Le Pape François reçoit la Conférence des Rabbins Européens

Un nouveau pas a été franchi le 20 avril 2015 dans les rapports entre juifs et catholiques : une délégation de la Conférence des Rabbins européens (CER), considérée comme l’une des principales voix du judaïsme en Europe, a été reçue au Vatican pour la première fois depuis sa création en 1956.

Cette visite intervient dans le cadre du cinquantenaire de la déclaration conciliaire Nostra Aetate, sur les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes, qui sera célébré le 28 octobre prochain ; un texte qui reste une référence en matière de dialogue interreligieux, notamment judéo-chrétien. Selon le communiqué final, la liberté religieuse a été au cœur des entretiens, ainsi que l’avenir des religions en Europe.

Après les récentes attaques contre les communautés juives de Bruxelles, Paris et Copenhague, le Saint-Père a exprimé sa préoccupation face aux tendances antisémites et aux actes de haine et de violence constatés actuellement en Europe. "Les chrétiens, a-t-il martelé, ne peuvent que déplorer fermement toutes les formes d’antisémitisme et manifester leur solidarité avec peuple juif". Le Pape François a par ailleurs évoqué le 70° anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz où s’est consumée la grande tragédie de la Shoah. "La mémoire de ce qui qui s’est passé au cœur de l’Europe, a-t-il dit, doit servir d’avertissement pour les générations présentes et futures". Mais le Souverain Pontife a tenu aussi à souligner que toutes les manifestations de haine et de violence contre les chrétiens et contre des fidèles d’autres religions devaient être également condamnées toujours et partout.

Le grand rabbin de Moscou Pinchas Goldsmith, président de la CER, a pour sa part, chaleureusement remercié le Saint-Siège et les catholiques d’Europe pour leur engagement en faveur de la liberté religieuse et de la lutte contre l’islamisme radical qui menace le monde entier.

La menace de l'athéisme

Dans son discours, le Souverain Pontife n’a pas manqué de se féliciter des progrès accomplis en l’espace d’un demi-siècle et de l’amitié qui n’a cessé de grandir entre l’Église catholique et les Communautés juives. Il a par ailleurs insisté sur l’urgence aujourd’hui en Europe, de mettre en valeur la dimension spirituelle et religieuse de la vie humaine dans une société sécularisée et menacée par l’athéisme. L’homme est souvent tenté de se mettre à la place de Dieu, de se considérer comme le seul critère, de croire qu’il peut contrôler toute chose, de se sentir autorisé à utiliser à sa convenance toute ce qui l’entoure. Il est important au contraire de se souvenir que la vie est un don de Dieu. Juifs et chrétiens en sont eux aussi responsables.

Le Pape François a saisi l’occasion de cette visite pour évoquer le décès de l’ancien Grand Rabbin de Rome, Elio Toaff, survenu dimanche soir et pour présenter ses condoléances au Grand Rabbin Riccardo di Segni et à toute la communauté juive de Rome. Le Saint-Père a rendu hommage à cette homme de paix et de dialogue qui a accueilli Jean-Paul II lors de sa visite historique à la Synagogue de Rome.

Une nouvelle relation de travail sur la défense des valeurs communes

Le grand rabbin Goldsmith était accompagné du directeur exécutif de la CER, Moché Lewin, rabbin au Raincy près de Paris, et d’une trentaine de personnes. La CER compte 600 rabbins dans une quarantaine de pays parmi lesquels le grand rabbin de France Haïm Korsia qui avait déjà exprimé le désir de rencontrer le Pape François peu après son élection en juin 2014. Avec un demi-million de membres, la communauté juive de France est la première en Europe, la troisième dans le monde après Israël et les États-Unis d’Amérique.

Évoquant la position délicate de la Russie, le Grand rabbin de Moscou a demandé au Pape François de contribuer à construire des ponts entre l’Est et l’Ouest de l’Europe pour un continent apaisé. De son côté, le rabbin Lewin a estimé que cette visite marquait une évolution importante des rapports entre le Vatican et la communauté juive et qu’elle permettra aussi de mesurer le chemin parcouru depuis Nostra Aetate. Les deux parties espèrent que cette rencontre soit le début d’une nouvelle relation de travail entre les deux communautés pour la défense de leurs valeurs partagées et le renforcement du dialogue interreligieux, 50 ans après Nostra Aetate.