Manuel de théologie d’Israël. L’alliance jamais révoquée

Sous la direction de Thérèse M. Andrevon, Beate Bengard, Luc Forestier, William Krisel, Anne Marie Reijnen et Olivier Rota,
Manuel de théologie d’Israël. L’alliance jamais révoquée.

Avec une préface d’Élisabeth Parmentier et une postface de Catherine Chalier. Genève, Labor et Fides, 2025. ISBN 978-2-8309-1862-5, 26 €.

Cet ouvrage collectif est issu des travaux du laboratoire Permanence d’Israël et diversité confessionnelle, créé par Luc Forestier à l’Institut catholique de Paris en 2018, puis transféré en 2021 à l’Institut romand de systématique et d’éthique de la Faculté autonome de théologie protestante de l’Université de Genève. Parmi les vingt-six personnes qui ont contribué à sa rédaction, vingt-deux sont des chrétiens de diverses confessions (catholiques, protestants, et orthodoxes) et d’horizons disciplinaires variés (histoire, ministère pastoral, théologie); quatre voix juives ont été invitées à réagir à leurs propos.

Présenté comme un «Manuel de théologie d’Israël», ce livre porte sur une question précise vers laquelle pointe son sous-titre «L’Alliance jamais révoquée»: «Puisque l’Alliance (de Dieu) avec le peuple d’Israël n’a jamais été révoquée, quelles conséquences la théologie dans ses diverses disciplines doit-elle en tirer?» (p. 12)

En introduction les éditrices et éditeurs rappellent l’ancrage institutionnel de ce projet et le situent parmi ressources déjà disponibles dans le domaine des relations entre juifs chrétiens. Ils précisent les choix de ce Manuel, concernant l’utilisation du mot «Israël», de l’expression «permanence d’Israël», de la majuscule initiale au mot «Juif», et l’option de situer la réflexion dans le champ du dialogue œcuménique plutôt qu’interreligieux tout en respectant «l’altérité du peuple juif». Ils expliquent également le «dispositif singulier» de rédaction à plusieurs mains et l’organisation générale du livre en un prélude et trois parties intitulées respectivement État de la question, Champs théologiques et «Selon les Écritures»; chacune comporte quatre chapitres dont on propose un court résumé après avoir signalé qu’ils sont «au service de la construction progressive des chantiers ouverts sur le plan théologique» (p. 20).

Le prélude de Christian Rutishauser est un «Plaidoyer pour une théologie chrétienne face à Israël». Il trace le cadre global dans lequel les travaux du Manuel s’articulent. Se considérant désormais non plus comme substituée à Israël mais comme liée à son élection, «l’Église du Christ doit donc reconsidérer cette relation unique qu’elle a avec le judaïsme» (p. 27) et en tirer les conséquences: «Une théologie face à Israël tente de définir la foi chrétienne non pas uniquement à partir de sa propre logique, qui découle de l'événement du Christ, mais à partir de la plénitude du dessein de Dieu qui prend en compte l'élection permanente d'Israël et qui intègre le judaïsme de manière constitutive dans sa réflexion sur la foi» (p. 29). L’élaboration d’une telle théologie implique un mouvement de pensée en quatre étapes de la part de l’Église: 1) tenter de comprendre Israël dans son évolution historique et dans la manière dont il se pense lui-même; 2) approfondir son lien identitaire avec le peuple juif; 3) explorer la relation historique des chrétiens et des juifs (notamment pour faire face à son antijudaïsme et à l’antisémitisme moderne); s’interroger sur les transformations qui découlent pour la théologie chrétienne, dans toutes ses disciplines, du rapport constitutif à Israël. Chacune des étapes de ce mouvement de pensée est expliquée en détail.

I. État de la question

Dans la première partie, Serge Würtrich explore l’idée de substitution «avec l’objectif de la dépasser» (chap. 1). Il la définit comme «d'une forme d'appropriation où l'Église prétend avoir pris la place de l'Israël ethnique dans le plan de Dieu, devenant ainsi le seul destinataire des promesses faites à Israël» (p. 52). Les avis sont partagés sur l’origine des discours de substitution qui se déploient historiquement en plusieurs types. Aujourd’hui, la plupart des confessions chrétiennes condamnent de tels discours; mais les «nouveaux modèles d’articulation entre judaïsme et christianisme» ne sont pas pleinement satisfaisants.

Le chapitre 2, «Prémices d’une nouvelle théologie face à Israël» a été rédigé par Thérèse M. Andrevon et Serge Wüthrich. Ils présentent quelques « précurseurs» catholiques et protestants qui ont commencé à développer une approche plus favorable envers les juifs, à penser une théologie chrétienne après la Shoah et à proposer une compréhension positive du «non» juif envers Jésus.

On doit le chapitre suivant à Olivier Rota, qui évoque les travaux d’ordre historique qui, de la fin des années 1930 à nos jours, ont constitué «un matériau pour renouveler la théologie chrétienne des relations à Israël». Il note par exemple l’influence d’un Jacques Maritain, pour lequel la mission juive s’est «perpétuée dans le temps chrétien» (p. 88) et d’un Marcel Simon qui a remis en question «l’idée d’une séparation nette et rapide entre Juifs et chrétiens au début de l’ère commune» (p. 91). La rencontre entre l’histoire et la théologie aura ainsi permis qu’une grande partie des Églises renonce progressivement à son antijudaïsme, en tout ou en partie (p. 99).

Le chapitre 4 constitue à lui seul la moitié de cette partie. Six auteurs ont été mis à contribution pour aborder une question particulièrement sensible: «L’État d’Israël est-il une question pour la théologie?» Plus précisément, le problème est le suivant: «Le retour d'une souveraineté juive en terre d'Israël peut-il se lire à la lumière des Écritures, en rapport avec les temps messianiques, ou bien est-il seulement l'aboutissement d'un mouvement national comme tant d'autres?» (p. 101). L’exposé est amorcé par une présentation de la problématique (Thérèse M. Andrevon), et un rappel historique (Olivier  Rota). Sont ensuite examinées succinctement les positions assez diversifiées et parfois contrastées des Églises luthéro-réformées (Beate Bengard), évangéliques (Jean-Paul Rempp), orthodoxes (Geoffrey Ready) et catholique (Luc Forestier).

La légitimité de l’État d’Israël est assez généralement reconnue par les Églises chrétiennes. Mais le sens théologique à donner à cet État divise. Certaines y voient la réalisation d’une promesse biblique à caractère eschatologique, d’autres non. Le sort fait aux Palestiniens et aux minorités arabes chrétiennes a suscité par ailleurs le développement d’une «théologie palestinienne de la libération» qui ne fait pas l’unanimité non plus. À la fin de ce chapitre, Thérèse M. Andrevon attire l’attention sur les propositions théologiques élaborées par Gavin d’Costa et Philip A. Cunningham, tout en notant à quel point, une telle entreprise «constitue un formidable défi pour le catholicisme» (p. 149).    

La «voix juive» réagissant à cette première partie est celle de David Meyer. Lisant les discours chrétiens actuels concernant la permanence d’Israël à la lumière des «véritables pogroms» du 7 octobre 2023, il se demande si l’Église est capable, aujourd’hui, «de faire face à la possible impermanence d’Israël» (p. 156).

II. Champs théologiques

La deuxième partie s’ouvre sur une contribution de Christophe Chalamet qui invite à «Retrouver le sens de l’Alliance en théologie chrétienne» (chap. 5). Le christianisme reconnaît aujourd’hui le caractère irrévocable de l’Alliance de Dieu avec le peuple juif («l’ancienne Alliance», tout en affirmant vivre lui-même sous le régime de «la nouvelle Alliance». Selon Chalamet, la théologie contemporaine, sans délaisser l’analyse de l’articulation entre l’alliance du Sinaï et celle instituée en Jésus-Christ, aurait avantage à intégrer aussi dans sa réflexion la pluralité des alliances mentionnées dans la Bible hébraïque, en particulier celle avec Noé et toute chair vivante (Genèse 9), qui offre des  ressources pour faire face aux défis actuels concernant notamment le climat et violence humaine.

Le chapitre 6, «Proposer une christologie en présence d’Israël», est le plus substantiel de la deuxième partie. Il est unifié autour de la description de «certaines des transformations déjà effectives dans les constructions théologiques concernant Jésus-Christ» (p. 22-23). Le parcours est amorcé par Anne-Marie Reijnen. Elle note que le dialogue judéo-chrétien contemporain s’intéresse davantage à la judéité de Jésus et à son enseignement qu’à l’affirmation chrétienne de sa nature divine. Elle explore quelques transformations dans la christologie protestante (de Karl Barth à Friedrich-Wilhelm Marquardt), en particulier concernant l’interprétation du «non» juif «à l’identification de Jésus de Nazareth au Messie» (p. 185).

Beate Bengard prend le relai, dans une perspective protestante également. Après avoir illustré le discours traditionnel des théologiens chrétiens sur la messianité de Jésus par rapport au judaïsme et son évolution historique, elle se concentre sur un exemple contemporain de christologie «construite en présence des Juifs», celle de Jürgen Moltmann, dont elle évalue la richesse et les limites. Si elle permet de dépasser la substitution et les stéréotypes antijuifs, cette christologie reste focalisée sur la personne du Messie plutôt que sur ‘le temps messianique’ et elle n’arrive pas à désamorcer complètement l’argument juif de «la contradiction entre l’état du monde actuel non sauvé et l’affirmation d’exister ‘déjà dans le Royaume’» (p. 206).

Xavier Gué, rappelle que si la christologie catholique a eu tendance à réduire la portée du «messie juif», la recherche récente a redécouvert la judaïté de Jésus et la diversité des attentes messianiques à son époque. Mais, au-delà de la confession messianique, la théologie doit penser le Christ vivant, «le Christ, présence actuelle de Dieu» (p. 213). Elle peut y parvenir en privilégiant la notion de Parole (ou logos) de Dieu incarnée, mise de l’avant récemment dans le document romain Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (no. 24, cité p. 214-215).

L’exposé de Geoffrey Ready sur le compréhension chrétienne orthodoxe d’Israël (chap. 7) part du constat que celle-ci est profondément enracinée dans une tradition liturgique et patristique dans laquelle il y a une identification de l’Église à Israël, une christianisation des figures de l’Ancien Testament et un tenace préjugé concernant la «stérilité d’Israël»  (p. 218). Cela s’exprime particulièrement dans les hymnes (p. 221). Mais la tradition patristique est large et diversifiée. Elle «pourrait être mobilisée pour réviser la lecture de Pères spécifiques marqués par un contexte historique qui donne à leurs démonstrations un caractère antijuif» (p. 233), rendant ainsi possible un renouvellement de la tradition liturgique et l’éradication des nombreuses traces d’antijudaïsme qui la grèvent (p. 234).

Sous le titre «Interroger les ecclésiologies», le chapitre 8 veut surtout montrer «la manière dont les Églises se positionnent en tant que communauté ecclésiale face au judaïsme» (p. 238). Selon Luc Forestier, suite à la reconnaissance de la permanence d’Israël, la représentation de l’articulation entre Église et Israël demeure difficile car elle «oblige à refuser simultanément la pure succession (…) et le simple parallélisme» et doit préserver «le mystère que chacun constitue» (p. 242). La permanence d’Israël rappelle à l’Église qu’elle ne constitue qu’un avant-goût du royaume eschatologique vers lequel elle est orientée (p. 245); par ailleurs, une meilleure connaissance du judaïsme peut aider à mieux comprendre certains aspects de la liturgie chrétienne (p. 246).

Sans s’y limiter, les autres sections du chapitre attirent l’attention sur des sujets sensibles et controversés tels que la pertinence d’une mission d’évangélisation auprès des juifs ou l’émergence de divers mouvements «juifs messianiques» au statut parfois ambigu, l’intégration des juifs dans les Églises chrétiennes et l’impact de ces phénomènes sur les relations entre juifs et chrétiens (contributions de Serge Wüthrich, William Krisel, Jean-Paul Rempp et Louis-Marie Coudray).

Relisant cette deuxième partie du Manuel d’un point de vue juif, Myriam Ackermann-Sommer appelle juifs et chrétiens à renoncer au mirage d’une pensée «judéo-chrétienne» (p. 269), condition essentielle, à son avis, d’un dialogue authentique et respectueux. Cela s’applique notamment à l’interprétation des concepts bibliques: «Chaque fois que l'on analyse un concept biblique et ses ramifications dans la théologie d'Israël et de l'Église, il est nécessaire de démêler l'écheveau de la pensée, non seulement pour être fidèle à chacune de ces traditions de lecture, mais aussi pour assainir l'exégèse juive de relectures chrétiennes qui tendent à s'imposer dans l'accès au texte source (p. 273).

III. «Selon les Écritures»

D’inspiration biblique, le titre de la troisième partie pointe vers des réflexions d’ordre herméneutique (l’interprétation chrétienne de l’Ancien Testament, les transformations de l’exégèse paulinienne, la notion d’accomplissement) et des témoignages illustrant les transformations des pratiques pastorales chrétiennes résultant de la rencontre avec des communautés juives.

Le chapitre 9 veut examiner «les questions nouvelles posées à toute exégèse de l’AT qui qui veut tenir compte des liens d'amitié progressivement tissés entre des chrétiens et des Juifs» (p. 277). Ce nouveau cadre, demande Luc Forestier, modifie-t-il «la place accordée aux traditions vivantes du peuple d’Israël dans les interprétations chrétiennes?» (p. 279) Dans l’Église catholique, depuis la fin du XIXe s., une plus grande attention au contexte historique et au sens littéral des textes de l’AT a posé les prémices d’une reconnaissance progressive, surtout postconciliaire, de «l’altérité des Écritures d’Israël» et de la pertinence de l’herméneutique juive. On convient aujourd’hui que les traditions juives peuvent nourrir l’interprétation chrétienne, «à la stricte condition d’en respecter l’altérité radicale» (p. 290).

Du point de vue protestant, Rodrigo de Sousa souligne particulièrement l’apport de Gerhard von Rad dont le travail en théologie de l’AT «a problématisé d'une manière nouvelle et ouverte le rapport entre la lecture chrétienne de l'AT et l'autonomie du sens de ce corpus» (p. 300). La voie ouverte par ce dernier devrait encourager à «la construction de ponts entre exégètes juifs et chrétiens de différentes confessions», conclut-il (p. 301).

Sous le titre «Paul et Israël» (chap. 10), Jean-Noël Aletti présente un aperçu des transformations récentes de l’exégèse paulinienne particulièrement en ce qui concerne «les positions de Paul sur la Loi, sur le peuple d'Israël, sur la justification, sur l'Église et (…) sur les voies de Dieu pour notre humanité (p. 303). Un examen attentif de ses lettres montre qu’il n’a jamais cessé de considérer Israël comme le peuple de Dieu. Il n’oppose ni ne compare  l’Église et Israël, mais plutôt les juifs et les nations. Son argumentation sur le rôle de la Loi juive s’est diversifiée d’une lettre à l’autre, sans conduire toutefois à son rejet.

La «théologie de l’accomplissement», qui est l’objet du chapitre 11, représente un défi colossal. Elle «doit pouvoir rendre compte de ce que le Christ a réalisé, sans que cette affirmation soit totalitaire. Elle doit pouvoir montrer que la mission d'Israël continue à se déployer dans l'histoire, tout en se gardant d'une théologie des deux voies de salut refusée par nombre de confessions chrétiennes» (p. 322). Plusieurs pistes de réflexion sont proposées. William Kriesel montre que la Bible hébraïque «exprime la notion d’accomplissement par des verbes communs et concrets, tels que ‘remplir’, ‘se lever’ et ‘compléter’, auxquels un sens plus figuré est associé» et que la Septante a repris fidèlement (p. 331).

Marie-Laure Durand note que le paradigme de l’accomplissement a trop souvent été couplé à une dévalorisation de la tradition juive, particulièrement lorsqu’elle est utilisée dans relire l’AT dans une perspective typologique exclusivement christocentrée. Si l’on reconnaît que «l’accomplissement en Jésus est une actualisation du salut de Dieu», il faut plutôt «raconter cet accomplissement en Jésus à partir du récit de Dieu dans sa relation à Israël (…) qui mène à Jésus sans épuiser cette relation» (p. 340).

C’est ce que ce permet de faire une «théologie dialogale de la Parole», telle que l’esquisse ensuite Patrice Chocholski. En s’appuyant sur les intuitions de Martin Buber et de Ferdinand Ebner, il propose de penser l’incarnation du Verbe par Jésus-Christ en terme de «relation» plutôt que de «substance» et de la situer dans le contexte plus large de la relation dialogale de Dieu à Israël, puisque «pour saisir le Verbe incarné dans toute son humanité, la christologie a besoin de contempler ses frères en judéité et le processus d'incarnation de la Torah en Israël» (p. 348).

Se situant d’un point de vue réformé, Alain Massini estime toutefois que cette tentative de modélisation d’une théologie dialogale de la Parole a du mal à convaincre, «car in fine c'est le Christ-Jésus/Messie d'Israël, Logos incarné qui reste au centre du processus dia-logal» (p. 354). Il propose plutôt de sortir de l’impasse «en prenant réellement au sérieux la judaïté de Jésus et le contexte juif de son temps», et en instaurant avec le peule juif un dialogue en vérité «qui respecte son irréductible identité et sa propre compréhension du dessein de Dieu» (p. 355).

Le dernier chapitre, «Vie en Églises» comporte trois interventions de femmes d’Église engagées, sur le terrain, dans la rencontre avec des communautés juives. Témoignant du développement d’une attitude positive envers le judaïsme, à plusieurs niveaux de la tradition chrétienne orthodoxe, Sandrine Caneri estime qu’il faudrait que cela débouche sur «une réelle transformation des imprécations et anathèmes de l’hymnographie» (p. 363 voir ci-haut la contribution de Geoffrey Ready). Élisabeth Martin rapporte deux expériences transformantes dans le diocèse catholique d’Évry-Corbeil-Essones, l’une au niveau paroissial (Découverte de nos racines juives), l’autre au niveau diocésain (intégration de rencontres avec un rabbin au parcours de formation des catéchistes et autres intervenants). Florence Tubman évoque quelques questions que soulève, chez des protestants, l’interaction avec des juifs: si certains points sont acquis (la judaïté de Jésus), plusieurs aspects de la vie juive sont perçus comme étranges (l’observance de la Loi) ou étrangers (le lien à la terre d’Israël). Revenant sur ces témoignages, Luc Forestier constate que, dans la transformation de leur rapport au judaïsme, les Églises ont à reconnaître le poids de l’histoire, à se confronter à un antijudaïsme qui perdure et à former sans cesse les chrétiens, particulièrement les personnes en responsabilité. 

Rivon Krygier, la voix juive qui fait écho à cette troisième partie, en retient surtout le recadrage de la personne et de l’action de Jésus dans l’ensemble du «dispositif révélationnel» (p. 384) et la proposition de penser l’accomplissement plutôt en termes de théologie du dialogue (p. 385).

Le Manuel se termine par une postface de Catherine Chalier qui salue «le magnifique effort de pensée» présent dans ses contributions, dont elle commente  plusieurs points majeurs. Elle s’étonne toutefois de voir, «combien le thème du ‘dessein’, du ‘plan’ ou des ‘actions’ de Dieu dans l'histoire y reste présent, presque comme une évidence, même s’il reste très difficile de discerner en quoi consiste ce fameux plan… (p. 390). Elle s’interroge sur ce que nous pouvons vraiment en savoir et estime surtout que «la radicalité du mal ne souffre à s’intégrer dans aucun plan, surtout pas divin, elle nous appelle par contre, – Juifs et chrétiens – à une responsabilité infinie face au mal» (p. 390).

On trouve ensuite des notes biographiques sur les personnes ayant contribué à l’édition ou l’écriture de l’ouvrage, une annexe bibliographique générale (qui s’ajoute aux titres mentionnés à la fin des chapitres) et un index des auteurs cités.

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Ce long résumé témoigne de l’intérêt suscité par cette publication majeure. Elle offre un portrait substantiel de l’état des recherches et des débats qui ont cours dans les milieux théologiques chrétiens suite au repositionnement des Églises envers le judaïsme et le peuple juif. Comme le souligne Christian Rutishauser, et comme le démontrent les contributions de cet ouvrage, pratiquement tous les domaines de la théologie ont dorénavant à se repenser en intégrant dans leur réflexion la prise de conscience de la relation unique entre l’Église du Christ et Israël. Cela ne va pas sans difficulté: si les enjeux apparaissent de plus en plus clairement à mesure que la réflexion avance, les pistes de solution ne sont pas toujours évidentes et les reconfigurations proposées font rarement l’unanimité.

Ce manuel offre un contenu riche et diversifié. Il est habilement structuré et a été soigneusement édité (à l’exception du texte de Ryvon Krygier dont les références sont à corriger). Au vu de tous les chantiers ouverts et des débats inachevés, il faut évidemment le considérer non pas comme une «somme théologique», mais plutôt comme un rapport d’étape (ou de laboratoire!) et une invitation à s’impliquer activement dans les discussions et les transformations en cours. Il pourra accompagner avantageusement les personnes engagées aussi bien dans la recherche théologique que dans les diverses formes que prennent aujourd’hui les dialogues entre juifs et chrétiens de différentes confessions.

Remarques de l’éditeur

Jean DUHAIME est professeur émérite d’interprétation biblique de l’Université de Montréal et rédacteur de la section francophone de Relations judéo-chrétiennes. Il est engagé dans le dialogue interreligieux depuis plusieurs années et président émérite du Dialogue judéo-chrétien de Montréal Il est membre de la Communauté chrétienne St-Albert-le-Grand de Montréal.