Réformer, relire, renouveler. Martin Luther et 500 ans de Tradition et de Réforme dans le Judaïsme et le Christianisme

Les délégués à la Conférence 2017 du Conseil international des chrétiens et des juifs (ICCJ) se sont réunis à Bonn (Allemagne) du 2 au 5 juillet pour réfléchir sur l’œuvre de Luther et sur les questions de réforme, de relecture et de renouvellement dans leurs deux traditions religieuses.

Quand Martin Luther a lancé sa critique du catholicisme médiéval il y 500 ans à Wittenberg en Allemagne, il ne pouvait pas imaginer à quel point les secousses provoquées par ses actions ébranleraient l’Europe chrétienne jusqu’au cœur, causant dans le christianisme une déchirure qui n’a commencé à guérir que récemment. Mais ce ne sont pas seulement les chrétiens qui ont subi l’impact des actions de Luther. Dans ses écrits tardifs, Luther a tenu des propos virulents contre les juifs, qui ont été la cible de quelques-uns de ses paroles les plus caustiques à cause de leur refus de se convertir et de s’intégrer à la société chrétienne. Pour ces raisons, la vie et l’œuvre de Luther ont eu des répercussions importantes durant les cinq derniers siècles, tant sur le plan œcuménique qu’interreligieux.

L’héritage de Luther, dans ses aspects positifs et négatifs, était très présent à l’esprit des délégués à la Conférence 2017 du Conseil international des chrétiens et des juifs (ICCJ), tenue à Bonn du 2 au 5 juillet. Ils ont réfléchi non seulement sur l’œuvre de Luther, mais aussi sur des questions plus larges de réforme, de relecture et de renouvellement dans les ces deux traditions religieuses. Quel est le rôle approprié pour la tradition dans la religion? Comment une réforme légitime se produit-elle? Comment le judaïsme et le christianisme ont-ils changé depuis l’époque de Luther et comment continuent-ils de changer encore aujourd’hui?

Un des points majeurs de ce changement s’est produit dans le domaine du dialogue judéo-chrétien. C’est pourquoi il convenait que la conférence de 2017 marque également le 70e anniversaire de la conférence de Seelisberg, la première rencontre internationale de juifs et de chrétiens après la tragédie de la Choah. Un des résultats de la conférence historique de Seelisberg fut l’adoption des célèbres « Dix points de Seelisberg », qui traçaient la voie à une approche radicalement différente du judaïsme par les chrétiens. L’ICCJ considère la conférence de Seelisberg comme un moment fondateur de l’histoire; c’est pourquoi nous avons aussi réfléchi ensemble au chemin parcouru depuis l’été 1947.

La conférence a débuté le dimanche 2 juillet, en après-midi, par une allocution principale du Rabbin Abraham Skorka, des mots de bienvenue de dignitaires religieux et civils, et un magnifique programme de musique juive et chrétienne, aussi bien traditionnelle que contemporaine. Le lundi 3 juillet, nous avons exploré les thèmes de la tradition et de la réforme, tant dans le judaïsme que dans le christianisme, au cours de tables rondes d’experts et de chefs de file religieux. Les ateliers de l’après-midi avaient pour thème la réforme et le renouveau, la conférence de Seelisberg et les rapports de Luther avec le judaïsme. En fin d’après-midi, une session en plénière nous a invités à réfléchir aux ingrédients nécessaires au succès d’une réforme religieuse.

Le mardi 4 juillet, nous avons abordé des questions concernant la liturgie et la prière, particulièrement les rôles que la tradition et la réforme ont joué dans ces domaines. Les ateliers subséquents ont porté sur la manière dont l’anniversaire de la Réforme peut être un temps de réengagement dans les relations judéo-chrétiennes; on y a exploré comment des textes bibliques apparemment contradictoires peuvent être réconciliés, les approche anglicanes au dialogue, la question de saint Paul et les défis qu’il soulève pour les juifs et les chrétiens, la trajectoire qui a conduit des Dix points de Seelisberg aux « Douze points de Berlin » adoptés par l’ICCJ et ses suites. En après-midi, on a proposé des sorties en autobus ou à pied pour visiter des sites historiques et culturels à Bonn, à Cologne et dans les environs.

La dernière journée de la conférence a commencé par une session en plénière basée sur la fameuse déclaration de Luther : « Me voici; je ne puis autrement ». Est-ce, en fait, la seule manière possible d’aborder les relations judéo-chrétiennes… ou sommes-nous capables d’imaginer divers types d’avenir pour notre dialogue, en avançant de manière constructive au-delà des événements de notre passé? Les ateliers de l’avant-midi ont porté sur une diversité de thèmes connexes : les ressemblances et différences entre le dialogue judéo-chrétien et le travail œcuménique; la valeur de séjours d’études à Jérusalem comme ressource pour le renouveau ecclésial; le contexte et les implications de la déclaration de Barmen en 1934; les thématiques de la peur et de la résilience; les expériences de dialogue du projet « Équipes abrahamiques méditerranéennes ».

Dans l’après-midi, une session plénière a abordé le thème de la place des religions comme ressource pour la résolution de conflits. Au cours de la séance finale, on s’est demandé pourquoi, comme juifs et comme chrétiens, nous devrions nous intéresser aux fêtes et aux temps sacrés de nos voisins religieux. La conférence s’est terminée par un repas festif dans le cadre impressionnant du Château de Godesburg, qui surplombe Bonn; l’exécutif sortant de l’ICCJ et le comité organisateur y furent chaleureusement remerciés et félicités par les participants, au terme d’une conférence 2017 très réussie et fort stimulante.

La conférence de cette année a réuni quelques centaines de participants provenant de plus de deux douzaines de pays; l’ICCJ était particulièrement heureuse cette année d’accueillir Cuba comme son plus récent membre national. Le haut calibre des sessions en plénière et des ateliers allait de pair avec le caractère énergique des conversations durant les pauses et les repas.  Partout à travers le monde, les membres de l’ICCJ et ceux qui le supportent continuent de promouvoir des initiatives créatrices et très appréciées qui visent à renforcer l’inclusion, la compréhension, la coopération et le développement des relations. Bien qu’ils participent aussi à des groupes abrahamiques ou interreligieux plus larges, de nombreux membres ont réaffirmé le caractère unique et l’importance centrale de la relation entre juifs et chrétiens, et cette conférence a rappelé que, comme juifs et comme chrétiens, nous avons encore à développer bien des sujets importants au cours de notre dialogue.

Dans l’ensemble, notre séjour à l’Institut Gustav Stresemann a été un temps d’apprentissage et de réflexion, un moment pour nous faire de nouveaux amis et reprendre contact avec de vieilles connaissances. Le 500e anniversaire du début de la Réforme et le 70e anniversaire de la déclaration de Seelisberg ont constitué d’excellents points de départ pour nous amener à examiner le passé en toute clarté et pour envisager le futur avec enthousiasme et espoir. L’ICCJ continue d’être une organisation dynamique et pertinente et la conférence de 2017 a confirmé l’importance de son travail et le solide engagement de ses membres. Merci à toutes les personnes impliquées dans l’organisation de l’événement de cette année de même qu’à l’équipe locale de nous avoir offert à tous un accueil chaleureux et un programme de conférence fascinant!

 

Remarques de l’éditeur

Source : site de l’ICCJ. Traduit et légèrement adapté par Jean Duhaime.
Le Dr Murray Watson, a été l’un des initiateurs du Centre for Catholic-Jewish Learning du King’s College de London (Ontario, Canada), devenu en 2010 le Centre for Jewish-Catholic-Muslim Learning. Représentant canadien à la Conférence 2017 de l’ICCJ, il a été l’un des quelque 60 conférenciers et intervenants à cette rencontre.