Inauguration du Musée de l'Histoire des Juifs de Pologne

Le Musée de l’Histoire des Juifs de Pologne a été inauguré le 19 avril 2013, jour du 70e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie. Les invités ont pu pénétrer pour la première fois dans l’impressionnant bâtiment érigé sur les lieux mêmes du ghetto et voir l’une des pièces maîtresses de l’exposition permanente en cours de préparation. Un programme d’activités a également été lancé à cette occasion.

Le Musée a officiellement ouvert ses portes à l’issue de la cérémonie du souvenir, tenue devant le mémorial aux héros du ghetto de Varsovie. Un millier de personnes étaient réunies pour cette cérémonie à laquelle participaient le chef de l’État polonais Bronislaw Komorowski, le président du Parlement européen Martin Schulz, le ministre israélien de l’Éducation Shai Piron et des survivants de l’Holocauste. Elles ont ensuite visité le nouveau musée, qui veut témoigner d’un millénaire de présence des Juifs en Pologne.

Le musée

Le Musée a été érigé face au monument commémorant le soulèvement du ghetto. Il a été dessiné par l’architecte finlandais Rainer Mahlamaeki dont le projet a été retenu en 2005 au terme d’un concours international. Sa construction a débuté en 2009 et vient tout juste d’être achevée.

La coquille du bâtiment, sobre et austère, présente des affinités avec le monument. On entre par une façade de verre et de cuivre épousant la forme d’une déchirure verticale qui se poursuit à l’intérieur du musée, sur toute la hauteur de ses cinq étages, le long des murs ondulés du hall principal. Certains y voient une allusion à la traversée de la mer Rouge, partagée en deux par Moïse; pour d’autres, elle symbolise l’histoire déchirante des Juifs de Pologne. Un pont relie les deux parties de la structure « comme pour relier le passé et le présent ».

L’édifice offre 13 000 m2 d’espace utile, dont environ le tiers est consacré à l’exposition permanente. Il comporte des salles d'expositions temporaires, un auditorium multifonctionnel de 480 places, un espace pour les enfants, un centre éducatif, un centre de documentation et des commodités pour les visiteurs (restaurant, café, boutique).

L’exposition permanente

L’exposition permanente, dont l’installation sera achevée au cours de l’année 2014, est le cœur du musée. Elle a été préparée par une équipe internationale de plus de 120 personnes dirigée par la Professeure Barbara Kirshenblatt-Gimblett de l’Université de New York, en collaboration avec Event Communications (Londres) et Nizio Design International (Varsovie).

Elle proposera une immersion dans l’univers des Juifs de Pologne et retracera l’histoire de leur présence dans le pays du Moyen Age à aujourd’hui. Les visiteurs parcourront ces mille ans d’histoire à travers huit galeries qui les mettront en contact avec la vie de tous les jours.

La Forêt, « un espace d’imagination historique », les entraînera d’abord dans les légendes que les Juifs racontent à propos de leur arrivée en Pologne. Selon l’une d’elles, ils auraient entendu, venant apparemment du ciel, les mots « Po-lin », « demeurez ici ». De la légende, on passera à l’histoire de la période médiévale (10e au 15e s.) durant laquelle les Juifs s’installèrent progressivement dans plus d’une centaine de villes du pays qui devint le centre du judaïsme achkénase.

Viendra ensuite l’âge d’or de la Pologne, celui de « la République des deux nations » (Pologne et Lituanie, 16e et 17e s.). On en retiendra surtout divers aspects de la vie juive urbaine. La pièce maîtresse de cette période a été dévoilée lors de l’inauguration du Musée : il s’agit d’une impressionnante reconstitution polychrome du plafond de la synagogue lituanienne de Gwozdziec (actuellement en Ukraine), orné d’un zodiaque, de représentations d’animaux et de passages de la Torah. Les deux galeries suivantes seront consacrées à la rencontre avec la modernité (18e et 19e s.) et la période de l’entre-deux guerres (1918-1939), souvent considérée comme un second « âge d’or ».

L’Holocauste, thème de la sixième section, sera illustré principalement à l’aide de documents récupérés du ghetto : son histoire en sera racontée dans les mots de ceux qui l’ont vécue. On y évoquera aussi l’occupation de l’ensemble du pays et les déportations des Juifs d’Europe vers les camps de la mort construits en territoire polonais. La période de l’après-guerre illustrera la désolation consécutive à la destruction du pays et de 90 % de sa population juive (trois millions de personnes), de même que la vie sous le régime communiste et le renouveau qui a suivi sa chute (1989).

La visite se terminera dans un espace de réflexion consacré à l’héritage des Juifs de Pologne. On estime le nombre de leurs descendants actuels à neuf millions à travers le monde, dont de nombreuses personnalités des domaines de la culture, des sciences ou du monde politique.

Un espace culturel et éducatif

À défaut de l’exposition permanente, une première exposition temporaire est déjà en cours. L’installation « Letters to Afar » est basée sur des extraits de films d’amateurs réalisés par des immigrants juifs américains en visite dans leur ville polonaise d’origine durant les années 1920 et 1930. Elle été préparée par le cinéaste et vidéaste Péter Forgács et l’ensemble new-yorkais The Klezmatics qui ont remaniés ces « cartes postales visuelles » pour rejoindre la sensibilité des visiteurs contemporains.

De nombreuses autres activités culturelles et éducatives ont aussi été programmées en avril et mai dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire du soulèvement du ghetto : spectacles musicaux (Le Bund Band. Hommage à Marek Edelman), projection de films (Rotem, d’Agniezska Arnold), représentations théâtrales (Yosl Rakowr parle à Dieu), tables rondes d’experts (Les Polonais et la mémoire du ghetto), etc. On a également proposé au public des ateliers de création artistique, des visites du musée et de divers lieux associés à l’histoire des Juifs à Varsovie et dans les environs.

Le musée assure enfin la responsabilité de trois sites internet. Le Shtetl virtuel (www.shtetl.org.pl) offre de la documentation sur l’histoire juive dans les villes et villages de Pologne. Un deuxième site est consacré aux Justes de Pologne (www.righteous.org.pl) et recueille les récits concernant ces personnes qui ont contribué à sauver des Juifs durant la guerre, parfois au prix de leur propre vie. Enfin une base de donnée (judaica.jewishmuseum.org.pl) donne accès à des milliers d’objets et de documents qui témoignent de la culture juive en Pologne et à travers le monde.

Promouvoir la responsabilité morale

Grâce à son ampleur et à son architecture, à sa muséographie originale et à la diversité de ses activités, « le Musée d’Histoire des Juifs de Pologne est appelé à devenir un grand centre d’animation culturelle », selon son directeur Andrej Cudak. Lorsque son exposition permanente sera déployée, cette institution s’inscrira parmi les principaux musées du monde consacrés à la culture juive, comme ceux de Berlin et de New York.

Le Musée se veut surtout un lieu de dialogue, « un catalyseur qui invite les visiteurs à réfléchir sur la signification de la civilisation des Juifs de Pologne et à se mobiliser pour en redécouvrir et en préserver l’héritage pour les générations à venir ». Ses artisans souhaitent ainsi contribuer à combattre la haine et « promouvoir la responsabilité morale, les valeurs démocratiques et l’engagement civique ».

Remarques de l’éditeur

Ce texte est largement basé sur le document The Museum of the History of Polish Jews – Asking, Exploring, Discovering, sur d’autres informations gracieusement fournies par le Musée et sur une sélection d’articles de presse publiés à l’occasion de l’inauguration du Musée.

On trouvera des renseignements additionnels sur les sites de l’Association Européenne du Musée d’Histoire des Juifs de Pologne (http://www.aemjp.eu/) et du Musée de l’Histoire des Juifs de Pologne (http://www.jewishmuseum.org.pl/en), ainsi que sur sa page Facebook (www.facebook.com/jewishmuseum).