De souvenir en avenir

Matériel pour une commémoration de la Shoah

De souvenir en avenir

Matériel pour une commémoration de la Shoah

Le document suivant rassemble divers matériaux utilisés lors d"une commémoration de la Shoah dans la Communauté chrétienne St-Albert-le-Grand de Montréal le 4 mai 2003; cette commémoration tenait lieu de liturgie de la Parole. Elle a été élaborée avec le Dialogue Judéo-Chrétien de Montréal. L"Évangile est celui de Luc 24,35-48 (3e Dimanche de Pâques, année « B »").

Mise en place

Dans le choeur, on trouve quelques éléments décoratifs évoquant le dialogue entre juifs et chrétiens. Sur une table, à l"avant de la nef, sept bougies utilisées pour les commémorations de décès. Par respect pour les invités juifs, la croix a été retirée du choeur à cette occasion.

1. OUVERTURE

  1. Accueil et indications pour le chant
  2. Musique : pièce de violoncelle pour établir un climat de recueillement.
  3. Introduction (par le P. Guy Lapointe, président d"assemblée)

La pièce de musique que nous venons d"entendre nous situe déjà dans ce climat de mémoire que nous voulons vivre en ce dimanche.

Nous accueillons dans notre assemblée des membres du comité du Dialogue judéo-chrétien de Montréal. Bienvenue à vous toutes et tous et particulièrement aux membres de la communauté juive. On ne le sait que trop, l"histoire humaine a vu se multiplier les tragédies au cours des siècles. Et cette situation continue toujours. Pour rester vigilants, nous en faisons amplement mémoire à chacune de nos célébrations pour que cette mémoire inspire nos engagements.

La catastrophe que vit présentement la Turquie, les guerres dont on parle et celles dont on ne parle plus, font partie de notre histoire. Mais les catastrophes causées par l"hostilité d"une personne ou d"une collectivité envers une autre sont encore plus dramatiques. Au cours des siècles, et ça ne semble pas vouloir s"arrêter, les conflits de toutes sortes et les idéologies racistes ou totalitaires ont fait d"innombrables victimes dans les populations d"Europe, du Moyen-Orient, d"Afrique, d"Asie ou d"Amérique. Ce dimanche et cette célébration, nous sommes invités à faire mémoire d"une de ces catastrophes causées par la folie humaine. La tentative d"exterminer le peuple juif, au cours de la deuxième guerre mondiale, a entraîné la mort de six millions de juifs et de nombreuses autres personnes.

La Shoah, est survenue dans des pays « de longue tradition chrétienne ». Depuis cette tragédie, l"Église a amorcé un changement en profondeur dans ses relations avec le judaïsme. Les participants au Concile Vatican II ont éveillé la vigilance des chrétiens et des juifs pour qu"ils travaillent à une meilleure «" connaissance et estime mutuelles »". Plus près de nous au cours du Jubilé de l"an 2000, les évêques canadiens nous ont invités à renouveler nos liens avec la communauté juive et à coopérer dans des domaines où nous partageons les mêmes valeurs.

Tel est le sens que nous donnons aujourd"hui à cette commémoration de la Shoah. Mais que faisons-nous, juifs et chrétiens, pour construire un avenir meilleur, là où nous sommes? La mémoire exige que nous portions cette question. De souvenir en avenir, telle est la force de la mémoire, une mémoire qui ouvre, une mémoire qui ne s"arrête pas au seul passé, mais qui nourrit l"avenir.

Comme chrétiens, nous voulons exprimer notre compassion pour l"immense souffrance des victimes et des survivants de la Shoah. Mais la question demeure, exigeante : chrétiens, juifs et autres, que faisons-nous maintenant pour construire un avenir meilleur?

Nous portons aussi dans notre prière et dans cette eucharistie les victimes de toutes les autres tragédies par la haine et l"exclusion. Soutenus par une espérance commune, nous prions le Dieu d"Abraham, d"Isaac, de Jacob et de Jésus, notre Dieu, de nous aider à promouvoir autour de nous et dans le monde, la paix, la justice, les droits de la personne et la dignité humaine.

1.4     Prière d"ouverture

Dieu,

C"est le temps de la mémoire.

Du souvenir

De ces personnes qui ont marché avant nous.

Des paroles vives ont été données au monde.

Des paroles qui ouvrent l"horizon,

Qui appellent à la liberté,

Qui relèvent et stimulent la volonté de paix,

Qui appellent au don,

Des paroles qui renversent les préjugés

Qui dessinent ta clarté, ô Dieu,

Sur les visages humains.

C"est le temps de la mémoire.

De l"assourdissante bêtise humaine

Qui mène à des suites d"horreurs.

Mais à quoi sert la mémoire

Si elle ne conduit pas

À la quotidienne action?

Oui, chantons :" Regarde-nous, Seigneur notre Dieu,

Et souviens-toi de nous".

2. TEMPS DE LA PAROLE ET DU GESTE

2.1 TÉMOIGNAGE (Thérèse Klein, une enfant de la guerre qui a échappé à la Shoah)

Ce souvenir que nous commémorons aujourd"hui, nous le devons à la mémoire de ceux qui sont morts non pour ce qu"ils avaient fait, mais pour ce que les préjugés d"alors disaient qu"ils étaient. Hitler avait, dans un discours célèbre, décrété qu"il effacerait à jamais le sourire des enfants juifs.

J"avais 8 ans à la déclaration de la guerre et, comme tous les enfants, j"étais heureuse. Ma mère attendait un bébé. Coup de tonnerre dans le ciel, c"est la guerre. Un petit frère arrive, mais un papa s"en va. Mon père, comme tous les hommes de l"entourage, est appelé sous les drapeaux.

Juin 1940. La France a capitulé. Les Allemands défilent dans Paris. Leurs drapeaux flottent sur tous les monuments de la capitale. Les ministères, les hôtels, les voitures restées dans les garages, tout est réquisitionné. Interdiction de passer sur les trottoirs des hôtels et des ministères. Des soldats y montent la garde. Régulièrement, ils passent dans les rues en chantant et le bruit de leurs bottes nous hantera longtemps, surtout lorsqu"on les entendait monter l"escalier vers les appartements. Qui venaient-ils chercher?

Restrictions et tickets alimentaires, rafales de nouvelles lois, les Français de religion juive (après les Allemands juifs, Tchèques juifs, Polonais juifs, etc.) n"ont plus le droit d"exercer de professions libérales. La mention Juif est imprimée sur les cartes d"identités, cartes d"alimentations; interdiction aux Juifs de sortir après cinq heures du soir, de prendre le train. Apparition dans la vitrine de certains magasins de pancartes portant l"inscription : Interdit aux juifs, aux noirs et aux chiens. Les commerçants et artisans devaient afficher une pancarte jaune : entreprise juive, puis une rouge indiquant qu"un inspecteur les surveillait. L"étau se resserrait. Port obligatoire de l"étoile jaune.

Les arrestations des Juifs commencèrent : dénonciations, rafles. Ces dernières se faisant dans la rue, nous les enfants devions marcher bien en avant, sans jamais nous retourner. Nous avons appris à mon petit frère de ne pas dire maman à notre mère. Mon oncle âgé de 25 ans a été dénoncé. Nous ne l"avons jamais revu. Cela faisait 3 ans que ma tante et lui étaient mariés.

La résistance s"organisait. Quelques bombes éclataient, mais au premier assassinat d"un soldat allemand, la Kommandantur exigea 50 otages juifs. Mon père, étant du nombre, partit le soir même. Il a été arrêté et assigné en résidence forcée dans un petit village du sud-ouest de la France, en Dordogne. Lorsque les Allemands sont venus le chercher, ne le trouvant pas, ils ont battu ma mère et l"ont prévenue que s"ils ne le trouvaient pas la fois suivante, ils nous arrêteraient et nous emmèneraient. Le lendemain matin, nous sommes sortis pour une longue promenade; ma mère n"avait pris avec elle qu"un petit sac afin de ne pas attirer l"attention. Nous avons mis 6 jours pour faire les 600 km qui nous séparaient de notre père.

Le village comptait 200 familles, environ, avec les hameaux voisins et tout le monde se connaissait mais mon père devait se présenter chaque matin à la gendarmerie. De nombreux réfugiés y habitaient déjà, Espagnols ayant fui Franco, Alsaciens ne voulant pas devenir allemands… Il fallait vivre et survivre car les Allemands occupaient toute la France, et, méfiants, faisaient des rafles partout à la recherche des Juifs, des communistes, des résistants…

La peur se répandait. Les restrictions augmentaient, les Allemands réquisitionnaient tout, en particulier la nourriture. La peur se répandait. Mon père travaillait dans une scierie pour un salaire hebdomadaire équivalent à une douzaine d"œufs. Le soir et les fins de semaine, il allait aider dans les fermes et on le dédommageait avec des légumes et des fruits. Nous aussi, nous allions travailler dans les champs.

L"armée allemande commençait à avoir des revers. Elle n"en devenait que plus dangereuse. Mes parents ont décidé de nous mettre en pension chez des religieuses alsaciennes qui ont accepté de nous prendre. Elles hébergeaient d"autres enfants aussi. Nous y sommes restés plus d"un an. Le département ayant été libéré par les F.F.L. ( Forces françaises libres) nous sommes retournés chez nos parents.

Et puis, nouveau coup de tonnerre, mes parents ont reçu un ordre de départ. Nous devions nous rendre dans un château, mais ce château était l"antichambre du départ vers un camp de concentration. Ma mère est allée à Limoges où se trouvait la Kommandantur pour demander un sursis; elle l"a obtenu.

Les débarquements des Alliés se succédaient : en Afrique du Nord, en Italie, dans le sud de la France, en Normandie… L"armée allemande reculait, mais jonchait sa retraite de cadavres et continuait de torturer et d"envoyer des gens en déportation jusqu"au dernier moment. La B.B.C de Londres a commencé à parler des camps, mais on ne pouvait croire aux descriptions que les commentateurs en donnaient. On n"espérait qu"une chose : revoir les nôtres.

Et puis ce fut, après 4 années d"occupation, la libération de Paris. Et notre retour. Plus d"appartement : il avait été vidé et était occupé. Nous n"avions plus rien. Il fallait tout recommencer, mais nous, nous étions ensemble, nous quatre. D"une très grande famille, nous étions les seuls. Grands-parents, oncles, tantes, cousins, cousines sont morts dans les camps de concentrations. Près d"une centaine de personnes…

C"est pour cela qu"il est si important de commémorer la SHOAH, afin que la mémoire de ces SIX MILLIONS DE JUIFS morts dans les camps, reste à jamais vivante dans nos cœurs.

2.2 Silence
2.3 Musique : courte pièce de violoncelle
2.4 RITE DE COMMÉMORATION

2.4.1 Introduction (G.L.)

Un geste simple, silencieux, un geste de lumière pour rappeler le souvenir de ceux et celles qui sont morts pendant la Shoah et pour prier pour notre monde, un monde suspendu entre la réalité des ténèbres et la promesse de la lumière.

J"invite sept personnes de la communauté juive et de notre communauté à allumer sept bougies, six pour symboliser chacun des six millions de juifs décédés et une septième pour toutes les personnes victimes de la haine et des catastrophes à travers le monde.

2.4.2 Chant " Dans nos obscurités fais jaillir ta lumière "

2.4.3 Allumage de 7 bougies

Sept personnes effectuent ce geste, dans le silence.

2.4.4 Lecture du Kaddish par le rabbin Leigh Lerner; les noms des camps sont murmurés à la fin de chaque ligne par Thérèse Klein)

Que le nom de l"Éternel soit exalté et sanctifié DACHAU

en ce monde qu"Il a créé selon Sa volonté AUSCHWITZ.

Qu"Il établisse Son règne sur nous VARSOVIE,

sur Israël BOGDANOVKA

et sur l"humanité toute entière RAVENSBRUCK,

bientôt et dans un temps prochain VILNA,

et disons: Amen.

Béni soit à jamais le Nom divin.

Que soit béni, loué, élevé, exalté, TREBLINKA

illustré, magnifié et glorifié CHELMNO,

le nom du Saint, béni soit-Il,

au-dessus de toute bénédiction BELZEC

et de tout chant BUCHENWALD,

de toute louange SOBIBOR

et de toute consolation MAIDANEK

qui se prononcent dans le monde MATHAUSEN,

et disons: Amen

Pour nous et pour tout Israël BABI YAR,

et pour le monde entier BERGEN-BELSEN,

puissent la bénédiction de paix LODZ

et la promesse de vie se réaliser, GURS

et disons: Amen.

Que Celui qui établit la paix dans les cieux

la laisse descendre sur nous,

sur tout Israël et sur le monde entier,

et disons: Amen.

2.4.6 Prières d"intercession (Jean Duhaime et Hélène Kravitz)

Chant «Dans nos obscurités fais jaillir ta lumière »"

1ère (J.D.) Nous nous rappelons la vie de ceux qui ont souffert et qui sont morts pendant la Shoah. Nous nous souvenons de ceux qui ont survécu et qui se sont construit une nouvelle vie, et qui sont aujourd"hui les témoins des ténèbres de ce mal sans précédent.

Nous prions pour eux et pour tous nos frères et sœurs juifs qui portent encore les cicatrices de cet horrible événement.

Chant « Dans nos obscurités fais jaillir ta lumière »"

2e (H.K.) Nous nous souvenons des autres victimes de la Shoah et de toutes les victimes des tragédies de masses d"hier et d"aujourd"hui, particulièrement des personnes persécutées à cause de leur origine, de leur culture ou de leur religion et celles qui sont déplacées ou exilées par les guerres et les conflits ethniques.

Nous prions pour que les personnes de toute religion puissent vivre leur foi librement dans notre pays et à travers le monde. Nous prions spécialement pour les réfugiés à la recherche d"un nouveau foyer et pour tous ceux qui leur viennent en aide.

Chant « Dans nos obscurités fais jaillir ta lumière »

3e (J.D.) Nous prions pour les croyants, chrétiens et autres, qui au nom de leur foi travaillent à la compréhension et la réconciliation entre les religions et à la solidarité entre les humains.

Nous prions pour les hommes et les femmes de bonne volonté qui militent pour la justice, la libération des opprimés, la reconnaissance des droits humains pour tous et pour une paix véritable dans notre monde.

Chant « Dans nos obscurités fais jaillir ta lumière»

4e (H.K.) Nous prions pour le don de la paix, pour ce Shalom qui vient de Toi. Nous cherchons la paix avec Toi, ô Dieu, dans nos cœurs, la paix les uns avec les autres, la paix de Jérusalem et la paix dans le monde entier.

2.4.7 Violoncelle

2.5 ÉVANGILE selon Saint Luc (24,35-48) (Alain Gignac)

  Les disciples qui rentraient d"Emmaüs

35 racontèrent (aux onze Apôtres et à leur compagnons) ce qui s"était passé sur la route et comment ils l"avaient reconnu à la fraction du pain.

36 Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut présent au milieu d"eux et il leur dit: "La paix soit avec vous."

37 Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit.

38 Et il leur dit: "Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s"élèvent-elles dans vos coeurs?

39 Regardez mes mains et mes pieds: c"est bien moi. Touchez-moi, regardez; un esprit n"a ni chair, ni os, comme vous voyez que j"en ai."

40 A ces mots, il leur montra ses mains et ses pieds.

41 Comme, sous l"effet de la joie, ils restaient encore incrédules et comme ils s"étonnaient, il leur dit: "Avez-vous ici de quoi manger?"

42 Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé.

43 Il le prit et mangea sous leurs yeux.

44 Puis il leur dit: "Voici les paroles que je vous ai adressées quand j"étais encore avec vous: il faut que s"accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes."

45 Alors il leur ouvrit l"intelligence pour comprendre les Écritures,

46 et il leur dit: "C"est comme il a été écrit: le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour,

47 et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.

48 C"est vous qui en êtes les témoins.

2.6 Homélie par Alain Gignac, professeur à la Faculté de théologie de l"Université de Montréal et membre du Dialogue judéo-chrétien de Montréal.

Nous nous souvenons aujourd"hui avec nos frères et sœurs juifs de la catastrophe indicible qu"a subi, lors de la 2e Guerre mondiale, le peuple choisi par Dieu pour témoigner de lui dans les vicissitudes de l"histoire. Devant l"horreur de la Shoah, les mots deviennent impuissants, le langage est en impasse, et pourtant, nous ne pouvons nous taire.

Pour les Juifs, Yomhashoah, le jour de la catastrophe, est un jour de mémoire, douloureux mais nécessaire. Paradoxalement, le calendrier place ce rappel dans les jours qui suivent une autre commémoration, celle de la libération d"Égypte. Le même mois, Israël se souvient donc de son acte de naissance comme peuple, mais aussi du projet nazi d"exterminer méthodiquement, volontairement, systématiquement, le peuple de Dieu. Contraste saisissant.

Pour les chrétiens, Yomhashoah tombe aussi dans le temps pascal, ce qui est significatif et donne une allure inouïe, prophétique, à notre rassemblement aujourd"hui. Car pour nous chrétiens, le temps pascal est celui de la résurrection et de la célébration de Jésus comme messie de Dieu. Nous sommes au cœur de ce qui sépare la foi juive et la foi chrétienne, dans un différend et une différence insurmontable. Et pourtant, nous sommes réunis aujourd"hui, Juifs et chrétiens, pour nous souvenir ensemble et prier ensemble le Dieu de nos pères.

L"évangile de ce temps pascal révèle comment la foi de Jésus nous rapproche, chrétiens et Juifs, et comment la foi au Christ nous sépare. Oui, l"évangile est extraordinaire annonce, qui ne va pas de soi, qui sort de l"ordinaire. Jésus vivant surgit au milieu des disciples recroquevillés sur eux-mêmes, pour leur dire : « Shalom alechem » , « la paix soit avec vous ». Non pas une vague salutation, mais il vient leur apporter la paix messianique, la shalom attendue par Israël. Voilà le témoignage inouï, la folie de la foi chrétienne : par l"expérience du souffle de Dieu qui passe dans leur vie, les disciples osent dire que le prophète de Nazareth qui a souffert au nom de Dieu est le messie qu"ils attendent, ils osent lire la croix comme un symbole de vie, ils osent relire les écritures (la Torah, les prophètes et les écrits) en y retrouvant la figure de Jésus souffrant. Oui, l"évangile nous sépare, chrétiens et Juifs.

Mais ce récit nous rapproche aussi. Jésus le juif salue ses disciples juifs d"une salutation juive qui dépasse pourtant les clivages identitaires et confessionnels : « Shalom alechem ». Salutation universelle, qui rejoint les aspirations de tout humain, mais qui s"enracine dans l"expérience d"Israël. Jésus, en terminant, donne à ses disciples une mission : témoigner dans le monde entier, non pas d"abord de la résurrection, comme on s"y attendrait, mais de l"expérience religieuse d"Israël : « On prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem ». Jésus ressuscité se situe encore dans la ligne des prophètes d"Israël qui proclament un retour à Dieu, i.e. la conversion et le pardon des péchés. C"est une idée très hébraïque où la vie est perçue comme une marche. Le mot hébreu derrière le mot « conversion », c"est la techouvah, c"est-à-dire la reconnaissance de ses errements et, en conséquence, le retournement, la réorientation qui s"en suit. « On prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. » Les chrétiens doivent continuer la mission prophétique de Jésus et aller dire au monde : « Shalom alechem ».

Évoquer la techouvah me conduit à poser directement une question redoutable : pourquoi, comme chrétiens, commémorer avec nos frères juifs la Shoah ?

Premièrement, il faut rappeler que la Shoah a ébranlé durablement la conscience de l"humanité comme jamais auparavant. Elle a ébranlé la pensée occidentale et toutes les théologies : comment Dieu peut-il permettre une telle monstruosité ? D"une certaine manière, la Shoah a permis de prendre conscience de tous les autres génocides qui l"ont précédée et suivie. C"est suite à la Shoah qu"a été définie la notion des crimes contre l"humanité et proclamés les droits universels des humains. Et ce n"est surtout pas l"usure et l"éloignement du temps, qui doivent émousser cette prise de conscience. Nous n"avons pas le droit comme humains d"oublier la Shoah.

Deuxièmement, la Shoah a révélé aux chrétiens leur orgueil et leur péché durant 2000 ans : orgueil d"avoir voulu remplacer le peuple de Dieu et, en conséquence, péché de l"avoir persécuté malgré les fondements de l"éthique chrétienne. Les noms cauchemardesques de Dachau et Auschwitz ont sorti, enfin, les chrétiens de leur torpeur. Incrédules, effrayés, troublés, les chrétiens ont vu s"avancer à leur rencontre leurs frères juifs survivants de l"enfer des camps. Ils ont cru voir des fantômes, mais c"étaient bien des survivants qui ont pu manger et boire à nouveau, reprendre vie. Des survivants qui ont trouvé la force de dire aux chrétiens : « Shalom alechem », et d"initier un dialogue pour la première fois dans l"histoire des deux religions.

Troisièmement, et ici je vous livre une conviction personnelle, la Shoah n"est pas seulement de l"ordre de l"injustice mais aussi du péché contre l"Esprit même de Dieu : l"idéologie nazie, en forgeant le dessein d"exterminer le peuple qui fut le premier à témoigner et qui témoigne encore de Dieu dans le monde, s"est attaqué à Dieu lui-même.

En somme, pour l"humain et le chrétien que je suis, Yomhashoah rend nécessaire la techouvah, le retournement. Je reconnais que les chrétiens n"ont pas su, ne savent pas toujours témoigner du Ressuscité, en commençant par Jérusalem. Si pour nous chrétiens la croix est le symbole paradoxal de la vie, durant 2000 ans, la croix fut pour les Juifs un symbole de mort. Yomhashoah est donc pour nous chrétiens l"occasion d"une techouvah, un retournement. C"est un appel à changer d"attitude envers le peuple juif, et à admirer sa fidélité inébranlable à témoigner du Dieu unique dans l"histoire.

Aujourd"hui, par le récit de Luc, Jésus le Juif surgit au milieu de notre assemblée pour dire à chacun de nous, Juif ou chrétien : « Shalom alechem », « la paix soit avec vous ». Juifs et chrétiens, nous devons porter au monde, chacun à notre manière et fidèle à notre identité, cet appel prophétique. Nous n"avons pas à compétitionner de manière fratricide pour recevoir les faveurs de Dieu, mais nous pouvons nous entraider pour avancer résolument sur le sentier difficile, tortueux et semé d"embûches, qui mène à la paix. Que notre dialogue devienne émulation pour faire advenir la paix partout où il y a oppression et injustice, en commençant par Jérusalem et dans toutes les nations.

2.7 Orgue

III. TEMPS DE L"EUCHARISTIE

3.1     Dieu,

Nous te rendons grâce et nous te bénissons.

Nous savons que tu nous aimes,

Que nous sommes importants à tes yeux

Et que tu nous as gravés

Sur la paume de tes mains.

Tu es le seul à faire pleinement confiance

À chacune et à chacun d"entre nous,

Le seul à espérer en nous,

Même quand tout est mort

Et qu"on ne voie plus traces d"espérance.

Tu nous donnes ta tendresse,

En nous envoyant ton Fils.

Il est né au monde pour que nous vivions en plénitude

Et il est mort

Pour permettre aux femmes et aux hommes

D"être vraiment libres,

Pour permettre à notre terre

De devenir terre humaine et fraternelle.

Vivant parmi les morts,

Il est présent parmi nous

Avec toi et ton Esprit.

Aussi, nous qui croyons

Que tu partages notre propre vie,

Que tu t"intéresses à chaque être humain,

Nous rejoignons ces hommes et ces femmes

De tous les temps et toutes les croyances

Qui ont découvert ton amour

Qui vient de ta vie, souvent sans le savoir

Et nous te chantons notre admiration.

Acclamation chantée

Oui, Dieu, tu es saint et grand,

Tu es l"amour,

Tu es liberté, joie et vérité.

Tu es le seul à être purement toi-même,

Sans aliénation, sans mensonge.

Et c"est bon de te connaître.

Tu nous permets de te ressembler

Et d"être pour les autres,

Amour et liberté.

Tu nous rassembles en ce dimanche

Comme un Père réunit ses enfants,

Pour nous redire les mots de ta tendresse.

Nous ne venons pas les mains vides,

Mais nous t"apportons ce que nous sommes;

Nous venons avec nos vies,

Avec nos peines, avec nos joies;

Les nôtres et celles de tous ceux et celles

Que nous accueillons.

C"est pour nous rendre ainsi plus humains,

Plus vrais,

Que Jésus, la nuit où il fut livré,

A pris du pain,

l"a rompu en bénissant ton nom

et l"a partagé avec ses amis en disant :

« Prenez et mangez-en tous,

  ceci est mon corps livré pour vous :

Après le repas, il a pris la coupe

Et, en bénissant ton nom de nouveau,

Il l"a donnée à ses amis en disant :

« Prenez et buvez-en tous;

ceci est la coupe de mon sang,

le sang de l"alliance nouvelle

et éternelle,

qui sera versé pour vous et pour la multitude

en pardon des péchés.

Vous ferez cela en mémoire de moi.»

Chant de l"anamnèse

Nous rappelons ainsi, Dieu,

Que ton Fils est mort pour nous

Que tu l"as ressuscité

Et qu"il est maintenant

Celui qui donne la vie au monde,

Celui que nous attendons dans la foi

Tout en le sachant présent parmi nous.

Oui, rassemble-nous tous, Dieu,

Auprès de toi et de ton Fils Jésus,

Avec la foule des croyants et croyantes de toutes traditions

Qui nous ont précédés,

Pour que nous puissions découvrir

Combien tu dépasses

Tout ce que nous imaginons de toi,

Et que notre joie soit celle même du Christ. Par Lui, avec Lui…..

3.2     Invitation au Notre Père

3.3     Chant du Notre Père

3.4     Échange de la paix

3.5     Fraction du pain et communion

3.6     Orgue et chant

3.7    Prière finale

A force de colombe,

A force de tendresse,

Parole offerte et pain rompu,

Nous briserons tout ce qui tue.

A force de colombe,

A force de tendresse,

Nous changerons les lieux déserts

En terre à blé, en arbres verts,

Les cœurs de pierre

En cœurs de chair.

Viendront le rire et l"allégresse,

Et s"enfuiront les jours de l"ombre.

Tenant nos lampes dans la nuit,

Nous détruirons ce qui détruit.

A force de colombe,

A force de patience,

Nous libérerons la liberté,

Nous ferons peur à la violence

Nous ferons taire le mensonge. (Inspiré de Didier Rimaud)

3.8     Invitation poursuivre l"échange au cours d"une br ve réception

3.9     Bénédiction finale

3.10   Orgue.