultées, ne donne pas suite. Chaillet évoque aussi le nom du pasteur Marc Boegner (alors président de la Fédération Protestante de France), qu’il a côtoyé au sein l’association « Amitié chrétienne », fondée en 1942 pour aider les Juifs de France. Mais Visseur de parvient pas à le rencontrer...

Isaac oriente de son côté le secrétaire de la conférence de Seelisberg vers le professeur Henri-Irénée Marrou, dont il est certain qu’il appuiera ses thèses d’une réforme de l’enseignement chrétien concernant les Juifs. Marrou, qui figure sur les listes des personnalités inscrites, ne pourra finalement pas faire le déplacement à Seelisberg, semble-t-il pour cause de maladie. Isaac donne aussi le nom de Jacques Madaule – sans suite. Le P. Devaux, supérieur de la congrégation masculine de Notre-Dame de Sion, et le philosophe Jean-Paul Sartre (qui vient de publier un ouvrage sur la Question juive), sont contactés – sans suite là aussi[11].

Si les refus sont nombreux, d’autres noms viennent toutefois s’ajouter aux listes initialement composées : le P. de Sion Paul Démann (tout fraîchement sorti du séminaire de Louvain, en Belgique, et probablement délégué par le P. Devaux), Jacob Kaplan (alors grand rabbin auxiliaire de France), ou encore George Vadnai (alors secrétaire de l’Union mondiale des étudiants juifs). À ces quelques noms du monde francophone, il faudrait ajouter une longue liste de personnalités américaines ou européennes (Alexandre Safran, Grand rabbin de Roumanie, Calliste Lopinot, capucin alsacien, ancien missionnaire chargé par Rome de s’occuper des 85 catholiques du camp de Ferramonti-Tarsia[12]).

Les inscriptions vont bon train au printemps 1947 : au total, la conférence parvient à réunir une soixantaine de personnalités et s’assure la présence de plusieurs observateurs (UNESCO, Conseil mondial des Églises). Cependant, à la date du 20 juin, la question de la présidence catholique n’est toujours pas réglée : Maritain, Gilson et Saliège sont toujours signalés comme de potentiels présidents[13]. La réponse de Gilson et Saliège se font attendre, semble-t-il. Jacques Maritain va alors accepter de figurer parmi les présidents honoraires de la conférence, et appuyer Seelisberg de toute son autorité. Il rédige dans l’urgence, « au milieu d’un inconcevable brouhaha », une lettre qu’il envoie au secrétaire de la conférence, le Dr. Pierre Visseur, le 28 juillet, c’est-à-dire l’avant-veille de la journée inaugurale de la conférence, afin qu’elle soit lue en assemblée plénière à Seelisberg[14]. Dans un même temps, le philosophe joint ses forces à celles de Visseur pour convaincre son ami, le P. Charles Journet, auteur en 1945 de Destinées d’Israël : À Propos du Salut par les Juifs, de faire le déplacement pour une journée afin de lire son texte[15]. Ne parlant pas l’anglais, l’éminent théologien se fait accompagner d’un dominicain de grand talent, le P. Jean de Menasce : un juif égyptien, formé à Oxford, converti au catholicisme en 1925, et enseignant à l’université de Fribourg[16]

La lettre de Jacques Maritain et les conclusions de la Commission 3 

La lettre de Maritain rassemblait le meilleur de sa pensée. On y trouve, condensée sur cinq pages dactylographiée, une synthèse de ses idées majeures, disséminées dans plusieurs de ses écrits d’avant-guerre, sur le mystère d’Israël, l’abjection de l’antisémitisme, le scandale d’un antisémitisme chrétien, les raisons chrétiennes de lutter contre l’antisémitisme, ... Cependant, pour Maritain, l’antisémitisme d’après-guerre pose un nouveau problème d’honneur aux nations victorieuses :

Par un phénomène honteux, que la misère humaine suffit largement à expliquer, il se trouve que l’extermination de millions de Juifs, les chambres à gaz et les tortures des camps de la mort n’ont pas suffi à réveiller la conscience des peuples, et à lui inspirer une horreur définitive du principe raciste. Loin de là ! Le virus au contraire s’est répandue sous une forme plus ou moins atténuée, et le souvenir du grand déchaînement de stupre et de meurtre a allumé chez un nombre appréciable de personnes honorables, avec une sage méfiance et un prudent dégoût des victimes, une excitation mentale et des passions raisonnées qui s’assouvissent en hostilité froide et en récrimination économico-politiques, non pas sans doute en pogroms et en assassinats, mais que l’odeur du sang a sournoisement stimulées. [...] Bref, on a l’œil sur eux [les Juifs] ; et cette attention orientée est elle-même une victoire psychologique de la propagande raciste et des crimes racistes. [souligné par Maritain] [17]

Fondées sur une méditation des écrits pauliniens, les perspectives données par Maritain posent l’antisémitisme comme un problème fondamental pour la conscience chrétienne : 

Il ne suffit pas qu’un certain nombre de chrétiens sauvent l’honneur et rendent un témoignage héroïque, comme nous l’avons vu dans les années abominables dont nous sortons à peine et qui laissent l’humanité blessée pour longtemps. Sauver l’honneur est une triste et amère consolation qui finirait par devenir dérisoire si l’on ne venait pas décidément et réellement à bout du mal honteux contre lequel nous protestons.  

Tant que le monde qui se réclame de la civilisation chrétienne ne sera pas guéri de l’antisémitisme il traînera un péché qui fera obstacle à son relèvement. [...] 

Les chrétiens voudront-ils comprendre ? C’est la question qui se pose maintenant. Combien de temps dormiront-ils encore ? [...] Avant d’être un problème de sang, de vie ou de mort physique pour les Juifs, l’antisémitisme est un problème d’esprit, de vie ou de mort spirituelle pour les chrétiens.[18] 

L’analyse de Maritain, de haute volée spirituelle, fait forte impression sur l’assemblée réunie à Seelisberg. Jules Isaac y reconnaît des idées semblables aux siennes : « Il a dit, évidemment, du point de vue catholique, tout ce que je propose dans un livre [Jésus et Israël, qui sera publié en 1948] que je prépare », confie-t-il à Journet[19]. Pour le reste, les deux premiers jours se passent dans une certaine placidité redondante, comme en témoigne Jules Isaac dans un inédit publié par Sens :

Dans une telle assemblée, si diverse, un certain flottement était inévitable, inévitable aussi que du temps fut perdu en questions de procédure et en paroles inutiles. La direction — anglo-saxonne — ferme et courtoise, parut tantôt stricte, attachée à l’ordre du jour, et tantôt détachée, on ne sait pourquoi. En des séances interminables, on entendit d’intéressants exposés sur la situation actuelle des populat[ions] juives dans les différents pays représentés, mais ces exposés, dactylogr[aphiés] pour la plupart, auraient gagné à être distribués et lus en dehors des séances. Enfin le vendredi 1er août on se décida à constituer 5 commissions de travail, et le travail proprem[en]t dit commença [...].[20]

Après la profondeur du texte de Maritain, les différents mémorandums font pâle figure. Les travaux de Seelisberg, tout à leur approche descriptive du problème antisémite, épuisent l’auditoire. Les deux premiers jours sont consacrés à 17 rapports successifs portant sur la gravité des résurgences antisémites dans les contextes nationaux européens. Les contributions sont très inégales – lorsqu’elles ne sont pas carrément inappropriées. Ainsi, la communication de Lopinot, président de la Commission, fait état des sauvetages entrepris en faveur des Juifs, et attribue très exagérément au pape Pie XII les résultats obtenus à titre privé par de nombreux catholiques ; il conclut sa conférence par un vigoureux :

« L’esprit de Pie XII qui rayonne dans ses discours et son exemple, c’est le nôtre. C’est là le but de notre conférence. [...] L’esprit de Pie XII doit sauver l’humanité, guérir les plaies encore ouvertes et rapprocher les races. »[21] Quant au P. Démann, probablement trop emphatique dans son anglais, il mêle son analyse de l’antisémitisme en Belgique de trop nombreuses considérations sur la solidarité chrétienne avec les Juifs pendant la guerre. « Ils ont compris les rapports qu’on leur demandait sur l’Antisémitisme en Italie et en Belgique comme un déballage de tout ce que les catholiques avaient fait pour les juifs pendant l’occupation. On était mal à l’aise devant cette apologétique », estime Journet[22].

De manière générale, les esprits continentaux expriment quelque difficulté à rentrer dans la manière d’aborder le thème de l’antisémitisme par les conférenciers anglo-américains. Le Grand rabbin de Roumanie, Alexandre Safran, ne se reconnaît pas dans ces approches très terre-à-terre :

Les participants à la conférence s’intéressaient à l’immédiat, aux conséquences affligeantes de l’antijudaïsme, à l’antisémitisme d’origine chrétienne en cherchant les moyens d’y remédier. Ils abordaient l’antisémitisme à la façon anglo-saxonne, d’une manière pragmatique, presque superficielle du point de vue doctrinaire, sans entrer dans le vif du problème religieux proprement dit. Ils ne touchaient qu’incidemment aux vraies questions de la foi, à ses exigences primordiales, notamment celles qui concernent la repentance.[23] 

L’abbé Journet, avec qui il échange quelques mots d’une rare intensité, partage probablement cet avis. Certes, l’esprit

« anglo-saxon », comme le nomme Safran, a ses bons côtés cependant, en cela qu’il diffuse « un climat d’affabilité, de politesse, [...] de relâche et d’aimable disponibilité »[24]. Mais ce climat se dégrade lorsque, après deux jours d’assemblée plénière, la conférence de Seelisberg se subdivise en cinq commissions, et que la Commission 3, chargée de l’œuvre des Églises, discute des « Dix-huit points » envoyés par Jules Isaac aux organisateurs. La discussion avait été préparée de longue date par Jules Isaac, comme en témoigne Jacob Kaplan :

Un important travail préparatoire avait, en effet, été effectué à Paris, sous les auspices du Centre de Documentation juive. Au cours d’entretiens auxquels participèrent, pour les chrétiens, le Père Daniélou et le Pr Henri Marrou, et, pour les juifs, l’historien Jules Isaac, le poète Edmond Fleg, et l’inspecteur d’Académie Samy Lattès, diverses propositions furent mises au point. Elles s’inspiraient d’un texte que Jules Isaac développa ultérieurement dans son livre paru en 1948, Jésus et Israël. Elles établissaient que l’enseignement de l’Église sur la responsabilité des juifs dans la mort de Jésus n’était pas conforme à la vérité historique et que l’accusation de

« déicides » entretenait de génération en génération un sentiment de haine contre les juifs et qui avait rendus possibles les crimes inouïs perpétrés à Auschwitz et ailleurs.[25] 

Or, Isaac est souffrant le jour de la discussion de ces « Dix-huit points » à Seelisberg. Ce sont donc Kaplan et Mlle Davy, chargée de cours à l’École des Hautes Études, qui proposent à la Commission d’adopter pour base de discussion ce texte. Les propositions de la délégation française rencontrent alors des résistances, notamment parmi les catholiques. Jean de Menasce est en désaccord avec la thèse d’Isaac, selon laquelle l’antisémitisme aurait un fondement chrétien : pour lui, l’antisémitisme chrétien « a été capté pour servir de véhicule respectable » aux autres formes d’antisémitisme[26]. Les discussions prennent alors une tournure inattendue : le P. Lopinot insiste pour que toute éventuelle reconnaissance par l’Église de ses torts à l’égard des Juifs soit équilibrée par une même reconnaissance de la Synagogue vis-à-vis des chrétiens – ce qui est inacceptable pour Kaplan[27]. Au banc des accusés figure l’enseignement religieux juif, soupçonné de véhiculer les pires calomnies sur le christianisme[28]. Kaplan se défend : 

Or, sur ce point, on ne pouvait rien nous reprocher. Nos livres d’instruction juive en portent témoignage. Nous ne disons aucun mal du christianisme, nous n’en parlons pas. [...] Malgré cela, en vue d’obtenir sans doute une déclaration commune équilibrée, on ne cessait d’insister auprès de moi pour obtenir satisfaction. [...] L’insistance était déplaisante, mais j’avais le sentiment que, pour certains de mes interlocuteurs, c’était mon obstination qui l’était. « Quel ingrat ! devaient-ils penser, nous chrétiens, nous sommes sur le point de faire notre ‘mea culpa’ et ce rabbin ne veut reconnaître aucun grief de sa part à notre égard ! »[29]

Face à cette situation de blocage, Safran propose que la Commission se sépare sans rédiger de résolution commune, ce qui conduit Lopinot à quitter son siège de président. Remplacé au pied levé par Jean de Menasce, qui apparaît comme une personne de compromis, appréciée par les deux partis en présence, la Commission reprend son travail et adopte finalement un texte plus resserré que celui envoyé par Isaac. Le nombre de points, originellement de dix-huit, passe à dix ; tandis que le texte de chaque point est réduit à un très court paragraphe[30]. Présenté comme le résultat du travail des seuls membres chrétiens de la Commission, il est accompagné d’une note précisant que les membres juifs de cette Commission n’ont pris aucune position quant aux implications théologiques et historiques du texte dont le contenu s’adresse aux chrétiens. Adoptés en session plénière, ces « Dix points » correspondent bien à l’esprit d’une recommandation efficace – au contraire des conclusions adoptées par chacune des autres commissions.

Ces dernières, en effet, ne sont parvenues qu’à produire une liste interminable de recommandations, fort indigestes dans le cadre d’une action publique[31]. Ces recommandations portent sur la coopération à établir entre chrétiens et Juifs dans leur lutte contre l’antisémitisme ; sur les modifications à apporter aux ouvrages scolaires, dont certains faisaient mention des Juifs à la manière d’un « peuple maudit » ; sur les directives à donner aux éducateurs religieux en matière d’ordre civique et social ; sur la nécessité d’incorporer dans la Constitution de tous les pays une clause défendant le principe fondamental de l’égalité entre tous les êtres humains, sans distinction de race ni de croyance[32].

Seelisberg après Seelisberg 

Les membres de la conférence de Seelisberg se séparent à la fin de la journée du 5 août. Deux textes, conservés à l’état de brouillon dans les archives londoniennes, tentent de résumer les apports de la conférence de Seelisberg, dans la perspective probable d’une diffusion auprès de la presse. Ils dressent la liste des recommandations de chaque commission, en mettant tout particulièrement en exergue les recommandations d’ordre éducationnel, politique et législatif[33]. Les travaux de la Commission 3 ne s’y distinguent aucunement, et les « Dix Points » ne sont pas présentés comme un texte majeur de la conférence.

Certains perçoivent cependant l’intérêt de ce texte. Isaac confie ainsi que les « Dix points » suscitent l’enthousiasme immédiat des membres américains de la conférence, qui veulent présenter sans attendre le texte au Vatican. Aux enthousiastes, Isaac rétorque cependant : « Créons d’abord un mouvement de base. »[34] Le vieux professeur s’attend-il d’ailleurs à des retombées particulières ? De retour en France, quelque trois semaines plus tard, il évoque très laconiquement les « résultats – intéressants – de ce Congrès, très interconfessionnel et international » au pasteur Jacques Martin, sans s’y attarder semble-t-il[35].

En France, il n’existe à ce moment-là aucune structure rassemblant Juifs et chrétiens. Ce n’est qu’au retour de Seelisberg que Jules Isaac fait campagne avec Samy Lattès pour fonder une amitié judéo-chrétienne en France, sur le modèle de ce qui existe déjà dans d’autres pays, et tout particulièrement en Angleterre, aux États-Unis et en Suisse[36]. À la recherche de garants, Jules Isaac présente alors à ses interlocuteurs les « Amitiés judéo-chrétiennes » comme « une section française de l’organisme international qui avait convoqué le Congrès de Seelisberg » dont « l’un des tout premiers objets [est] de recommander aux autorités ecclésiastiques, catholiques et protestantes, l’examen des Dix points de Seelisberg »[37]. Les « Dix points » deviennent incidemment le texte de ralliement de l’AJC naissante. Si la conférence de Seelisberg ne s’est pas immédiatement manifestée comme un événement historique, il y a cependant un « programme de Seelisberg » (l’expression est de Jules Isaac) qui s’impose progressivement en France comme une feuille de route de la rénovation de l’enseignement chrétien concernant les Juifs[38].

La route apparaît toutefois longue et escarpée : les autorités religieuses ne s’engagent guère dans le combat contre l’antisémitisme. Isaac n’oublie pas que ni Mgr Saliège ni Marc Boegner n’ont « pu faire le voyage de Seelisberg et n’ont pas veillé à s’y faire suppléer »[39]. De son côté, le rabbin Kaplan éprouve quelques doutes quant à la portée réelle du texte. Lors d’un exposé sur Seelisberg au Consistoire central en 1948, le rabbin termine son rapport « en disant que nous nous réjouissions, certes, de voir des prêtres et des pasteurs prendre conscience des responsabilités chrétiennes dans la persistance de l’antisémitisme, mais que nous ne devions pas nous faire trop d’illusions »[40]

Au lendemain de Seelisberg, tout reste à faire. La conférence de Seelisberg n’a eu qu’un très faible retentissement médiatique : la presse confessionnelle française ou anglaise l’a ignoré dans une large mesure. Quant à Rome, elle garde obstinément le silence sur la question de l’antisémitisme, en dépit des sollicitations de Jacques Maritain auprès de Mgr Montini[41]

Cependant, Montini transmet-il ses informations au pape ? Paul Démann a estimé que le substitut à la Secrétairerie d’État n’a guère apporté son appui personnel à la cause de la Déclaration : il est resté sourd aux requêtes successives de Jacques Maritain, Jean de Menasce et du cardinal Journet[42]. Tout laisse à croire qu’à aucun moment il ne transmis ces informations au pape – qui ignore tout de Seelisberg lorsqu’il rencontre Jules Isaac en 1949.

Incité par le P. Marie-Benoît à solliciter une audience auprès du pape, Jules Isaac rencontre en effet Pie XII le 16 octobre 1949. Venu présenter l’Amitié Judéo-Chrétienne, l’historien concentre ses propos sur son combat en faveur du redressement de l’enseignement chrétien concernant Israël, et laisse au pape les « Dix points » de Seelisberg, que le souverain pontife affirme ne pas connaître. Isaac dit alors au Saint-Père sa « conviction ardente, profonde que s’il acceptait de les examiner, de les faire examiner, d’en recommander la diffusion auprès des autorités ecclésiastiques de tous les pays, un grand pas serait fait sur une voie assurément agréable à Dieu, et que ce pouvait être d’une importance capitale, incalculable, pour l’avenir des relations judéo-chrétiennes »[43]. Cette rencontre n’a cependant pas d’effet sur le pape ; bien au contraire, le pape, convaincu que l’International Council of Christians and Jews est un lieu d’indifférentisme, va interdire en 1955 aux catholiques de participer à ses activités. L’interdiction ne sera levée que bien plus tard, en 1962, et dans un autre contexte : celui d’une large réception, pas tant du programme de Seelisberg, que de son esprit, par les autorités ecclésiastiques réunies au second Concile de Vatican.

Conclusion 

Au sortir de la conférence de Seelisberg, les « Dix points » ne sont pas mis en avant par le comité organisateur. La diffusion de la lettre de Maritain est jugée plus sûre : elle sera reproduite dans plusieurs revues, et diffusée sous forme de plaquette par le comité provisoire. Probablement faut-il voir là un choix stratégique : s’appuyer sur la réputation de Maritain pour convaincre les catholiques, perçus par les milieux juifs et protestants comme vecteurs de l’antisémitisme.

Les « Dix points » ne commencent vraiment à s’affirmer comme un texte majeur de la conférence de Seelisberg qu’à l’occasion de la conférence suivante, qui fonde officiellement l’International Council of Christians and Jews : « À Fribourg [en 1948] la Commission religieuse s’est référée aux décisions prises à Seelisberg et a recommandé que plus de publicité leur soit faite. Pour accompagner leur mise en œuvre, des interviews officielles et personnelles doivent être obtenues avec les chefs religieux principaux sur les points en question, les livres et les périodiques doivent être surveillés afin de détecter ce qui pourrait être de nature à favoriser l’antisémitisme et la même vigilance doit être exercée en directions de tous les manuels, catéchismes et livres de prières, et à cet égard la situation des écoles nécessite une observation minutieuses. »[44] Ces recommandations, on le sait, sont tout particulièrement suivies en France par la toute jeune AJC, grâce aux travaux du P. Démann, désormais installé à Paris, sur les manuels catéchétiques[45].

L’AJC dépose une demande d’adhésion à l’ICCJ dès septembre 1948, et les relations se poursuivent avec l’Angleterre[46]. Jules Isaac est en correspondance pendant l’année 1949 avec le Révérend James Parkes pour une traduction et adaptation anglais et américaine de son livre Jésus et Israël[47]. Fleg reçoit Simpson chez lui au courant de l’année 1955[48] ; la correspondance se poursuit entre Simpson et Jules Isaac, mais aussi avec Jacques Madaule (qui visite les locaux londoniens du CCJ), Maurice Vanikoff (secrétaire de l’AJC) et le P. Paul Démann[49]. Cette relation cesse cependant après 1955-1956, dans le cadre de la crise de l’AJC. Simpson, très diplomate, déplore : « Une chose est claire, c’est que notre liaison actuelle n’est pas très effective, et nous devons faire quelque chose à ce propos. »[50]

La période n’est pas aux grandes conférences internationales après 1948. La conférence de Fribourg est suivie par la division idéologique entre la National Conference of Christians and Jews américaine et l’ICCJ. Pour cette raison, aucune conférence d’envergure ne suit Fribourg avant 1966. Pendant ce laps de temps de près de deux décennies, c’est donc à un échelon national que l’histoire des relations judéo-chrétiennes se déroulent. Jusqu’au second Concile de Vatican, qui se tient entre 1962 et 1965, et en l’absence de toute parole du Saint-Office sur la question de l’antisémitisme, les « Dix points de Seelisberg » s’imposent un texte de référence pour de nombreux chrétiens engagés dans la lutte contre

« l’enseignement du mépris » et l’antisémitisme en milieu chrétien.

[1] Nous renvoyons tout particulièrement aux actes du colloque de Strasbourg, consacré à « Seelisberg et après », paru dans Sens, octobre 1998.

[2] Les questions théologiques avaient été écartées afin de favoriser les rapprochements, à la demande de l’archevêque de Canterbury. La question de la liberté religieuse sera vivement débattue au moment du Second Concile de Vatican, presque vingt ans plus tard. Quant aux questions éducatives, les catholiques entendent garder la main sur elles.

[3] Ce faisant, il a été réservée une place prépondérante aux organisations représentées à Oxford dans le bureau de l’instance à venir : l’American Conference of Christians and Jews, le British Council of Christians and Jews, la Canadian Conference of Christians and Jews, la South African Society of Jews and Christians et la Swiss Council of Christians and Jews. London Metropolitan Archives (LMA). ACC.3121.E.01.47. Ronéotypé « Draft minutes of a meeting of the Provisional Continuation Committee, held at 21 Bloomsbury Street, London, W.C.1, on 16th August, 1946 ». La constitution du Provisional Continuation Committee est parlante : sur 19 membres, 12 sont Britanniques et 4 sont Américains ; on trouve à leurs côtés un membre suisse, un membre d’Afrique du sud, et un membre australien.

[4] LMA. ACC.3121.E.01.47. « Draft minutes of a meeting of the Provisional Continuation Committee, held at 21 Bloomsbury Street, London, W.C.1, on 16th August, 1946 ».

[5] LMA. ACC.3121.E.01.47. Lettre « Preliminary information for members of conference ». Sans date.

[6]Ibidem.

[7] Lettre de Jacques Maritain à Charles Journet du 5 juillet 1947, dans Journet-Maritain : correspondance, Vol. III, 1940-1949 (Paris/Genève et Saint-Maurice, Parole & Silence et Éditions Saint-Augustin, 1998), p. 565. L’évêque ne fit cependant pas la démarche. Voir : Mgr Pierre Mamie, « La Charte de Seelisberg et la participation du Cardinal Journet », dans Collectif, Judaïsme antijudaïsme et christianisme, Actes du colloque de l’Université de Fribourg, 16-20 mars 1998 (Saint-Maurice, Éditions Saint-Augustin, 2000), p. 25-34.

[8] Lettres de J. Maritain à C. Journet du 2 août 1947 et réponse sans date, dans Journet-Maritain, op.cit., p. 575 et 577.

[9] Voir la liste dans LMA. ACC.3121.E.01.47. Ronéotypé « International Emergency Conference to Combat Antisemitism 1947. Members » (date estimée : après le 24 avril 1947).

[10] LMA. ACC.3121.E.01.47. Lettre de Pierre Visseur à W.W. Simpson du 30 avril 1947.

[11] Voir la liste dans LMA. ACC.3121.E.01.47. Ronéotypé « Provisional List of Possibilities for Attendance at International Emergency Conference 1947 », 20 juin 1947.

[12] Le P. Marie-Benoît était présent à Oxford. Or, sur la liste des personnalités contactées à la date du 24 avril, ni le P. Marie-Benoît ni le P. Lopinot ne figurent parmi les personnes contactées pour l’Italie. À la date du 20 juin, un autre document préparatoire mentionne la présence du P. « Mario [sic] Benedetto » (Marie-Benoît) « ou » du P. Calliste (LMA. ACC.3121.E.01.47, sources déjà citées). Selon le second document, le P. Marie-Benoît devait parler de l’« amitié judéo-chrétienne en Italie au moment de la libération ». Cependant, ce dernier document indique qu’on ne lui a pas envoyé d’invitation ; dans la colonne « réponse », il est indiqué « accepted? ». Il y avait donc une incertitude sur sa présence. Probablement malade, il a envoyé Lopinot à sa place (voir Gérard Cholvy, Marie-Benoît de Bourg d’Iré (1895-1990). Un fils de saint François « Juste des nations »[Paris, Cerf, « Cerf Histoire, Biographies », 2010], p. 230). Lopinot et Marie-Benoît habitaient dans le même couvent romain ; Lopinot, quoique de moindre envergure, avait néanmoins lui aussi sauvé des Juifs pendant la guerre. Le P. Lopinot baptisa quelque 50 Juifs du camp de Ferramonti-Tarsia entre octobre 1941 et décembre 1942. « Ami des Juifs », il semblerait qu’il ait usé de son influence pour aider des Juifs sans leur demander de se convertir (voir : Susan Zuccoti, Père Marie-Benoît and Jewish Rescue: How a French Priest Together with Jewish Friends Saved Thousands during the Holocaust[Bloomington et Indianapolis, Indiana University Press, 2013], p. 127). Sévère dans son jugement, mais probablement juste, Jules Isaac décrit Lopinot comme un vieux capucin un peu creux : une « belle barbe blanche – mais rien de plus » (Cahiers de l’Association des amis de Jules Isaac, vol. III, « Témoignages » [Aix-en-Provence, 1981], p. 20). Propulsé président de la Commission 3, en lieu et place du P. Marie-Benoît, le P. Lopinot n’en avait pas les capacités. Âgé de 71 ans au moment de Seelisberg, il ne se montra pas à la hauteur de l’événement, comme nous le verrons plus loin.

[13] LMA. ACC.3121.E.01.47. Ronéotypé « Provisional List of Possibilities for Attendance at International Emergency Conference 1947 », 20 juin 1947.

[14] Lettres de J. Maritain à C. Journet du 26 juillet 1947, dans Journet-Maritain, op. cit., p. 572.

[15] Lettre de J. Maritain à C. Journet du 2 août 1947, dans ibid., p. 575.

[16]Ibid., p. 576.

[17] Lettre de Jacques Maritain à la conférence de Seelisberg. Entre autres publications : Cahiers sioniens, n° 3, janvier 1948 (aussi disponible en ligne sur le site de l’AJCF : https://www.ajcf.fr/Lettre-de-Jacques-Maritain-a-la-Conference-de-Seelisberg.html#).

[18]Ibidem.

[19] Lettre de C. Journet à J. Maritain du 2 août 1947, dans Journet-Maritain, op. cit., p. 576.

[20] Jules Isaac, « L’Assemblée judéo-chrétienne de Seelisberg », texte inédit reproduit dans Sens, juillet 2007, p. 362.

[21] LMA. ACC.3121.E.01.47. Ronéotypé « La protection des Juifs par l’Église catholique pendant l’occupation de Rome par les Nazis, 8 sept. 43-4 juin 44 ».

[22] Lettre de C. Journet à J. Maritain du 2 août 1947, dans Journet-Maritain, op. cit., p. 576.

[23] Alexandre Safran, « Mes souvenirs de la Conférence de Seelisberg (1947) et de l’abbé Journet », dans Collectif, Judaïsme antijudaïsme et christianisme, op. cit., p. 18.

[24]Ibid., p . 17.

[25] Jacob Kaplan, Justice pour la foi juive, entretiens avec Pierre Pierrard (Paris, Le Centurion, 1977), p. 141.

[26] Cité dans : Anaël Lévy, Jean de Menasce (1902-1973) : trajectoire d’un juif converti au catholicisme. Entre mission et science des religions (thèse de doctorat d’Histoire, sous la dir. de Denis Pelletier, soutenue le 5 décembre 2016 à l’EPHE), p. 397.

[27] Notons que le P. Démann soutient que cet « incident n’eut pas lieu » (voir l’article de M.-R. Macina dans Sens, octobre 1998, p. 483-486). Or, dans la note qu’il rédigea à cette occasion, se trouvent d’autres invraisemblances. Ainsi, Démann affirme-t-il que la Commission des Églises n’était composée que de chrétiens – ce que démentent les archives du LMA. Siégeaient aussi : J. Isaac, le rabbin Kaplan, le rabbin Zwi Taubes (Zurich). Le P. Démann n’est pas signalé parmi les participants ; mais il semblerait que la liste publiée soit incomplète, et qu’il y manque deux noms. Au vu de l’état de la recherche, il est difficile de trancher entre la version des faits apportée par Kaplan et celle de Démann. Il paraît cependant certain que de vives tensions ont parcouru la Commission. Quelque soit la vérité factuelle de l’incident, la narration qu’en fait J. Kaplan témoigne de ces tensions. Nous avons fait le choix de suivre la narration de J. Kaplan, en partant du principe que celle-ci restait très plausible, à défaut d’être certaine.

[28] La demande de Lopinot relevait aussi probablement d’une lecture orientée de l’histoire de l’Église, qui supputait que les premiers chrétiens avaient eu à subir des persécutions de la part des Juifs ; mais elle pouvait tout aussi bien renvoyer à un antisémitisme plus moderne : l’antisémitisme chrétien avait postulé dès la fin du XIXe siècle que la Synagogue et l’Église ne pouvaient que s’affronter dans l’histoire, et que les Juifs menaient un combat souterrain contre le christianisme.

[29] Jacob Kaplan, Justice pour la foi juive (op. cit.), p. 143.

[30] Le texte des « Dix points » apparaissent ainsi comme une forme de compromis, comme l’analysa encore Fadiey Lovsky dans son article « L’impact immédiat et décisif des Dix points de Seelisberg », Sens, octobre 1998, p. 453-460.

[31] Les commissions se divisèrent ainsi entre : 1/ The principles Objectives of Jewish-Christian Co-operation in Relation to the Combating of antisemitism ; 2/ Educational Opportunity in Schools and College ; 3/ The Task of the Churches ; 4/ Work in the Field of Civic and Social Services ; 5/ Relations with Governments.

[32] Rappelons que Seelisberg précède d’un an la Déclaration universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’UNESCO, et à laquelle Maritain participa. Voir : René Mougel, « Jacques Maritain et la Déclaration universelle des Droits, 1948 », dans Charles Coutel et Olivier Rota (éd.), Deux personnalités en prise avec la modernité : Jacques Maritain et Emmanuel Mounier (Arras, Artois Presses Université, « Etudes des Faits Religieux », 2012), p. 19-29.

[33] LMA. ACC.3121.E.01.47. Ronéotypé « International Conference - Summary of Recommendations ».

[34] Jean Toulat, Juifs mes frères (Paris, Éditions Guy Victor, 1962), p. 148-150.

[35] Voir la lettre de Jules Isaac à Jacques Martin du 24 août 1947, reproduite dans Sens, juillet-août 2001, p. 335-336.

[36] Voir la mise au point de Jules Isaac dans sa réaction à la Note d’Emmanuel Levinas, publiée dans Sens, novembre 2010, p. 737.

[37] Lettre de J. Isaac à Maurice Blondel du 16 février 1948, reproduite dans Sens, juillet-août 2014, p. 505-506.

[38] Lettre de J. Isaac à Paul Démann du 19 février 1949, reproduite dans Sens, juillet-août 2003, p. 340-344.

[39] Jules Isaac, « L’Assemblée judéo-chrétienne de Seelisberg », texte inédit reproduit dans Sens, juillet 2007, p. 361.

[40] Jacob Kaplan, Justice pour la foi juive (op. cit.), p. 147. Voir aussi l’origine de son rapport, reproduit dans Sens, mai 1995, p. 192-200.

[41] Le philosophe avait exprimé, dans une lettre du 12 juillet 1946 adressée à Mgr Montini, son souhait d’entendre
« une voix – la voix paternelle, la voix par excellence, celle du vicaire de Jésus-Christ » se prononcer contre l’antisémitisme, et que cette voix « dise au monde la vérité et lui apporte la lumière sur cette tragédie ». Cependant, le pape Pie XII resta silencieux.

[42] Voir : P. Démann, « De Seelisberg à Vatican II », article publié dans L’Arche, novembre 1966 (n° 117) p. 29-31 et reproduit dans Sens, février 2006, p. 77-84. Notons que P. Démann insiste, probablement à propos, sur l’importance de trouver des garants catholiques à Seelisberg : « Les organisateurs tenaient beaucoup à la présence d’une personnalité ‘romaine’ [à la tête de la Commission 3] », souligne-t-il : l’enjeu sous-jacent aux travaux de la Commission était avant tout d’agir sur les catholiques et d’obtenir une parole de Rome (voir l’article de M.-R. Macina, déjà cité, dans Sens, octobre 1998, p. 485-486).

[43] Jules Isaac, cité dans : André Kaspi, Jules Isaac. Historien, acteur du rapprochement judéo-chrétien (Paris, Plon, 2002), p. 231.

[44] ACC.3121.E1.48. Ronéotypé « Jewish-Christian Relations. The International Conference ».

[45] Voir notre contribution : « Jules Isaac, Paul Démann, Charles de Provenchères. Le redressement de l’enseignement catéchétique concernant Israël dans les années cinquante », Sens, décembre 2008, p. 673–682.

[46] Archives Jules Isaac (AJI). Série 26. Lettre de Pierre Visseur à Jules Isaac du 29 septembre 1948.

[47] AJI. Série 26. Lettre de Pierre Visseur à Jules Isaac du 28 février 1949.

[48] Archives Fleg (Paris). Bobine n° 1. Lettre de W.W. Simpson à Edmond Fleg du 27 septembre 1955.

[49] AJI. Série 26. Lettre de W.W. Simpson à Jules Isaac du 22 août 1955.

[50] AJI. Série 26. Lettre de W.W. Simpson à Maurice Vanikoff du 22 mars 1957.

Remarques de l’éditeur

Olivier ROTA est Docteur en sciences des religions. Il travaille sur l’histoire des relations judéo-chrétiennes en France, Angleterre et Israël au XXe siècle. Co-directeur de la collection « Étude des Faits Religieux » à Artois Presses Université (Arras), il est aussi coordinateur pédagogique du master « Sciences des religions et sociétés » à l’Université d’Artois. Il a récemment co-dirigé avec Danielle Delmaire et Marie-Hélène Robert, un ouvrage sur La mission catholique aux Juifs. Émergence, renouvellement et critique du XIXe s. à nos jours" (Paris, Parole & Silence, 2017).

Article à paraître dans la revue Sens en 2018. Nous remercions la revue d’avoir permis sa mise en ligne sur Relations judéo-chrétiennes.