Rencontre entre Benoit XVI et des représentants de la communauté juive à Berlin

Le 22 septembre 2011, dans le cadre de son voyage en Allemagne, le pape Benoît XVI a rencontré des représentants de la communauté juive au Palais du Reichstag de Berlin. La délégation juive était présidée par le Dr Dieter Graumann, président du Conseil central des juifs d'Allemagne. Cette rencontre a été l'occasion de souligner le chemin parcouru dans le rapprochement des juifs et des chrétiens depuis le concile Vatican II, mais aussi d'identifier quelques-uns des défis qui restent encore à relever.

Dans son mot de bienvenue, le Président de la conférence épiscopale allemande, l'archevêque Robert Zolltisch, a présenté cette visite du pape comme un pas de plus sur le "chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d'amitié" avec le peuple juif où l'Église catholique s'est engagée depuis la déclaration conciliaire Nostra Aetate.

Prenant ensuite la parole, le Dr Graumann s'est réjoui de ce que le Pape Benoît XVI ait clairement renoncé à toute forme de mission auprès des juifs et rejeté sans équivoque l'accusation de déicide dont ils ont subi les conséquences néfastes pendant des siècles.

Se réjouissant des progrès accomplis dans le développement d'une réelle amitié entre l'Église catholique et le judaïsme, le président du Conseil central des juifs d'Allemagne a néanmoins relevé trois points qui irritent encore sa communauté: les prises de position racistes et antisémites de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (dont l'excommunication a été levée en 2009), les prières pour les juifs du Vendredi-Saint (dans une version remaniée du missel romain antérieur à la réforme de 1970) et le projet de béatifier le pape Pie XII (dont le silence sur la Shoah demeure problématique aux yeux des juifs).

Le Dr Graumann a cependant réitéré sa conviction que le pape actuel, marchant sur les traces de son prédécesseur Jean-Paul II, continuera à promouvoir le rapprochement de l'Église catholique et du judaïsme. "Nous avons des racines communes si fortes, comment ne pourraient elles-pas porter du fruit ensemble?" a-t-il conclu.

Dans sa réponse, le pape Benoît XVI a d'abord rappelé que le palais du Reichtag est un "un lieu central de la mémoire, d’une mémoire effroyable" puisque c'est de cet endroit que fut projetée et organisée la Shoah.  Il a évoqué le pogrom de la «nuit de cristal» ( 9 au 10 novembre 1938) et le régime de terreur instauré par le national-socialisme, fondé  sur un mythe raciste et sur le refus du Dieu biblique auquel  Adolf Hitler, "une idole païenne", voulait se substituer.

 "Avec le refus du respect pour ce Dieu unique", a poursuivi le pape, "se perd toujours aussi le respect pour la dignité de l’homme. Ce dont est capable l’homme qui refuse Dieu et quel visage peut prendre un peuple dans le 'non' à ce Dieu, les horribles images provenant des camps de concentration à la fin de la guerre l’ont révélé." Le pape s'est ensuite réjoui de voir qu'on assiste, depuis quelques décennies, à une "nouvelle floraison de la vie juive en Allemagne" et a souligné le mérite de cette communauté qui s'est distinguée par son œuvre d’intégration des immigrés est-européens.

Le pape a exprimé son appréciation des réalisations du dialogue entre juifs et chrétiens en Allemagne, notamment l'organisation, au niveau local, d'une "Semaine de la fraternité" à laquelle contribuent, en mars de chaque année, des chrétiens de diverses confessions. Il a encore rappelé qu'il existe des rencontres annuelles entre des évêques catholiques et des rabbins, de même que des colloques avec le Conseil central des juifs et un très utile forum "Juifs et chrétiens" mis sur pied il y a quarante ans par le Comité central des catholique allemands.

Benoît XVI a aussi insisté sur "l'affinité intérieure" du christianisme avec le judaïsme. Le Sermon  sur la montagne (Matthieu 5 – 7), a-t-il expliqué, "n’abolit pas la Loi mosaïque, mais il révèle ses possibilités cachées et fait émerger de nouvelles exigences. Il nous renvoie au fondement le plus profond de l’agir humain, au cœur, où l’homme choisit entre le pur et l’impur, où se développent la foi, l’espérance et l’amour."

Le pape a alors cité un passage de son récent ouvrage sur Jésus de Nazareth pour appuyer sa ferme conviction que le dialogue doit s'étendre également à l'étude des écrits bibliques: "Après des siècles d’opposition, nous nous reconnaissons le devoir de faire en sorte que ces deux manières de faire une nouvelle lecture des écrits bibliques – celle des chrétiens et celle des juifs – entrent en dialogue entre elles, pour comprendre correctement la volonté et la parole de Dieu».

Sur la base des relations "durables et confiantes" qui se sont établies entre eux et qui sont appelées à se développer, Benoît XVI a finalement invité les juifs et les chrétiens d'Allemagne à continuer à assumer ensemble "une responsabilité commune pour le développement de la société".