Un dossier sur «La terre d’Israël» dans la revue Transversalités

Le numéro de décembre 2021 de la revue Transversalités, publiée par l’Institut Catholique de Paris propose un dossier sur le thème La terre d’Israël. Vers une approche œcuménique. Ce dossier est issu d’un séminaire offert à l’Institut en 2020-2021. Il aborde la question d’un point de vue résolument théologique. Il comporte une introduction et cinq articles, dont voici les résumés.

Dans l’introduction du dossier (p. 11-13), Luc Forestier rappelle que la revue a déjà traité la thématique de la «Terre sainte» dans une perspective biblique (Transversalités no 119 [2011/3). Le séminaire en cours «veut montrer que la quête de l’unité visible entre les chrétiens est interrogée et stimulée par la prise de conscience croissante des conséquences de la permanence d’Israël pensée à l’intérieur du dessein de Dieu».

«La terre d’Israël, une question de reconnaissance» (p. 15-27)

La création de l’État d’Israël soulève au sein des Églises la question de la reconnaissance de cette nouvelle réalité et de son interprétation théologique. Du côté juif, cette reconnaissance est attendue parce qu’elle semble prouver que la théologie chrétienne tourne vraiment le dos au mythe du Juif errant. Cet article, signé par Thérèse M. Andrevon, Luc Forestier, William Kriesel et Anne Marie Reijnen, esquisse un état de la question de la position des Églises face à la terre d’Israël dans son contexte contemporain. Il montre la complexité du sujet, tant dans l’Église catholique que chez les différentes tendances au sein du protestantisme. Il met également en lumière la réception parfois ambiguë de cette reconnaissance dans un monde juif pluriel.

«L’État d’Israël, une crux theologicae» (p 29-41)

La déclaration conciliaire Nostra aetate § 4 sur le judaïsme «confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche […]». Cette vocation, explique Thérèse M. Andrevon, contenait une double promesse: une descendance et une terre. Si l’ecclésiologie a su réfléchir à frais nouveaux sur la notion de peuple de Dieu, la promesse de la terre devint un sujet tabou du fait de la création de l’État d’Israël. Pourtant, la dimension politique est inhérente au judaïsme. De plus, le christianisme avait interprété théologiquement la destruction du Temple de Jérusalem et l’exil des juifs. Peut-il reléguer leur retour au seul domaine séculier? Cet essai réfléchit sur la notion d’accomplissement en lien avec la restauration d’une souveraineté juive en terre d’Israël, puis se demande si la terre entre dans la notion de patrimoine commun aux juifs et aux chrétiens.

«Sion et les diverses figures d’eschatologie» (p. 43-54)

Le mot «Sion» est souvent traité comme synonyme de Jérusalem. Cependant, l’usage des deux vocables dans la Bible suggère qu’une distinction subtile devrait être faite entre les deux. Alors que Jérusalem est clairement un toponyme géographique, Sion se situe plutôt au croisement des axes espace-temps. La notion biblique de Sion est à la fois un moment dans le temps et un lieu dans l’espace. Cet article de William Krisel aborde en trois parties Sion et les diverses figures d’eschatologie que l’expression condense. Les références bibliques à Sion sont d’abord brièvement examinées. L’auteur explore ensuite la place de Sion dans le messianisme juif. Il présente enfin la position des Églises protestantes qui épousent une théologie «sioniste chrétienne». La conclusion énonce les défis et les possibilités que la notion biblique de Sion offre pour l’approfondissement du dialogue œcuménique entre les Églises.

«‘Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël?’ (Actes 1,6). Permanence d’Israël et apostolicité des Églises» (p. 55-64)

La citation qui apparaît dans le titre de l’article de Luc Forestier est la dernière question que les Onze posent au Christ ressuscité. Elle résonne singulièrement depuis 1948, date à laquelle un État émerge au Proche-Orient portant le nom d’Israël. Le lecteur des Actes est conduit en réalité à s’interroger sur l’autorité apostolique, comprise diversement dans les Églises chrétiennes. De même, toute interprétation des Actes est marquée par les différences dans la perception des conséquences ecclésiologiques et politiques de la permanence d’Israël.

«Le principe prophétique doit-il conduire à relativiser la terre? Points de vue protestants» (p. 65-75)

Certaines interprétations protestantes du judaïsme privilégient dans ce dernier la dimension spirituelle et instaurent une hiérarchie où le temps prévaut sur l’espace. Le peuple juif devient alors signe prophétique et critique contre l’idolâtrie du sol. L’établissement de l’État d’Israël divise le protestantisme: enthousiasme et réticence, théologie de la terre et théologie des pauvres s’opposent, en particulier après 1967. Les déclarations protestantes officielles, explique Anne Marie Reijnen, reflètent cette diversité des positions, qui se manifeste aussi dans l’évolution de Paul Tillich: suite à ses entretiens amicaux avec Martin Buber, le théologien luthérien est passé d’une conception axée sur le caractère prophétique du peuple juif, lui interdisant de se «paganiser» sous forme d’un État, à une position plus dialectique tenant compte de l’inaccompli de l’histoire qu’Israël rappelle au christianisme, maintenant ainsi la primauté du don de Dieu.

«À n’en pas douter,» estime Vincent Holzer dans le liminaire de ce numéro, ce dossier «réclamera de nouveaux développements. Il se présente comme un premier pas et pourrait bien constituer les prémices d’un chantier théologique, historique et socio-politique sans cesse à reprendre» (p. 8).

Remarques de l’éditeur

Source : Transversalités no 159 (décembre 2021). Une version en ligne est disponible sur CAIRN INFO. Les résumés proviennent de ce site, moyennant quelques remaniements.