Le combat de Jacques Maritain contre l’antisémitisme
Yves Chevalier
C’est, bien sûr, du sens du “combat de Jacques Maritain contre l’antisémitisme” que je me propose de parler1 Remarquons, en introduction, que si Maritain a toujours refusé de s’engager dans l’action politique au sens propre, il a largement utilisé la “parole” — écrite ou orale — pour exprimer ce qu’il considérait, au niveau de la constitution de la société ou à celui des rapports entre les hommes, comme les conséquences nécessaires des principes à la fois du droit naturel et de la raison ; et il a, pendant près de cinquante ans, mené un combat qui ne fut pas sans courage.
Sur la question de l’antisémitisme, j’essaierai de le montrer en trois temps : d’abord, à travers les textes de Maritain lui-même, pour dégager le message qu’il a entendu faire passer, la conception qu’il se faisait de l’antisémitisme et des solutions qu’il convenait de mettre en œuvre pour le contrecarrer ; ensuite, je citerai un certain nombre d’“actions” qu’il a lui-même entreprises, essentiellement lorsqu’il était à Rome, Ambassadeur de France près le Saint-Siège, ce qui lui donnait la possibilité d’intervenir (pas toujours avec succès cependant) au plus haut niveau, autant à titre d’Ambassadeur que de Philosophe catholique. Dans une troisième partie, je voudrais m’interroger sur les “raisons”, au sens de “motivations”, qui ont amené Maritain à prendre, dans l’arène politique souvent peu tendre, les positions qu’il a prises et a tenues contre vents et marées pendant un demi-siècle2 .
Les textes
Contrairement à ce qu’a pu écrire récemment un auteur français dans un ouvrage sur l’antisémitisme catholique au XIXème et au XXème siècles3. — où il place le texte de Maritain de 1921 à côté des textes de Mgr Jouin et de Marcel de Corte, et après les auteurs qui, se disant catholiques, ont, tout au long du XIXème et dans la première moitié du XXème siècle, ressassé une “judéophobie” haineuse qui a empoisonné la conscience chrétienne —, contrairement donc à ce que suggère cet auteur, il faut affirmer avec force que, même maurrassien, Maritain n’a jamais été antisémite.
Dans le fameux texte de sa communication devant les participants à la première “Semaine des écrivains catholiques”4 il prend soin d’insister, à plusieurs reprises, sur le fait que, même si des mesures sont à prendre contre les agissements de certains groupes indésirables, sociétés secrètes ou membres de la finance cosmopolite, la tâche de l’écrivain catholique est alors « d’éclairer l’opinion publique et de lui apprendre à raisonner de ces choses sans haine, en gardant la discipline qu’il convient » (p. 63). Et d’ajouter « les passions populaires et les pogroms n’ont jamais résolu aucune question, bien au contraire » (id.). Ce qu’il souhaite faire comprendre à ses auditeurs, c’est qu’« il ne faudrait pas que la question juive serve de dérivatif au mécontentement et aux déceptions de l’heure présente, de telle manière que “le Juif” apparaisse dans une sorte de mythologie simpliste comme l’unique cause des maux dont nous souffrons… (p. 64). Plus loin, réfléchissant à ce qu’il appelle «l’aspect spirituel ou théologique » de la question juive, il revient sur le même thème : « Plus la question juive devient politiquement aiguë, plus il est nécessaire que la manière dont nous traitons de cette question soit proportionnée au drame divin qu’elle évoque ; il est incompréhensible que des écrivains catholiques parlent sur le même ton que Voltaire de la race juive et de l’Ancien Testament, d’Abraham et de Moïse (p. 65).
Il est vrai que figurent, dans cette conférence, des développements qui sont difficilement recevables par des Juifs ; mais ces développements ne sont pas là par antisémitisme, ni même par anti-judaïsme, car Maritain ne les accompagne jamais d’un regard méprisant sur la religion juive. Dans la seconde partie de sa conférence, il fait référence à plusieurs faits, dont deux sont spécialement soulignés : il se réjouit, d’une part, du « nombre relativement grand, et en tout cas vraiment impressionnant, des Juifs qui, depuis quelque temps, se convertissent au catholicisme » et souligne, d’autre part, « l’extraordinaire élan de prière pour Israël qui se produit dans l’Église […] (pp. 65-66). On sait que les Maritain, qui ont eux-mêmes fait l’expérience de la conversion, ont été, dans l’entre-deux guerres, des zélés propagandistes de la foi catholique et ont suscité ou aidé à la conversion d’un certain nombre de personnalités, pas toutes juives d’ailleurs. Cela est une conséquence directe de la conviction qu’ils avaient de la valeur et de la richesse de la grâce obtenue par le baptême, mais aussi de la nature étroite des liens entre Judaïsme et Christianisme ; pour eux, la conversion d’un Juif au Christianisme ne signifiait pas un rejet du Judaïsme mais son développement. On connaît le témoignage de Raïssa Maritain à propos de sa propre conversion : « Là où j’aurais craint de trouver lutte et opposition, je ne vis à ma grande joie qu’unité, continuité, harmonie parfaite.» 5
On peut dire qu’il y a, dès le début, chez Jacques Maritain, un refus déterminé de considérer l’antisémitisme comme une solution acceptable aux problèmes du temps. Pour des raisons spirituelles, bien sûr, et nous allons le voir — qui ont trait à la place d’Israël dans l’économie du salut — ; mais aussi pour des raisons plus terre à terre, relevant de la cité des hommes.
Dans les textes de 1937 et de 1938 — d’une part, sa contribution au livre collectif, très inégal, édité par Daniel-Rops 6 comme, d’autre part, un an plus tard, sa conférence au Théâtre des Ambassadeurs —, Jacques Maritain propose la même analyse de fond, présentée de manière différente, de ce qu’est l’antisémitisme à une époque où, certes, le problème est aigu, mais où peu sont aussi lucides que lui. Esther Starobinski-Safran note qu’« il y a lieu d’apprécier ici l’objectivité et l’indépendance de jugement de l’auteur, auquel se joint un grand amour pour le peuple juif. La perspective qu’il choisit n’est ni psychologique ni sociologique, mais avant tout philosophique et religieuse. Il ne s’attache pas à l’aspect empirique des événements, mais plutôt à leur signification secrète et cachée. » Et elle ajoute : « Il convient d’observer, à ce propos, la tension entre la rationalité du philosophe et la perception d’un mystère. » 7
Pour les lecteurs du texte de 1937, Maritain cherche d’abord à définir l’objet sur lequel focalise l’antisémite : “les Juifs”. Ceux-ci ne peuvent constituer une race au sens biologique du terme (puisque « dans l’état actuel de l’humanité » (p. 27) les races biologiques n’existent pas) ; ils ne peuvent constituer ni une nation ni un peuple, au sens habituel de ces termes, puisqu’ils ne sont pas rassemblés sur un territoire, « menant ensemble une vie politique ou aspirant à une vie politique Maritain propose de les considérer comme une race “éthico-historique” au sens où « e mot “race” se caractérise avant tout par une communauté de structures mentales et morales, d’expérience ancestrale, de souvenirs et de désirs,où la charge héréditaire, la qualité du sang, le type somatique jouent un rôle plus ou moins important, mais seulement le rôle de base matérielle (id.). Ainsi, si on entend par “peuple” « une communauté historique caractérisée non pas, comme la nation, par le fait (ou le désir) de mener une vie politique, mais par le fait d’être nourris d’une même tradition spirituelle et morale et de répondre à une même vocation, [les Juifs] sont un peuple, et le peuple par excellence, le peuple de Dieu. […] Ils sont une “maison”, la maison d’Israël […] » (pp. 28-29).
Dans cette perspective, la tension qui résulte de l’existence d’un tel peuple “pas comme les autres” conduit au conflit. Mais pour Maritain, il y a deux manières d’aborder ce conflit : celle de l’antisémite qui est d’« entrer par la violence et la haine, ouverte ou masquée, prudente ou enragée, dans une guerre charnelle dirigée à l’extermination, à l’éviction ou à l’asservissement des Juifs » et celle, chrétienne, qui « consiste à entrer […] dans une lutte spirituelle dirigée à l’accomplissement de l’œuvre de délivrance du genre humain, lutte de l’Église […] pour le salut du monde et la réintégration d’Israël » (p. 30).
l précisera, lors de la réédition de 1965, ce qu’il entend par “antisémitisme” en citant la préface donnée en 1941 à la traduction américaine de ce texte : « L’antisémitisme est la peur, le mépris et la haine du peuple juif, et la volonté de le soumettre à des mesures de discrimination. Il y a bien des formes et des degrés d’antisémitisme. Sans parler des formes monstrueuses que nous avons à présent sous les yeux, il peut prendre la forme d’un certain orgueil et préjugé hautain, nationaliste ou aristocratique ; ou de simple désir de se débarrasser de concurrents gênants ; ou d’un tic de vanité mondaine ; voire d’une innocente manie. Aucune n’est innocente en réalité. En chacune un germe est caché, plus ou moins inerte ou actif, de cette maladie spirituelle qui aujourd’hui éclate à travers le monde en une phobie fabulatrice et homicide […] » (pp. 23-24).
À partir de cette double approche de l’attitude possible face aux Juifs, il y a, chez Maritain, un double registre d’analyse : d’une part une analyse et un jugement portés sur l’antisémitisme tel qu’il s’exprime au moment où il parle ; et d’autre part une mise en perspective et une interprétation spirituelle fondée sur la méditation incessante — il y reviendra jusqu’à ses derniers instants — des chapitres IX à XI de l’Epître aux Romains et de ce qu’il appelle, après saint Paul, le Mystère d’Israël. Ces deux registres, loin de s’opposer, se complètent : les formes économiques, politiques, culturelles de l’antisémitisme, dont Maritain dit qu’elles ne peuvent tenir devant un examen dépassionné, sont précisément un signe de l’incompréhension du monde devant ce qui, pour lui, est la mission des Juifs : « Il est difficile de n’être pas frappé de l’extraordinaire bassesse des grands thèmes de la propagande antisémite. Les hommes qui dénoncent la conspiration mondiale juive […], le meurtre rituel [...], semblent nés pour attester qu’il est impossible de haïr les Juifs en restant intelligent. […] À un esprit suffisamment attentif cette étonnante bassesse apparaît elle-même comme inquiétante, elle doit avoir un sens mystique. La sottise poussée trop loin confine au mystère […] » (pp. 30-31).
Dans la conférence de 1938 “Les Juifs parmi les Nations”8 on retrouve aussi cette analyse à deux niveaux : un niveau qu’on pourrait appeler socio-politique — qui est d’ailleurs le plus développé — et un niveau qu’il appelle lui-même “théologal” où il propose de considérer le problème de l’antisémitisme dans son essence spirituelle.
Maritain s’est manifestement documenté, on sait qu’il a mis à contribution le Père Jean de Menasce9 et Oscar de Férenzy10 ; il a longuement réfléchi sur ce qu’il appelle « les problèmes concrets » et sur les solutions que l’on peut, rationnellement, et que l’on doit envisager de leur apporter. Pour lui, « la question n’est pas de savoir si les Juifs sont sympathiques ou antipathiques […], mais s’ils ont droit à la commune justice et à la commune fraternité humaine (p. 83). S’il ne conteste pas qu’une minorité — juive ou toute autre minorité religieuse ou nationale — peut, dans certaines circonstances, poser un problème politique ou socio-économique à la société ou à l’État qui les accueille, il insiste pour dire que l’antisémitisme est la pire des solutions, parce qu’il « rend impossible toute solution des difficultés concrètes engagées là. Non seulement il en fausse par ses exagérations les données de fait, mais il en anéantit les conditions de réalisation » (p. 66). Et c’est, pour lui, le paradoxe de l’antisémitisme qui dit vouloir une chose et, d’un même mouvement, fait en sorte que cette chose ne puisse advenir.
Il distingue d’abord les situations, selon qu’il s’agit « de pays à forte minorité nationale juive » (pp. 66-72) ou du problème plus spécifique « de l’Allemagne » (pp. 72-79), pays où les Juifs, anciennement installés, sont particulièrement bien intégrés ; mais en même temps pays où « peuple allemand est engagé, lui aussi, dans un drame historique […] ». Et Maritain pose la question : « pourquoi faut-il qu’entraîné par l’une de ces mélodies magiques contre lesquelles il est sans résistance, il s’en aille aujourd’hui à la recherche de lui-même en marchant sur les Juifs et les Chrétiens — à la recherche de lui-même et de la fatalité ? (pp. 72-73). Il analyse (dans une troisième partie, pp. 90-103) la situation (datée explicitement de 1938) en Russie, en Allemagne, en Roumanie, en Pologne — pays où sévit alors, sous des formes différentes, ici anti-chrétiennes, ailleurs anti-catholiques, en Pologne nettement catholiques, véhiculé par les institutions religieuses, un antisémitisme impulsé d’en haut mais souvent en phase avec les sentiments populaires.
Cela lui permet alors de se poser et de poser à ses auditeurs, en fin de conférence, la question « Que faut-il faire ? » (pp. 103-111). Il discute l’idée — largement débattue à l’époque — que, dans les pays à forte concentration juive, l’émigration d’une partie de leur population juive « apporterait un certain soulagement à la crise économique en Europe orientale » ; mais il précise que ce ne peut être ni une émigration de masse ni une émigration forcée. Il envisage aussi — et déjà avec faveur — la solution sioniste, mais en disant qu’elle aussi est limitée par les faibles capacités d’absorption du territoire de la Palestine. Tout cela lui paraît finalement être un pis aller : soulager ne veut pas dire résoudre le problème ; ce serait, dit-il, « au mieux, un palliatif ».
S’il y a des solutions, partielles et provisoires, « des réponses particulières dont la recherche est le propre de la sagesse politique […] » (p. 87), elles ne peuvent que reposer sur le principe « que la grande masse des populations juives doit de toute nécessité rester là où elle est » (p. 107). Parce qu’il n’est pas concevable d’« expulser des millions d’hommes parce qu’il ne peut être envisagé (Maritain écrit en 1938, faut-il le rappeler ?) de les « faire mourir de faim [ou de] les massacrer tous parce qu’aussi (Maritain le croit encore) « es populations juives peuvent en appeler aux garanties constitutionnelles et aux garanties internationales qui leur ont été reconnues (pp. 107-108). Ce qu’il préconise, ce sont des solutions « de type pluraliste et personnaliste » (p. 87). C’est-à-dire d’abord un effort acharné pour répondre aux « immenses difficultés économiques de [l’]époque (p. 72) : « Nous disons que ce n’est pas en chassant les Juifs, mais en transformant les structures économiques et sociales qui sont la cause réelle de ces difficultés et de cette crise, qu’on pourra efficacement remédier à celle-ci » (p. 87). Et il ajoute : « l’antisémitisme détourne misérablement les hommes de l’effort réel qui leur est demandé. Il les détourne des causes réelles de leurs maux […] pour les précipiter contre d’autres hommes et contre une multitude innocente. (Id.). Ailleurs, Maritain parlera explicitement de “boucs émissaires” et du processus qui permet aux antisémites de projeter sur l’Autre, “le Juif” dans sa généralité, leur propre peur et leur fantasme de toute puissance. La solution “de type pluraliste et personnaliste” dont il parle, et qu’il propose de faire prévaloir en vue du règlement de la “question juive”, est conforme à la pensée politique qu’il développe notamment dans Humanisme intégral11 : la société, pour être viable, ne peut être fondée que sur la liberté, le respect de la personne, la tolérance et le pluralisme.
Déjà en 1937, dans “L’impossible antisémitisme”, il avait rappelé que « l’émancipation des Juifs, réalisée par la Révolution française, est un fait que les peuples civilisés, pour autant qu’ils veulent rester tels, doivent tenir pour acquis. […] »12 En conséquence, tout retour en arrière, tout réhabilitation d’une ségrégation de type “ghetto”, serait pour lui anachronique : « Nous pensons qu’à l’opposé de l’absurde parodie médiévaliste hitlérienne, un pluralisme fondé sur la dignité des personnes humaines, et qui, sur la base de la complète égalité des droits civiques, et du respect effectif des libertés de la personne dans la vie intellectuelle et sociale, reconnaîtrait aux diverses familles spirituelles entrant dans le convivium de la cité temporelle un statut éthico-juridique propre pour les questions dites mixtes (chevauchant sur le spirituel et le temporel), représenterait, entre autres avantages, pour les nations qui seraient capables de ce type de civilisation, la tentative de règlement organique de la question juive la mieux adaptée à notre climat historique. C’est par des accords directs avec la communauté spirituelle juive institutionnellement reconnue, que seraient résolues les questions intéressant à la fois cette communauté et le bien commun de la cité »13 Ajoutons que Maritain était parfaitement conscient qu’une telle solution “pluraliste et personnaliste” n’allait pas de soi, qu’elle posait déjà, dans le cas général, des problèmes difficiles à résoudre à cause de toutes « sortes d’enchevêtrements juridictionnels […] rançon de toute conception organique de la vie sociale » ; mais qu’elle prenait, dans le cas spécifique des Juifs, des aspects particuliers, en introduisant entre autres la nécessité de distinguer entre “famille spirituelle” et “communauté nationale”.
Mais au-delà de cette analyse en quelque sorte socio-politique de l’antisémitisme et de la réponse politique qu’il convient de lui apporter, Maritain cherche surtout, dans sa conférence de 1938, à comprendre pourquoi l’antisémitisme a pu se développer et se répandre. Et pour lui, par delà « les diverses causes particulières que l’observateur peut assigner à l’antisémitisme […] (p. 84) — et que lui-même détaille —, les “racines profondes ” de l’antisémitisme résident dans la vocation même d’Israël, de ce que « es Juifs […] seront toujours surnaturellement étrangers (id.) au monde. Cela renvoie à ce que Maritain appelle « la signification théologale de la dispersion d’Israël » (titre de la seconde partie).
Reprenant un thème déjà utilisé par Léon Bloy lorsque, dans Le Salut par les Juifs, il affirmait : « l’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre le fleuve, pour en élever le niveau », mais en l’éclairant d’une méditation sur les chapitres de l’Épître aux Romains où saint Paul traite de la destinée d’Israël après son faux-pas, Maritain définit l’Israël peuple de Dieu comme « témoin des Écritures » (p. 83) — c’est-à-dire de la Révélation —, comme « témoin du surnaturel » (p. 86) — c’est-à-dire de l’existence d’un au-delà du monde —, mais surtout comme « assigné dans l’ordre de l’histoire temporelle et de ses finalités propres, à une œuvre d’activation terrestre de la masse du monde […]. Il est là, lui qui n’est pas du monde, pour l’irriter, l’exaspérer, le mouvoir. Comme un corps étranger, comme un ferment activant introduit dans la masse, il ne laisse pas le monde en repos, il l’empêche de dormir, il lui apprend à être mécontent et inquiet tant qu’il n’a pas Dieu, il stimule le mouvement de l’histoire » (p. 84).
D’où l’essence spirituelle de l’antisémitisme c’est le titre d’une section), envers de l’espérance juive dans l’avènement d’un Messie sur terre, c’est-à-dire de l’instauration ici-bas d’un monde régi par la loi de Dieu. D’où aussi le scandale de l’antisémitisme chrétien, puisqu’il est alors incompréhension radicale de la vocation que l’Ancien Testament — sur lequel saint Paul s’appuie — assigne à Israël.
Ainsi, pour Maritain : « Au point de vue de sa caractérisation morale dans les perspectives catholiques, et lorsqu’il se répand parmi ceux qui se disent les disciples de Jésus-Christ, l’antisémitisme apparaît comme un phénomène pathologique qui révèle une altération de la conscience chrétienne quand elle devient incapable de prendre ses propres responsabilités dans l’histoire et de rester existentiellement fidèle aux hautes exigences de la vérité chrétienne. Alors, au lieu de reconnaître dans les épreuves et les épouvantes de l’histoire la visitation de Dieu, et d’entreprendre les tâches de justice et de charité requises par cela même, elle se rabat sur des fantômes de substitution concernant une race entière, auxquels certains prétextes particuliers, fondés ou non, lui servent à donner consistance ; et en donnant libre cours à des sentiments de haine qu’elle croit justifiés par la religion elle-même, elle se cherche à elle-même une espèce d’alibi » (p. 89).
Si j’ai insisté (d’une manière bien rapide et quelque peu réductrice) sur ces deux textes, complémentaires, c’est qu’on y trouve, me semble-t-il, l’essentiel de la pensée de Maritain sur l’antisémitisme — et sur les raisons de son attitude envers celui-ci. D’autres textes qui reviendront, pour les approfondir, sur ces premières formulations, les “actions”, au sens propre du terme, que les circonstances permettront à Jacques Maritain d’engager, viendront par la suite compléter ce qui a été dit là, et remarquablement mis en place. Mais l’essentiel y est déjà.
D’ailleurs, les antisémites ne s’y sont pas trompés, qui ont d’abord fait pression sur Maritain pour le faire renoncer à prendre la parole. Ralph Schor, par exemple, écrit dans L’Antisémitisme en France dans les années trente : « En février 1938, les Dominicains prièrent Jacques Maritain de ne pas prononcer une conférence faisant l’apologie d’Israël, car les antisémites, notamment Henry Coston et Roger Lambelin, avaient fait savoir qu’ils s’y opposeraient par la force »14, et ajoute : « Il était reproché au philosophe d’aborder avec des critères métaphysiques le problème juif qui relevait seulement de la politique […]. » 15
D’autres ont essayé, soit par l’injure, soit quelquefois par l’argumentation, de combattre ses positions afin de le disqualifier. La plus remarquable de ces polémiques, parce qu’on la trouve sous la plume d’un thomiste qui se présentait comme l’ami des Maritain, est celle que Marcel De Corte publie en mars 1939 dans La Revue catholique des idées et des faits de Liège (Belgique) et à laquelle Maritain répondra à son tour en juillet 1939 dans La Question d’Israël , la revue des Pères de Sion de Paris. C’est, chez De Corte, un retour à la pensée traditionnelle “chrétienne” sur les Juifs, celle-là justement que Maritain avait voulu déconstruire ; et une incompréhension totale du message de Maritain — en particulier de sa lecture purifiée de l’Épître aux Romains.
Malgré une souffrance qui affleure par exemple à plusieurs reprises dans sa correspondance avec Charles Journet, Maritain ne changera pas de cap. Lorsque dans Ransoming the Time qu’il publie en 1941 à New York, il reprend L’Impossible Antisémitisme (avec un nouveau titre : Le Mystère d’Israël) dans une traduction anglaise, il le fait précéder de quelques “remarques préliminaires” qui rappellent les circonstances de l’élaboration de ce texte et s’étonne en quelque sorte d’en trouver confirmation dans un ouvrage publié par un juif américain, Maurice Samuel, en 1940 : The Great Hatred L’antisémitisme reste pour Maritain la négation même du Message du Christ, ce qui explique que, puisque “spirituellement [le chrétien est un] sémite”, il ne peut concevoir un chrétien antisémite ; en même temps, il interprète l’antisémitisme, quelles qu’en soient les formes, comme une maladie spirituelle qui s’oppose à l’œuvre de Dieu. En s’attaquant à Israël, au peuple d’Israël en tant que tel, c’est l’éthique universaliste du Décalogue que l’on met en question ; et en exterminant les Juifs, c’est cette même éthique que l’on veut éradiquer de la surface de la terre.
Aux États-Unis pendant la guerre, il suit de très près les événements, s’informe sur ce qui se passe en France (il saisit la subtile différence qui, avant novembre 1942, existait entre les deux zones, mais il n’est pas dupe de la distinction entre Juifs français et Juifs étrangers dont se targue Vichy) ; il suit l’évolution de la persécution, connaît l’existence et la progression du processus d’extermination16 Cela lui permet de prendre position en connaissance de cause, en particulier dans des “messages” radiodiffusés, comme dans celui du 8 septembre 1942 sur “la persécution raciste en France”. D’autres occasions lui seront données pour faire connaître sa pensée : lorsqu’il reprend l’analyse des chapitres IX à XI de l’Épître aux Romains dans l’ouvrage qu’il publie en 1941, en anglais, sur La Pensée de saint Paul17 ou lorsqu’il intervient le 25 janvier 1943 à l’Ecole Libre des Hautes Etudes de New York sur “Le Droit raciste et la vraie signification du racisme”18 — où il fait preuve, encore une fois, d’une très large information19 sur ce qui se passe alors en Europe. En se plaçant sur le plan éthique, il insiste déjà sur l’une des conséquences du racisme : induire une « irrémédiable et monstrueuse corruption de l’âme humaine chez les persécuteurs » ; ce qui lui permet de souligner « l’abîme de perversion où [ces derniers] risquent de jeter la race humaine » (p. 166). Il insiste aussi, ce qui est neuf, sur la responsabilité de ceux « qui pourraient agir mais restent indifférents » (p. 180).
Une place particulière doit être faite à un texte de circonstance, assez peu commenté, mais qui a, en fait, une grande importance : il s’agit de la “Lettre” qu’il publie dans la revue Jewish Frontier en août 1944 et republie ensuite sous le titre “L’enseignement chrétien de l’histoire de la crucifixion”20 Maritain y discute de la notion de “culpabilité collective” et donc de l’accusation de “déicide”. Il en tire deux conclusions essentielles : que la “faute” qui a été commise « a été celle d’un nombre restreint de personnes […] » qui ont agi par ignorance (cf. Actes, III, 17), faute qui ne peut donc être imputée à tous les Juifs de l’époque ni aux Juifs d’aujourd’hui, même si, d’un point de vue chrétien et à cause du « mystère de la solidarité d’Israël comme peuple avec ses chefs » (p. 215), les Juifs, en tant que Peuple, avaient eu à en subir les conséquences ; mais aussi — seconde conclusion — « que ceux qui désirent “punir” les Juifs […] pour le meurtre du Golgotha, se rendent eux-mêmes coupables de blasphème et de sacrilège ; ils empiètent stupidement, dans l’intérêt de leur propre malice humaine, sur les desseins cachés de Dieu […] » (p. 216). On le voit, par nombre de ses prises de position, Maritain anticipe ce qui sera décidé au Concile de Vatican II. Mais pour en arriver là, il faudra encore deux décennies.
Une fois encore, dans le dernier ouvrage qu’il publie en 1970 : L’Église du Christ Maritain reviendra sur “L’inique sort fait aux Juifs dans la Chrétienté” (c’est le titre du chapitre22 a quelque chose de mystérieusement analogue avec la Croix. Ainsi, dans son discours radiodiffusé depuis New York du 5 janvier 1944, il déclare : « C’est la passion d’Israël que nous avons sous nos yeux » (p. 201) et ajoute, plus loin : « de nos jours, la passion d’Israël prend de plus en plus distinctement la forme de la croix » (p. 203). On retrouve des formulations semblables ou similaires dans la Lettre à Mgr Montini en date du 12 juillet 194623 et dans le Message à Seelisberg de juillet 194724 dont il sera question plus loin. On comprend que le Chrétien Maritain, confronté à des événements qui dépassent l’entendement et à une souffrance indicible, fasse le rapprochement avec ce qui est, pour lui, au cœur même de la foi chrétienne, le Mystère de la Croix salvifique ; mais en même temps, il faut bien se rendre à l’évidence que c’est plaquer sur ce qui reste et doit rester inexpliqué, une “explication” tirée d’une grille de lecture qui lui est étrangère. On l’a bien vu lorsque, s’inspirant de la formule de Maritain, le pape Jean-Paul II, lors de son premier voyage en Pologne, en 1979, a désigné la Shoah comme le « Golgotha des temps modernes » : cette interprétation a été très mal perçue par la communauté juive, qui y a vu une récupération chrétienne, une “christianisation” du martyre du Peuple juif25.
Les actions
C’est surtout après la Guerre, et en particulier lors de son séjour à Rome comme Ambassadeur de France près le Saint-Siège, que Maritain entreprendra un certain nombre de démarches directement liées à ce combat contre l’antisémitisme.
La première, chronologiquement, est l’action qu’il mène auprès de Mgr Montini alors Substitut à la Secrétairerie d’État, afin que le Pape élève la voix pour rappeler l’enseignement de l’Église sur l’antisémitisme. Le contexte particulier en est la vague d’antisémitisme qui ensanglante la Pologne au lendemain de la Guerre. Des pogroms contre les Juifs rescapés se déroulent alors dans plusieurs villes, à Cracovie, Chelm, Rzeszow. Le 4 juillet 1946, à Kielce, la violence contre les survivants atteint un sommet : 42 victimes et plus de 80 blessés, à la suite d’une accusation de “crime rituel”. Maritain, par l’intermédiaire de son ami l’Abbé Journet, mais aussi par un télégramme venu de New York, est alors saisi de cette question. Ce qui mobilise les interlocuteurs de Journet et de Maritain, c’est le refus du Primat de Pologne, le Cardinal Hlond, et de l’ensemble des évêques, sauf celui de Czestochowa, Mgr Kubina, de condamner ces pogroms, sous prétexte, semble-t-il, que les Juifs sont soupçonnés d’aider Moscou à imposer un régime rejeté par le peuple polonais ; accusation mensongère, bien évidemment, même s’il y a des Juifs dans les allées du nouveau pouvoir. Le 12 juillet 1946, Maritain écrit à Mgr Montini une longue lettre en forme de “supplique”26.
Il commence par un constat : « Voilà bien des années que je suis frappé du caractère exceptionnellement grave, et en quelque sorte surnaturel, de la haine dont Israël est l’objet de la part de l’antisémitisme […]. Pendant cette guerre six millions de Juifs ont été “liquidés”, des milliers d’enfants juifs ont été massacrés […], le nazisme a proclamé la nécessité d’exterminer les Juifs de la face de la terre (c’est le seul peuple qu’il ait voulu ainsi exterminer “comme peuple” ), une fureur inouïe d’humiliation et de cruauté s’est abattue sur le peuple d’Israël […] » (p. 31). Il rend ensuite hommage à « l’inlassable charité avec laquelle le Saint-Père s’est efforcé par tous les moyens de sauver et protéger les persécutés […] » ainsi qu’à « ’admirable dévouement de tant de prêtres, de religieux et de laïques catholiques, qui ont tout bravé pour cacher et abriter les victimes des lois iniques (pp. 31-32). Et il dit comprendre que, pendant la tourmente, « c’est […] pour des raisons d’une sagesse et d’une bonté supérieures, et afin de ne pas risquer d’exaspérer encore la persécution, de ne pas provoquer des obstacles insurmontables à l’action de sauvetage qu’Il poursuivait, que le Saint-Père s’est abstenu de parler directement des Juifs et d’appeler directement et solennellement l’attention de l’univers sur le drame d’iniquité qui se déroulait à leur sujet » (p. 32).
Mais, au lendemain de la guerre, nous ne sommes plus dans la même situation : « le nazisme a été vaincu » et ne peut donc plus appliquer une politique de représailles ; surtout, et c’est ce qui inquiète au plus haut point Maritain, « a psychose antisémite ne s’est pas évanouie, au contraire on voit partout en Amérique comme en Europe, l’antisémitisme se répandre dans bien des couches de la population, comme si les poisons issus du racisme nazi continuaient de faire leurs œuvres de destruction dans les âmes […] » Et sur le plan politique, les difficultés de la “question d’Israël” (que le nazisme n’a nullement résolues et qu’il a laissées en héritage aux nations) « risquent de favoriser [un] processus de désintégration psychologique et de déviation morale […] ». De ce contexte, Maritain tire la conclusion que « ce dont Juifs et Chrétiens ont aussi et par-dessus tout besoin, c’est qu’une voix — la voix paternelle, la Voix par excellence, celle du Vicaire de Jésus-Christ — dise au monde la vérité […] ». « Il me semble, ajoute-t-il plus loin, que le moment pour une telle déclaration souveraine de la pensée de l’Église serait particulièrement opportun. […] Je ne puis m’empêcher de penser qu’une proclamation de la vraie pensée de l’Église serait, en même temps qu’une œuvre d’illumination frappant une erreur néfaste et cruelle, une œuvre de justice et de réparation. […] Il me semble que si le Saint-Père daignait porter directement sur la tragédie dont j’ai parlé ici les lumières de Son esprit et la force de Sa parole, témoigner de Sa compassion pour le peuple d’Israël, renouveler les condamnations portées par l’Église contre l’antisémitisme, et rappeler au monde la doctrine de saint Paul et les enseignements de la foi sur le mystère d’Israël, un tel acte aurait une importance extraordinaire, et pour préserver les âmes et la conscience chrétienne d’un péril spirituel toujours menaçant, et pour toucher les cœurs de beaucoup d’Israélites […] » (pp. 32-33).
Il n’apparaît pas qu’il y ait, comme le dit Pierre Vidal-Naquet27 , une contradiction dans la pensée de Jacques Maritain : il marque bien la différence entre la période de la guerre, pendant laquelle le nazisme était au faîte de sa puissance et où les risques de représailles n’étaient pas à négliger, et la période d’après la guerre, où ce danger n’existait plus, et qu’il était donc possible de “parler”. Ce que, dit explicitement Maritain, à la fois des Juifs et des non-juifs, chrétiens ou non, demandent avec insistance au Saint-Père de faire.
On sait que cette parole-là n’est jamais venue, avec la solennité qui lui aurait donné toute sa portée et l’impact nécessaire. En fait, Pie XII fit répondre qu’il avait « déjà parlé en recevant une délégation juive» 28 ce qui est à la fois exact et inexact puisque, si Pie XII a bien reçu, à plusieurs reprises, à ce moment-là et plus tard, des délégations juives, il n’a jamais élevé la voix comme le lui suggérait Maritain, pour rappeler l’enseignement de l’Église et la condamnation de l’antisémitisme. C’est le Concile Vatican II qui, à la suite des difficultés que l’on sait, élèvera la voix, venant d’ailleurs entériner l’orientation prise par Maritain bien des années auparavant.
La seconde occasion d’intervenir lui fut donnée par une organisation internationale, l’International Council of Christians and Jews fondée à Oxford, en 1946, entre plusieurs “Conseils nationaux de Juifs et de Chrétiens” qui, certains déjà avant la guerre, s’étaient donné pour tâche de lutter contre toute manifestation de haine religieuse ou raciale. Il fut décidé de réunir, à l’été 1947, à Seelisberg en Suisse, une “Conférence” extraordinaire dont l’objet unique était d’examiner la situation de l’antisémitisme dans le monde et de réfléchir aux solutions à y apporter. Il avait été entendu que les participants à cette réunion seraient des experts, non directement mandatés par leur organisation, mais invités à titre personnel à contribuer aux travaux de la Conférence, en fonction de leur compétence. Compte tenu de ces dispositions particulières, on comprend que Maritain ait été sollicité « pour apporter [sa] contribution active à la Conférence internationale ». Dans l’impossibilité de s’y rendre, il adressa au Président de l’International Council of Christians and Jews, le Dr Everett R. Clinchy, une lettre, chargeant son ami l’Abbé Journet de la lire en séance, ce qui fut fait le soir du 31 juillet 1947» 29. On connaît l’appréciation de Jules Isaac, présent à cette conférence, telle que la rapporte l’Abbé Journet30 : « Il [Maritain] a dit, évidemment du point de vue catholique, tout ce que je propose dans un livre que je prépare » — il s’agit de Jésus et Israël, qui sera publié par Albin Michel en 1948, mais dont les 21 chapitres sont manifestement à l’origine des “18 Propositions pour le redressement de l’enseignement chrétien sur les Juifs et le Judaïsme” que Jules Isaac a présentées à la Conférence, et dont sont sortis, à travers une alchimie complexe et quelques péripéties, les “10 Points de Seelisberg” d’août 194731.
Le texte de Maritain, daté de Rome, le 28 juillet 1947, est bien connu. Il a été maintes fois réédité. Mgr Charles Molette32 considère que ce message « apparaît comme une espèce de synthèse des réflexions que Maritain a déjà eu l’occasion de livrer à divers auditoires. » J’ajouterai personnellement qu’il me semble aussi assez proche des préoccupations de Maritain telles qu’elles ressortent de sa Lettre à Mgr Montini dont il vient d’être question : l’antisémitisme est une blessure faite à l’Homme, et « la lutte contre l’antisémitisme est une obligation fondamentale pour la conscience et un devoir primordial de salubrité morale pour ce qui nous reste de civilisation ». S’adressant à une Conférence “de Chrétiens et de Juifs”, Maritain pose la question : « Les Chrétiens voudront-ils comprendre ? […]. Combien de temps dormiront-ils encore ? Combien de temps encore beaucoup d’entre eux répudieront-ils en fait l’enseignement de saint Paul […]. “Spirituellement, nous sommes des Sémites” a dit le Pape Pie XI. Avant d’être un problème de sang, de vie ou de mort physique pour les Juifs, l’antisémitisme est un problème d’esprit, de vie et de mort spirituelle pour les Chrétiens » (pp. 225-226). Et il rappelle que, loin d’avoir disparu avec le nazisme, l’antisémitisme est toujours présent, qu’il se répand à travers le monde ; que des solutions diverses ont été proposées, mais qu’elles sont limitées et non définitives, en particulier la solution sioniste que Maritain juge à la fois nécessaire et justifiée, mais dangereuse dans la mesure où elle peut servir d’argument aux antisémites pour s’attaquer à la diaspora (or le pays d’Israël n’est pas destiné, pour diverses raisons, à accueillir la totalité des Juifs du monde).
Mais, et Maritain y revient encore une fois, la solution, non pas définitive mais essentielle, passe pour lui par « un grand travail de méditation et de purification intérieure [qui] est d’abord demandé aux Chrétiens. S’ils se nourrissent de la doctrine de saint Paul, ils comprendront la signification spirituelle de l’antisémitisme, et ils comprendront du même coup la solidarité mystérieuse qui les lie à la race aînée […]. Ils ne comprendront pas seulement qu’il leur faut balayer comme des ordures, là où par malheur elles trouvent encore des crédules, les légendes calomnieuses telles que les histoires de meurtre rituel et les forgeries telles que les Protocoles de Sion, ils comprendront aussi qu’il leur faut réviser attentivement et purifier leur propre langage, où la routine pas toujours innocente, en tout cas singulièrement insoucieuse de la rigueur et de l’exactitude, a laissé passer des expressions absurdes comme celle de “race déicide”, ou une manière plus raciste que chrétienne de raconter l’histoire de la Passion […] ou des traductions de la “perfidia judaica” […] qui sont de grossiers contre-sens […] » (pp. 229-230). On sait, au témoignage de l’Abbé Journet, que ce texte, fort, a fait une réelle impression sur les congressistes. Il a été publié aussitôt après la Conférence dans la brochure qui en résumait les travaux, et Maritain fut alors nommé Président d’honneur du Conseil international.
La troisième occasion d’intervenir directement pour éradiquer, chez les Chrétiens, le poison de l’antisémitisme, se situe à la fin de son mandat d’Ambassadeur près le Saint-Siège33 et est en relation directe avec la préoccupation de “purification du langage” qu’il exprimait à la fin de sa Lettre à la Conférence de Seelisberg. La Correspondance Journet-Maritain permet de se faire une idée assez précise de la chronologie de l’affaire : sur le sujet de la traduction des expressions “perfidia ” et “pro perfidis judaeis” de la grande prière universelle du Vendredi Saint, Maritain est en contact avec le Président du Comitato ricerche deportati ebrei qui, par des lettres du 22 et du 31 mars 1948, lui a demandé d’intervenir auprès du Pape pour que soit supprimé l’adjectif “perfidus” appliqué aux Juifs34 Il en parle à Mgr Montini, probablement le 5 avril, qui lui demande une “note” ; c’est dans la longue lettre datée du 12 avril 1948, où Maritain fait part à Mgr Montini de ses préoccupations du moment à propos de la politique du Saint-Siège, que l’on trouve la réponse à cette demande : « Selon le désir exprimé par Votre Excellence, je lui envoie ci-joint une petite note bibliographique sur la question de la prière “pro perdifis judaeis” dans la liturgie du Vendredi Saint.»35 Suit, à la fin de la lettre, une bibliographie en deux parties : “sur le vrai sens du mot perfidus dans la liturgie du Vendredi Saint” et “sur l’omission de la génuflexion” où Maritain indique les principales références sur ces deux questions. Dans un post-scriptum à une lettre du 30 avril, Maritain écrit à l’Abbé Journet : « Il suffirait de reprendre les oraisons du Vendredi Saint et “d’élargir le perfidis Judaeis en deviis Judaeis et le judaicam perfidiam en judaicum errorem” »36
Rencontrant Mgr Montini le 3 juin pour lui faire ses adieux, celui-ci lui dit que « a question de la liturgie du Vendredi Saint est en bonne voie. On donnera des instructions pour la traduction. Et à la prochaine édition du Missel, on est disposé à remplacer “perfidis” par un autre mot. Le Cardinal Micara37est favorable»38 La décision est prise par la Déclaration apostolique du 10 juin 1948, et Maritain qui, sur ces entrefaites, est parti à New-York, en est informé par une lettre de Pierre Visseur, alors Secrétaire Général de ’International Council of Christians and Jews , en date du 28 septembre 194839
On sait que, dans un premier temps, le Saint-Siège a donné des instructions pour préciser la traduction de ces termes : aux mots latins "perfidis" et “perfidiala Sacrée Congrégation des Rites est d’accord pour que, dans les versions de langue vulgaire, on substitue les termes “infidélité” et “infidèles en matière de foi ”. Par la suite, par le décret Maxima Redemptoris nostrae mysteria qui décidait la réforme de toute la Semaine sainte, Pie XII rétablit, le 16 novembre 1955, à la fois la génuflexion et la prière silencieuse lors de la huitième oraison40 ; mais c’est Jean XXIII, à l’occasion du premier Vendredi Saint (25 mars 1959) qui a suivi son élection au pontificat, qui supprima les termes incriminés ; et c’est Paul VI qui, avec le nouveau Missel, promulgua en 1966 une nouvelle prière (améliorée en 1970).
Les motivations
Reste à comprendre l’origine de la position de Jacques Maritain. On a, bien sûr, insisté sur le fait qu’il avait épousé une juive, et les antisémites qui l’attaquaient à la fin des années 30 n’ont pas manqué de tirer de cette circonstance les accusations les plus perfides. Maritain en a été, bien naturellement, affecté, ce qui ne l’empêcha pourtant pas de revendiquer une certaine forme d’“être juif”. Ainsi écrit-il41 , dans la préface, datée du 1er août 1954, de son Carnet de notes : « Je voudrais être Juif par adoption, puisqu’aussi bien j’ai été introduit par le baptême dans la dignité des enfants d’Israël » ; les Cahiers Jacques Maritain ont publié une “Lettre à un juif chrétien” datée du 26 novembre 1967, où on peut lire : « je suis des vôtres, oui, — “juif par amour” (je ne dis pas seulement “spirituellement” sémite, comme est tout chrétien, mais “ethniquement” juif, lié dans ma chair et ma sensibilité aux tribus d’Israël et à leur destinée ici-bas)»42
Cet amour pour Israël vient, incontestablement, de loin. Déjà en 1898 — il a seize ans — il milite aux côtés de son ami Ernest Psichari, en faveur de Dreyfus ; et sa rencontre avec Raïssa Oumançoff est liée aux démarches qu’il fait lui-même, au cours de l’année scolaire 1900-1901, pour constituer « un comité d’étudiants pour susciter un mouvement de protestations parmi les écrivains et les universitaires français contre les mauvais traitements dont les étudiants socialistes russes étaient victimes »43 Il apparaît bien que Maritain ait eu très tôt le souci de venir en aide aux victimes d’injustices ou de mesures discriminatoires, et, dès cette époque, les Juifs lui sont apparus comme des Victimes. Il apprend à les connaître : d’abord à travers son épouse et sa famille, à travers Léon Bloy qu’ils vont voir en 1905 sur les conseils de Péguy et qui leur ouvre, avec Le Salut par les Juifs des horizons nouveaux ; mais aussi en rencontrant, un peu plus tard, de jeunes juifs engagés dans l’aventure sioniste44 — en particulier Absalon Feinberg, qui est à Paris en 1908 pour plusieurs mois et loge chez sa tante Sonia Belkind ; l’un et l’autre seront des familiers des Maritain à Meudon, et visiblement, Maritain sympathisera avec le jeune Feinberg, de sept ans son cadet : après le retour de celui-ci en Palestine en 1909, ils resteront en correspondance.
D’autres influences aussi ont certainement pu jouer : celle de Charles Péguy, celle de Henri Bergson, celle de Nicolas Berdiaev… Plus tard, à la fin des années 20 ou au début des années 30 comme le signale Pierre Vidal-Naquet45 celle de Jean de Menasce, un Juif égyptien converti et devenu dominicain, dont Maritain publie “Situation du sionisme” en 1928 et Quand Israël aime Dieu en 1931 ; par lui, entre autres, dit Pierre Vidal-Naquet, Maritain « a désormais une connaissance positive du Judaïsme comme vécu, comme pensée, comme religion » (p. 36).
Parallèlement à l’effort de pensée qu’il ne cesse d’approfondir, Maritain va s’engager dans le dialogue interreligieux. Ce n’est pas par hasard qu’André Chouraqui demandera plus tard, en 1950, à Jacques Maritain de préfacer sa traduction des Devoirs du Cœur de Bahya Ibn Paqûda : ils se sont probablement connus au milieu des années 30, dans le cadre de l’“Union civique des croyants”, alors que Chouraqui faisait ses études de Droit à Paris46 Cette “Union civique des croyants” était un organisme regroupant des croyants des trois religions israélite, protestante et catholique qui, selon les termes de la présentation qu’en fit Maritain lui-même, entendaient « affirmer leur commun devoir de travailler au bien de la Cité dans laquelle ils sont nés, en servant, dans une pleine indépendance réciproque mais dans une réelle amitié, les valeurs spirituelles représentées par leurs familles religieuses et qui font partie intégrante de l’héritage de cette Cité 47
Mais cet amour pour Israël apparaît bien, chez Maritain, comme théologiquement construit, et il faudrait être soi-même théologien — ce que je ne suis pas — pour en parler. Disons seulement qu’il me paraît reposer sur deux piliers essentiels : le texte des chapitres IX à XI de l’Épître au Romains et une vision particulière de la mission d’Israël par rapport à, et en face de, celle de l’Église.
Maritain y reviendra sans cesse : d’après saint Paul, Dieu n’a pas rejeté son peuple lui, l’olivier franc, est la racine, toujours saine, qui porte le tronc qu’est l’Église. Si les Juifs ont péché, en ne reconnaissant pas en Jésus leur Messie, et si donc ils sont ennemis par rapport à l’Évangile, ils restent chers à Dieu à cause de leurs pères. Car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. Leur faux-pas a fait la fortune des Gentils. Mais si leur mise à l’écart a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration sinon une résurrection d’entre les morts ? C’est là un mystère que Paul ne veut pas que ses frères ignorent, car si Israël s’est trouvé en partie endurci, c’est pour que a masse des Gentils puisse entrer. Et ainsi sera sauvée la totalité d’Israël. Car Dieu a enfermé les hommes dans la désobéissance, en vue de faire miséricorde à tous.
Maritain reprendra, souvent, cette thématique du “mystère” qui lui semble, dans une perspective chrétienne, désigner exactement ce qu’est Israël. « Israël nous apparaît donc comme un mystère : du même ordre que le mystère du monde et le mystère de l’Église ; au cœur, comme eux, de la Rédemption » écrit-il dans “Les Juifs parmi les nations” (p. 81). Et il poursuit : « Il y a une relation supra-humaine d’Israël au monde comme de l’Église au monde. C’est seulement en considérant ces trois termes que je puis, fût-ce énigmatiquement, me faire quelque idée du mystère d’Israël. Une sorte d’analogie renversée avec l’Église est, me semble-t-il, l’unique fil conducteur. L’Église […] n’est pas une simple administration religieuse. Selon son propre enseignement sur elle-même, elle est un corps mystérieux où des liens vivants unissent, pour une tâche divine à accomplir, les âmes entre elles et avec Dieu, elle est le Corps mystique du Christ. Eh bien ! qu’en un tout autre sens Israël soit à sa manière un corpus mysticum, un corps mystique, la pensée juive en est elle-même consciente […]. Le lien qui fait l’unité d’Israël n’est pas seulement le lien […] de la communauté éthico-historique ; c’est un lien sacré et supra-historique, mais de promesse et de nostalgie, non de possession. Aux yeux d’un Chrétien qui se souvient que les promesses de Dieu sont sans repentance, Israël continue sa mission sacrée, mais dans la nuit du monde, préférée, en quelle inoubliable occasion, à celle de Dieu. Israël, comme l’Église, est dans le monde et n’est pas du monde ; mais depuis le jour où il a trébuché, parce que ses chefs ont opté pour le monde, il est rivé au monde, prisonnier et victime de ce monde qu’il aime, et dont il n’est pas, ne sera jamais, ne peut pas être. Voilà comment, dans la perspective chrétienne, nous apercevons le mystère d’Israël » (pp. 81-82).
Cette longue page, sur laquelle vous me permettrez de terminer, me paraît la clef de la pensée de Maritain sur Israël et sur l’antisémitisme. Ce face à face d’Israël et du monde et le conflit qui y est inscrit expliquent l’antisémitisme ; mais le commun double face à face de l’Église et d’Israël au monde interdit au Chrétien d’être antisémite.
Notes
- Il y aurait aussi une autre question à envisager, concernant la position positive de Maritain à l’égard de l’État d’Israël, au moment de sa création et après — il participe par exemple à un meeting de soutien à Israël, à Toulouse, le 6 juin 1967, et accepte alors de sortir de sa retraite pour un entretien qui sera publié dans La Dépêche du Midi du 7 juin (cf. René Mougel, “Jacques Maritain et l’Église du Concile”, Cahiers Jacques Maritain, n°40 (juin 2000), p. 33 n.8). Liée certes au thème de l’antisémitisme, l’analyse qu’il fait de la question du sionisme et de l’État d’Israël en est cependant distincte, et nous n’en traiterons pas ici.
- La bibliographie comprend, en premier lieu, les textes de Jacques Maritain, qui s’échelonnent du début des années 20 jusqu’au début des années 70 (il est mort en 1973). On pourra aussi puiser dans les précieux Cahiers Jacques Maritain dirigés par René Mougel, en particulier le Cahier 23, de 1991, où l’on trouve un certain nombre d’inédits. La Correspondance Journet-Maritain (3 volumes parus, co-édition Saint-Augustin et Parole et Silence, 1996-1998) est une mine d’informations. On a enfin consulté Esther Starobinski-Safran, “Judaïsme, Peuple juif et État d’Israël”, dans Jacques Maritain face à la modernité, Colloque de Cerisy, Presses Universitaires du Mirail, 1995, pp. 219-243 ; Sylvain Guéna, “La passion d’Israël. Réflexions de Jacques Maritain sur la Shoah”, Istina, 2000 n°1, pp. 16-36 ; Michel Fourcade, “Maritain face au réveil de l’antisémitisme (1933-1939)”, Cahiers Jacques Maritain, 41 (2001), pp. 3-51 ; l’introduction de Pierre Vidal-Naquet, “Jacques Maritain et les Juifs. Réflexions sur un parcours” à L’Impossible Antisémitisme, Desclée de Brouwer, 1994, pp. 7-57 (réédition 2003) ; et un certain nombre d’articles publiés dans Sens : Marcel Dubois, “Jacques Maritain et le Mystère d’Israël”, Sens, 1976 n°5, pp. 2-20 ; Sylvain Guéna, “Maritain et les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale”, Sens, 1991 n°11, pp. 383-387 ; Charles Molette, “Jacques Maritain et la Conférence de Seelisberg”, Sens, 1997 n°9/10, pp. 357-386 ; Bruno Charmet, “Charles Journet, Jacques Maritain. Leur combat contre l’antisémitisme à la lumière du troisième tome de leur correspondance (1940-1949)”, Sens, 1999 n°10, pp. 403-420 ; Menahem Macina, “Pour une repentance chrétienne : Safran-Journet – Maritain-Pie XII”, Sens, idem, pp. 421-433 ; Bruno Charmet, “Jacques Maritain, et Pie XII : quelques précisions d’ordre documentaire”, Sens, 2000 n°2, pp. 101-106 ; Bruno Charmet, “Jacques Maritain, Pie XII, Mgr Montini : encore quelques précisions”, Sens, 2000 n°7/8, pp. 409-413.
- Paul Airiau, L’antisémitisme catholique aux XIXème et XXème siècles, Berg International, 2002, pp. 124-130.
- Le 21 mai 1921. Ce texte a d’abord été publié dans La Vie spirituelle au mois de juillet 1921 (II, n°4) et dans La Documentation catholique de juillet-août 1921. Il a été repris par Maritain, dans une version révisée et avec une note explicative, en 1926 dans le Bulletin catholique international et en juin 1935 dans La Revue dominicaine. Il ne sera pas retenu par Maritain pour Le Mystère d’Israël et autres essais (Desclée de Brouwer, 1965) ni par René Mougel pour la réédition augmentée de cet ouvrage (même éditeur, 1990). Les Œuvres complètes de Jacques et Raïssa Maritain ont donné le texte de la version de 1926 (vol. II, 1987, pp. 1196-1202). Il a été republié dans sa version initiale, celle de 1921, d’une part par les éditions Desclée de Brouwer en 1994 : L’Impossible Anisémitisme (pp. 61-68) et d’autre part [avec une erreur de lecture (p. 127)] par Paul Airiau, L’antisémitisme catholique aux XIXème et XXème siècles (pp. 125-130). [La pagination indiquée est celle du volume de 1994].
- Raïssa Maritain, “Récit de ma conversion” (rédigé en 1909), Cahiers Jacques Maritain, n°7-8 (1983), p. 77.
- Les Juifs, Plon, 1937. L’article paraît sous le titre “L’impossible antisémitisme”. Maritain reprendra cet article avec le même titre dans Questions de conscience (1938) puis sous le titre “Le Mystère d’Israël” dans l’ouvrage Le Mystère d’Israël et autres essais où il rassemble ses textes sur la Question juive (Desclée de Brouwer, 1965 — repris dans le volume de 1990). Il sera encore repris dans L’Impossible Antisémitisme (Desclée de Brouwer, 1994) avec le titre d’origine : “L’impossible antisémitisme”. [La pagination indiquée est celle des éditions de 1965 et de 1990 chez Desclée de Brouwer].
- Esther Starobinski-Safran, “Judaïsme, Peuple juif et État d’Israël”, dans Jacques Maritain face à la modernité, Colloque de Cerisy, Presses Universitaires du Mirail, 1995, p. 220.
- Conférence prononcée dans le cadre des “Conférences des Ambassadeurs” et publiée en brochure aux éditions du Cerf (1938). Reprise dans Le Philosophe dans la cité (Alsatia, 1960) et dans Le Mystère d’Israël et autres essais (Desclée de Brouwer, 1965 et 1990), puis dans Œuvres Complètes (vol. XII)
- Cf. Pierre Vidal-Naquet “Jacques Maritain et les Juifs”, L’Impossible Antisémitisme, Desclée de Brouwer, 1994, p. 37 et note 73.
- Cf. Michel Fourcade, “Maritain face au réveil de l’antisémitisme (1933-1939)”, Cahiers Jacques Maritain, 41 (2001), p. 22.
- Humanisme intégral. Problèmes temporels et spirituels d’une nouvelle chrétienté, 1936. Repris en 1968 chez Aubier-Montaigne, coll. Foi Vivante ; puis en 2000, chez le même éditeur, avec une préface de René Rémond.
- “Le Mystère d’Israël” dans Le Mystère d’Israël et autres essais, 1965, p. 58 ; repris sous le titre “L’impossible antisémitisme” (titre de l’article original) dans L’Impossible Antisémitisme, 1994, p. 96.
- “L’impossible antisémitisme”, dans L’Impossible Antisémitisme, 1994, pp. 97-98. Pour une raison qui n’est pas explicitée, Jacques Maritain avait supprimé ce dernier passage dans la réédition du texte en 1965, et il n’a pas été rétabli par René Mougel en 1990.
- L’Antisémitisme en France dans les années trente, Editions Complexe, 1992, p. 60, en se fondant sur les papiers du Centre de Documentation et de Vigilance conservés à l’Alliance Israélite Universelle.
- Idem, p. 113. Plus loin, en se référant à La Jeune République du 27 novembre 1938, Ralph Schor précise : « Jacques Maritain, qui avait rompu avec l’Action Française, prononça au Théâtre des Ambassadeurs, le 5 février 1938, une conférence : “Les Juifs parmi les Nations” dans laquelle il exposa un point de vue chrétien sur le Judaïsme. Le talent de l’orateur, sa force de conviction, la clarté de son exposé sur l’absurdité de l’antisémitisme, la mission d’Israël et la complémentarité des deux grandes religions de la Bible donnèrent à cette conférence un grand retentissement. Les ennemis des Juifs, inquiets et furieux, poussèrent des cris hostiles et réussirent à empêcher Maritain de prendre une seconde fois la parole » (p. 227).
- Cf. Sylvain Guéna, “La passion d’Israël. Réflexion de Jacques Maritain sur la Shoah”, Istina, 2000 n°1, pp. 16-36.
- Traduit en 1947 en français et publié chez Corréâ. Des extraits en sont repris dans Le Mystère d’Israël et autres essais (1965, pp. 143-155).
- Publié d’abord dans le volume collectif sur Le Droit raciste (1943), repris dans Pour la Justice (La Maison Française, New York, 1945) et dans Le Mystère d’Israël et autres essais (1965, pp. 165-190).
- Cf. Sylvain Guéna, “La passion d’Israël. Réflexion de Jacques Maritain sur la Shoah”, Istina, 2000 n°1, p. 16, note 2.
- Dans Pour la Justice (La Maison Française, New York, 1945) ; repris dans Raison et Raisons (LuF, Paris, 1947), puis dans Le Mystère d’Israël et autres essais (1965, pp. 211-219) [la pagination indiquée renvoie à cette dernière édition].
- Repris dans la nouvelle édition, complétée par René Mougel, du Mystère d’Israël (Desclée de Brouwer, 1990). Cf. pp. 255-292 [la pagination indiquée ici renvoie à cette dernière édition].
- C’est le titre qu’il donnera à son message radiodiffusé du 5 janvier 1944, publié d’abord dans Messages (La Maison Française, New York, 1945), repris dans Le Mystère d’Israël et autres essais, Desclée de Brouwer, 1965, pp.199-204. [La pagination indiquée est celle de cette dernière édition].
- Voir Cahiers Jacques Maritain, n° 23 (1991), “Regards sur Israël”, p. 31.
- Textes dans Le Mystère d’Israël et autres essais, Desclée de Brouwer, 1965, pp. 221-231 [Citation : p. 225].
- Ce qui, combiné avec l’Affaire du Carmel d’Auschwitz, ne pouvait qu’engendrer méfiance et suspicion du côté juif. Cf. Jean Dujardin, L’Église catholique et le peuple juif. Un autre regard, Calmann-Lévy, 2003 (voir Chapitre II de la Ière partie).
- Texte dans les Cahiers Jacques Maritain, n°23 (1991), pp. 31-33. Repris en annexe de la Correspondance Journet-Maritain, tome III, pp. 917-920. Voir l’article de Bruno Charmet, “Jacques Maritain et Pie XII. Quelques précisions d’ordre documentaire”, Sens, 2000 n°2, pp. 101-106. [La pagination indiquée est celle des Cahiers].
- “Jacques Maritain et les Juifs”, L’Impossible Antisémitisme, Desclée de Brouwer, 1994, pp. 53-54.
- Cf. Jean Dujardin, L’Église catholique et le peuple juif. Un autre regard, Calmann-Lévy, 2003, annexe VII (pp. 405-406)
- Le texte de cette “Lettre” a souvent été publié, et Maritain l’a repris dans Le Mystère d’Israël et autres essais, Desclée de Brouwer, 1965 (et 1990), pp. 221-231 [C’est à cette édition que renvoie la pagination indiquée].
- Lettre du 2 août 1947. Cf. Correspondance, tome III, p. 576.
- La revue Sens de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, et pour cause, est souvent revenue sur cette question de l’élaboration des “10 Points” et plus généralement sur la Conférence de Seelisberg. Voir, par exemple, les nos 7/8 et 9/10 de 1977, n°1 de 1987, nos 7/8 et 9/10 de 1997, n°10 de 1998, n°10 de 1999. Voir aussi le témoignage inédit de J. Isaac sur la Conférence de Seelisberg, publié dans Sens, 2004 n°7, pp.357-362.
- Dans une communication à un Colloque de mai 1993 sur “L’Affaire Dreyfus et la construction de l’Antisémitisme politique en Europe”, publiée dans Nova et Vetera, juillet-septembre 1994, pp. 196-223 ; reprise dans Sens, 1997 n°9/10, pp. 357-386.
- Maritain est Ambassadeur près le Saint-Siège de 1945 à 1948.
- Correspondance Journet-Maritain, tome III, p. 627, note 3. Maritain lui répondit qu’« il est toujours difficile d’obtenir un changement dans un texte liturgique en usage depuis des siècles » et que « c’est moins par une mesure d’autorité que par un travail des Catholiques éclairant l’opinion de leurs coreligionnaires qu’un résultat pourra être obtenu… »
- Cette lettre est publiée en annexe de la Correspondance Journet-Maritain, tome III, pp. 922-931.
- Correspondance Journet-Maritain, tome III, p. 627.
- Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites.
- Carnet de Jacques Maritain, à la date du 3 juin 1948 ; cité dans Correspondance Journet-Maritain, tome III, p. 628, note 3.
- Voir Sens, 1999 n°10, p.416 [fac-similé de la lettre de Pierre Visseur].
- Jules Isaac, reçu en audience privée à Castel Gandolfo, le 16 octobre 1949, avait eu l’occasion de dire au Pape que « l’omission de l’agenouillement était peut-être plus grave encore que la traduction erronée du mot “perfidis” » Cf. Bulletin Amitié Judéo-Chrétienne, n°3-4, Décembre 1949, p. 7.
- D’après Pierre Vidal-Naquet “Jacques Maritain et les Juifs”, L’Impossible Antisémitisme, Desclée de Brouwer, 1994, p. 55.
- Cahiers Jacques Maritain, n°23 (1991), “Regards sur Israël”, pp. 41-42.
- Raïssa Maritain, Les Grandes Amitiés, Desclée de Brouwer, 1949, p. 54.
- Cf. Renée Neher-Bernheim, dans une communication au Colloque sur Les Juifs de France, le sionisme et l’État d’Israël (Beersheba, 1987) : “Influence de deux personnalités d’Eretz-Israel : Aaron Aaronsohn et Avshalon Feinberg, sur les penseurs et savants français (1900-1920)”, publiée dans les Actes (Publications des Langues’O, 1989, vol. 1, pp. 93-115) reprise dans les Cahiers Jacques Maritain, n°23 (1991), pp. 2-18. Madame Renée Neher-Bernheim prépare un livre sur cette question.
- Cf. Pierre Vidal-Naquet, “Jacques Maritain et les Juifs”, L’Impossible Antisémitisme, Desclée de Brouwer, 1994, pp. 36-37.
- Cf. Françoise Jacquin, Jules Monchanin, prêtre (1895-1957), Cerf, 1996, pp. 133-134.
- Yves Chevalier est sociologue, professeur à l"Université Publiée dans La Cité française, 1935 n°2 ; Œuvres complètes, vol. VI, p. 1005, citée dans la Correspondance Journet-Maritain, tome II, p. 514, note 3.