Entre Jérusalem et Rome - כלל ופרט בין ירושלים לרומי

Le partage de l’universel et le respect du particulier. Réflexions sur le cinquantième anniversaire de Nostra Ætate.

 

Le Grand Rabbin René Gutman de Strasbourg, membre du Conseil permanent de la Conférence des Rabbins Européens et son représentant auprès du Conseil de l’Europe, a fait parvenir à l’Amitié judéo-chrétienne de France la déclaration « Entre Jérusalem et Rome », une importante réflexion juive orthodoxe contemporaine sur les relations entre le judaïsme et le christianisme. Le texte, daté du 1er du premier mois d’Adar 5776 [10 février 2016], a été adopté en mars 2016 par la Conférence des Rabbins Européens et par le Comité exécutif du Conseil des Rabbins Américains.

 

Préambule

Dans le récit biblique de la création, Dieu façonne un seul être humain comme géniteur de toute l’humanité. Ainsi, l’irrécusable message de la Bible est que tous les hommes appartiennent à une seule famille. Après le déluge et Noé, ce message se renforce avec la nouvelle étape de l’histoire, à nouveau inaugurée par une seule famille. Au commencement, la providence de Dieu s’exerce sur une humanité universelle, indifférenciée.

Lorsque Dieu choisit Abraham, puis Isaac et Jacob, Il leur confie une double mission : fonder le peuple d’Israël appelé à recevoir en héritage, à former et à organiser une société modèle en terre promise, la terre sainte d’Israël, tout en étant source de lumière pour l’ensemble du genre humain.

Depuis, en particulier au lendemain de la destruction du Second Temple de Jérusalem par les Romains en l’an 70 de notre ère, nous Juifs avons connu persécution, puis exil, puis encore persécution. Et pourtant la Majesté d’Israël ne ment pas[1] et son alliance éternelle avec le peuple d’Israël n’a pas cessé de se manifester : malgré les pires adversités, notre peuple a subsisté[2]. Après l’heure la plus sombre depuis la destruction de notre saint Temple de Jérusalem, lorsque six millions de nos frères ont été haineusement assassinés, tandis que les braises de leurs ossements s’éteignaient dans l’ombre des crématoires nazis, l’alliance éternelle de Dieu s’est une fois de plus manifestée : rassemblant ses forces, ce qui restait d’Israël a opéré un réveil miraculeux de la conscience juive. Des communautés se sont reconstituées dans la Diaspora et bien des Juifs ont répondu à l’appel retentissant au retour en terre d’Israël où a été édifié un État juif souverain.

La double obligation du peuple juif — être lumière pour les nations[3] et assurer son propre avenir en dépit de la haine et de la violence du monde — s’est révélée infiniment difficile à remplir. Malgré d’innombrables obstacles, la nation juive a transmis nombre de bénédictions à l’humanité, aussi bien dans le domaine des sciences, de la culture, de la philosophie, de la littérature, de la technologie et du commerce qu’en matière de foi, de spiritualité, d’éthique et de morale. Il s’agit, là encore, de retombées de l’éternelle alliance de Dieu avec le peuple juif.

La Shoah constitue indiscutablement le nadir historique des relations entre nous autres Juifs et nos voisins non juifs d’Europe. Du continent nourri par le Christianisme pendant plus d’un millénaire a surgi un cruel et funeste rejeton qui a massacré six millions de nos frères, dont un million et demi d’enfants, avec une précision industrielle. Nombre de ceux qui ont participé à ce crime des plus odieux en exterminant des familles et des communautés entières avaient été élevés dans des familles et des communautés chrétiennes[4].

En même temps, tout au long de ce millénaire, même en des périodes très sombres, on a vu se lever, parmi les fidèles comme parmi les dirigeants, des personnes héroïques, fils et filles de l’Église catholique, qui ont lutté contre la persécution des Juifs en leur portant assistance aux heures les plus noires[5].

Après la seconde guerre mondiale, une nouvelle ère de coexistence pacifique et de reconnaissance a commencé à émerger dans les pays d’Europe occidentale et de nombreuses confessions chrétiennes se sont mises à construire des ponts et à pratiquer la tolérance. Les communautés religieuses ont revisité leur rejet historique de l’autre, lançant ainsi des décennies de fructueuse interaction et coopération. De plus, si nous, Juifs, avions obtenu notre émancipation politique depuis un siècle ou deux, nous n’étions cependant pas encore pleinement acceptés en tant que membres à part entière des nations au sein desquelles nous vivions. À la suite de la Shoah, on a enfin estimé évidente et naturelle l’émancipation des Juifs dans la Diaspora et le droit pour le peuple juif de vivre en nation souveraine sur sa terre.

Au cours des sept décennies qui ont suivi, les communautés juives et leurs chefs spirituels ont peu à peu reconsidéré les relations du Judaïsme avec les fidèles et les dirigeants des autres communautés religieuses.

Un tournant – Nostra Ætate

Voici cinquante ans, vingt ans après la Shoah, l’Église catholique a, avec sa Déclaration Nostra Ætate (paragraphe 4)[6], engagé un processus d’introspection  qui a progressivement conduit à expurger de la doctrine de l’Église toute hostilité envers les Juifs et à faire ainsi grandir la confiance entre nos communautés religieuses respectives.

À cet égard, le pape Jean XXIII a été à l’origine d’une transformation dans les relations entre Juifs et Catholiques autant que dans l’histoire même de l’Église. Il a joué un rôle courageux en sauvant des Juifs pendant l’Holocauste et c’est en reconnaissant la nécessité de revenir sur « l’enseignement du mépris » qu’il a contribué à vaincre la résistance au changement et en fin de compte facilité l’adoption du paragraphe 4 de Nostra Ætate.

Dans son assertion la plus cruciale, la plus concrète et, pour l’Église, la plus spectaculaire[7], Nostra Ætate reconnait qu’on ne saurait attribuer la moindre responsabilité de la Crucifixion aux Juifs qui n’y ont été ni directement ni personnellement mêlés[8]. Les réflexions et explications du pape Benoît XVI à ce sujet sont particulièrement remarquables[9].

En outre, se fondant sur les Écritures chrétiennes, Nostra Ætate affirme que l’élection d’Israël par Dieu, qu’il appelle « le don de Dieu », ne saurait être révoquée : « Dieu […] ne se repent ni des dons qu’il fait ni des appels qu’il envoie ». Le texte stipule que « les Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits ». Plus tard, en 2013, le pape François a développé ce thème dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium : « Dieu continue à œuvrer dans le peuple de la première Alliance et fait naître des trésors de sagesse qui jaillissent de sa rencontre avec la Parole divine[10]. »

Nostra Ætate a également frayé la voie à l’établissement par le Vatican de relations diplomatiques plénières avec l’État d’Israël en 1993. En établissant ces relations, l’Église catholique a montré qu’elle rejetait vraiment l’image faisant apparaître le peuple juif comme un peuple condamné à errer jusqu’à la parousie. Cette étape historique a facilité, en 2000, le pèlerinage en Israël du pape Jean-Paul II, lequel a aussi marqué avec éclat l’avènement d’une nouvelle ère dans les relations entre Juifs et Catholiques. Depuis, les deux autres papes ont également effectué de semblables visites d’État.

Avec vigueur, Nostra Ætate « déplore les haines, les persécutions, et les manifestations d’antisémitisme qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs » et en fait un devoir religieux. C’est la raison pour laquelle le pape Jean-Paul II a affirmé à maintes reprises que l’antisémitisme était « un péché contre Dieu et contre l’humanité ». Devant le mur occidental de Jérusalem, il a prononcé cette prière : « Dieu de nos pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples : nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’Alliance. »

Le pape François a récemment dénoncé une nouvelle forme d’antisémitisme, envahissante et même à la mode, en confiant à une délégation du Congrès juif mondial : « Attaquer les Juifs est de l’antisémitisme, mais s’en prendre directement à l’État d’Israël est aussi de l’antisémitisme. Il peut y avoir des désaccords politiques entre les gouvernements ou en matière politique, mais l’État d’Israël a parfaitement droit à l’existence, dans la sécurité et la prospérité[11]. »

Enfin, Nostra Ætate exhorte à encourager « la connaissance et l’estime mutuelles » et à engager « des dialogues fraternels ». En 1974, le pape Paul VI a réagi à cette exhortation en créant la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le Judaïsme ; en réponse à cet appel, la communauté juive a régulièrement rencontré des représentants de l’Église.

Nous applaudissons à l’œuvre des papes, des responsables ecclésiaux et des chercheurs qui ont participé avec passion à ces évolutions, notamment des partisans résolus du dialogue judéo-catholique dont le travail collectif, à la fin de la seconde guerre mondiale, a enclenché une dynamique qui a conduit à Nostra Ætate. Les principaux jalons ont été le Concile Vatican II, la création de la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le judaïsme, la reconnaissance du Judaïsme comme religion vivante fondée sur une alliance éternelle, la prise en compte de la Shoah et de ses antécédents et l’établissement de relations diplomatiques avec l’État d’Israël. Les articles théologiques des chefs de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme constituent une bonne partie des documents d’Église qui ont suivi Nostra Ætate, ainsi que les écrits de nombreux autres théologiens.

Dans sa récente réflexion sur Nostra Ætate, « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables », la Commission pontificale souscrit sans ambiguïté à l’idée que les Juifs prennent part au salut de Dieu, en qualifiant cette idée de « mystère divin insondable »[12]. Elle proclame aussi que « l’Église catholique ne conduit et ne promeut aucune action missionnaire institutionnelle spécifique en direction des Juifs »[13]. Certes, l’Église catholique n’a pas renoncé à rendre témoignage devant les Juifs, mais elle a fait preuve de compréhension et de tact envers les sensibilités juives les plus profondes et pris ses distances avec un prosélytisme actif auprès des Juifs.

Une illustration frappante de la transformation de l’attitude de l’Église à l’égard de la communauté juive est la récente visite du pape François à une synagogue, qui fait de lui le troisième pape à accomplir ce geste hautement significatif. Nous nous faisons l’écho de ses propos : « D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères. J’espère que la proximité, la compréhension et le respect mutuel entre nos deux communautés vont continuer à grandir[14]. »

Ces prises de position et actes bienveillants forment un contraste saisissant avec les siècles d’enseignement du mépris et d’hostilité omniprésente et ouvrent un chapitre des plus encourageants dans le processus épique de transformation sociétale.

Évaluation et réévaluation

Au début, un bon nombre de dirigeants juifs[15] doutaient de la sincérité des gestes d’ouverture de l’Église envers la communauté juive, en raison de la longue histoire de l’antijudaïsme chrétien. Avec le temps, on s’est clairement aperçu que les transformations de l’attitude et des enseignements de l’Église sont non seulement sincères mais de plus en plus profondes et que nous entrons dans une ère de tolérance grandissante, de respect mutuel et de solidarité entre les membres de nos confessions respectives.

Le Judaïsme orthodoxe — par le biais de l’Union orthodoxe américaine et du Conseil des Rabbins d’Amérique — faisait déjà partie du Comité juif international pour les consultations interreligieuses (IJCIC) institué à la fin des années 1960 pour représenter officiellement le monde juif dans ses relations avec le Vatican. La création d’une Commission bilatérale du Grand Rabbinat d’Israël et du Saint-Siège, entrée en fonction en 2002 sous la présidence du Grand Rabbin de Haïfa, le rabbin She’ar Yashuv Cohen, a tourné une nouvelle page dans les relations du Judaïsme orthodoxe avec l’Église catholique. Les déclarations publiques des treize réunions de cette commission bilatérale (tenues une fois par an alternativement à Rome et à Jérusalem) évitent soigneusement les questions liées aux principes doctrinaux fondamentaux et abordent plutôt un large spectre de défis scientifiques et sociaux contemporains, en soulignant les valeurs communes tout en respectant les divergences de vue des deux traditions religieuses[16].

Catholiques et Juifs reconnaissons les uns comme les autres que notre fraternité ne saurait faire disparaître d’un coup de balai nos différences doctrinales ; elle renforce cependant une authentique bienveillance mutuelle envers les valeurs essentielles que nous partageons et qui, si elles ne s’y limitent pas, englobent la vénération de la Bible hébraïque[17].

Les divergences théologiques entre le Judaïsme et le Christianisme sont profondes. Les articles fondamentaux de la foi chrétienne axés sur la personne de Jésus considéré comme le Messie et l’incarnation de la deuxième personne d’une Trinité divine créent une séparation irréductible avec le Judaïsme. L’histoire du martyre juif dans l’Europe chrétienne offre un témoignage tragique de la ferveur et de la ténacité avec lesquelles les Juifs ont résisté à des croyances incompatibles avec leur foi immémoriale et éternelle qui requiert une fidélité absolue à la Torah, qu’elle soit écrite ou orale. En dépit de ces profondes différences, certaines des plus hautes autorités du Judaïsme ont affirmé que les Chrétiens gardaient un statut particulier parce qu’ils adorent le Créateur du ciel et de la terre qui a libéré le peuple d’Israël de l’esclavage d’Égypte et exerce sa providence sur toute la création[18].

Les divergences doctrinales sont primordiales et ne peuvent être ni discutées, ni négociées ; leur sens et leur importance relèvent des délibérations internes des différentes communautés religieuses. Le Judaïsme, dont les traits spécifiques découlent de la Tradition qu’il a reçue et qui remonte aux jours de ses glorieux prophètes et en particulier à la Révélation du Sinaï, demeurera pour toujours fidèle à ses principes, à ses lois et à ses éternels enseignements. De plus, nos discussions interreligieuses s’inspirent des profondes intuitions de grands penseurs juifs tels que le rabbin Joseph Ber Soloveitchik[19], le rabbin Lord Emmanuel Jakobovits[20] et bien d’autres qui ont éloquemment soutenu que l’expérience religieuse est d’ordre privé et ne peut souvent être vraiment comprise que dans le cadre de sa propre communauté de foi.

Les divergences doctrinales et notre inaptitude à comprendre véritablement le sens et les mystères de nos credos respectifs n’empêchent pas et ne sauraient empêcher une sereine collaboration en vue de l’amélioration du monde que nous partageons et de la vie des enfants de Noé. À cette fin, il est essentiel que nos communautés religieuses continuent à se rencontrer, à mieux se connaître et à établir des relations de confiance.

Le chemin à parcourir

En dépit de nos divergences théologiques irréconciliables, nous, Juifs, considérons les Catholiques comme nos partenaires, des alliés proches, des amis et des frères dans notre recherche commune d’un monde meilleur jouissant de la paix, de la justice sociale et de la sécurité[21].

De par notre vocation à être lumière pour les nations, nous nous sentons appelés à favoriser l’aspiration de l’humanité à la sainteté, à la moralité et à la piété. Au fur et à mesure que le monde occidental se sécularise, il abandonne nombre de valeurs morales communes aux Juifs et aux Chrétiens. La liberté religieuse se trouve ainsi de plus en plus menacée, aussi bien par les forces du sécularisme que par celles de l’extrémisme religieux. C’est pourquoi nous cherchons à entretenir un partenariat avec la communauté catholique en particulier et les autres communautés religieuses en général, afin d’assurer l’avenir de la liberté religieuse, de soutenir les principes moraux liés à la religion, et spécialement le caractère sacré de la vie et le sens de la famille traditionnelle, et de « cultiver la conscience religieuse et morale de la société »[22].

En tant que peuple ayant souffert de persécution et de génocide tout au long de notre histoire, nous ne connaissons que trop bien le danger réel qui menace de nombreux Chrétiens au Moyen Orient et ailleurs, là où ils sont persécutés et menacés de violence et de mort par ceux qui invoquent le nom de Dieu en vain, en semant violence et terreur.

Nous invitons l’Église à se joindre à nous pour intensifier notre combat contre les nouveaux barbares de notre génération, à savoir les rejetons radicaux de l’Islam, qui mettent en danger notre société mondialisée et n’épargnent pas les très nombreux Musulmans modérés. Ils menacent la paix du monde en général et les communautés juive et chrétienne en particulier. Nous appelons toutes les personnes de bonne volonté à joindre leurs forces pour lutter contre ce mal.

Malgré leurs profondes divergences théologiques, Catholiques et Juifs partagent la foi en l’origine divine de la Torah et en la rédemption finale ; ils ont aussi, aujourd’hui, la conviction que les religions doivent recourir à la droiture morale et à la formation religieuse — et non à la guerre, à la coercition ou à la pression sociale — pour exercer une influence et inspirer les esprits.

Nous nous abstenons habituellement d’exprimer nos attentes concernant la doctrine des autres confessions religieuses. Toutefois, certaines doctrines causent une réelle souffrance ; les doctrines, rites et enseignements chrétiens qui témoignent d’attitudes négatives à l’égard des Juifs et du Judaïsme inspirent et alimentent vraiment l’antisémitisme. C’est pourquoi, pour développer les relations amicales et les causes communes instaurées au lendemain de Nostra Ætate, nous invitons toutes les communautés chrétiennes qui ne l’ont pas encore fait à suivre l’exemple de l’Église catholique et à extirper l’antisémitisme de leur liturgie et de leurs enseignements, à mettre un terme au prosélytisme envers les Juifs et à œuvrer en faveur d’un monde meilleur, la main dans la main avec nous, les Juifs.

Nous cherchons à approfondir notre dialogue et notre partenariat avec l’Église afin de renforcer notre compréhension mutuelle et atteindre peu à peu les objectifs décrits plus haut. Nous nous efforçons de trouver de nouveaux moyens susceptibles de nous permettre d’améliorer le monde, ensemble : marcher dans les voies de Dieu, nourrir ceux qui ont faim et vêtir ceux qui sont nus, apporter la joie aux veuves et aux orphelins, un refuge aux persécutés et aux opprimés, et mériter ainsi Ses bénédictions.

1er du premier mois d’Adar 5776

[*]La Conférence des Rabbins Européens (CRE) est la principale association de Rabbins d’Europe. Elle rassemble plus de 700 dirigeants religieux des communautés juives d’Europe appartenant au courant majoritaire [Orthodoxe]. Elle a pour but de soutenir et de défendre les droits religieux des Juifs en Europe et est devenue la voix du Judaïsme pour le continent européen.

[**] Le Conseil des Rabbins d’Amérique (du Nord), dont le siège est à New York, est une organisation professionnelle au service de plus d’un millier de Rabbins orthodoxes vivant aux États-Unis, au Canada, en Israël et dans le monde entier. Ses membres sont des Rabbins dûment ordonnés, qui occupent des fonctions dans l’assemblée des Rabbins, qu’il s’agisse de l’éducation juive, des aumôneries ou d’autres missions s’inscrivant dans le cadre de l’activité communautaire juive.

[1] 1 Samuel 15, 29.

[2] Cf. Gn 17, 7 et 17, 19 ; Lv 26, 42-45 ; Dt 20, 3-5, etc.

[3]Is 49, 6.

[4] Le pape Jean-Paul II a écrit : « Il est juste que, le deuxième millénaire du Christianisme arrivant à son terme, l’Église prenne en charge, avec une conscience plus vive, le péché de ses enfants… » <a name="fn_Pape Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio Millenio Adveniente, 10 novembre 1994, 33, Acta Apostolicae Sedis 87 (1995), 25">[Pape Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio Millenio Adveniente, 10 novembre 1994, 33, Acta Apostolicae Sedis 87 (1995), 25]. La Commission pontificale pour les relations religieuses avec les Juifs a noté : « Le fait que la Shoah ait eu lieu en Europe, c'est-à-dire dans des pays d’antique civilisation chrétienne, soulève la question de la relation entre la persécution de la part des nazis et l’attitude, au fil des siècles, des Chrétiens envers les juifs. » (Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah », 16 mars 1998 <a name="fn_Cf. Sens n° 231 (août-septembre 1998), p. 360. NDLR">[Cf. Sens n° 231 (août-septembre 1998), p. 360. NDLR].

[5] Parmi ces nombreux héros de l’histoire, citons deux exemples : l’abbé Bernard de Clairvaux, pendant les Croisades, et le cardinal Jules-Géraud Saliège de Toulouse, pendant la Seconde Guerre mondiale. Quand, au cours des Croisades, un moine de son ordre cistercien commença à exhorter les Allemands à tuer les Juifs avant de livrer la guerre aux Musulmans, l’Abbé Bernard de Clairvaux s’y opposa personnellement. Comme l’écrit le rabbin Ephraïm de Bonn, « Un bon prêtre, du nom de Bernard, grand personnage et maître de tous les prêtres, qui connaissait bien leur religion, leur dit : … “C’est à tort que mon disciple a incité à massacrer les Juifs, car le Livre des Psaumes dit à leur sujet : ‘Ne les tue pas, de peur que mon peuple n’oublie’ ”. Tous voyaient dans ce prêtre l’un de leurs saints et, selon notre enquête, rien ne dit qu’il ait accepté des pots de vin pour parler favorablement d’Israël. En l’entendant, nombre d’entre eux cessèrent de chercher à nous faire mourir ». (Sefer Zekhirah, ed. A.M. Haberman, p. 18).

[6] Le présent chapitre porte essentiellement sur le quatrième paragraphe de Nostra Ætate, qui traite tout particulièrement des relations de l’Église catholique avec les Juifs. Pour rendre la lecture moins fastidieuse, nous ferons désormais simplement référence à Nostra Ætate, même si, tout au long de notre exposé, c’est surtout à son paragraphe 4 que nous renvoyons.

[7] L’assertion de Nostra Ætate s’enracine dans des enseignements plus anciens de l’Église, comme le Catéchisme du Concile de Trente de 1566. L’article 4 du chapitre de ce document intitulé « Du symbole des Apôtres » relativise la faute imputée aux Juifs, en proclamant que le péché des Chrétiens a contribué encore davantage à la Crucifixion. Les Juifs n’en ont pas moins continué à être accusés de déicide pendant encore plusieurs siècles. Si ces accusations se sont estompées avec le temps, c’est vraisemblablement à cause des Lumières, période au cours de laquelle la haine des Juifs a perdu en Europe un peu de son caractère religieux. Cela étant, en venant faire écho au désir des Occidentaux de désavouer les formes d’intense haine des Juifs ayant abouti à la Shoah, Nostra Ætate a été rien moins que révolutionnaire par le changement significatif qu’il a induit à cet égard au sein de l’Église catholique.

[8] La mesure dans laquelle les Juifs du Ier siècle ont eux-mêmes joué un rôle dans la crucifixion de Jésus fait en soi l’objet de controverses parmi les érudits mais, s’agissant de la doctrine propre aux Chrétiens, nous reconnaissons que le fait d’exempter l’ensemble des autres Juifs de toute responsabilité dans la Crucifixion est, pour l’Église, un pas extrêmement significatif.

[9] Dans son livre Jésus de Nazareth, Semaine sainte, 2011 [vol. 2, “De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection”, Éd. du Rocher, Groupe Parole et Silence. NDLR].

[10] Pape François, Evangelii Gaudium, Vatican 2013, § 249.

[11]http://www.worldjewishcongress.org/en/news/pope-francis-to-make-first-official-visit-to-Rome, Great Synagogue;  http://edition.cnn.com/2015/10/28/world/pope-jews/.

[12]Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables, Commission pontificale pour les relations religieuses avec le Judaïsme, 2015, § 36 <a name="fn_CF. Sens n° 405 (mars-avril 2016), p. 128. NDLR">[CF. Sens n° 405 (mars-avril 2016), p. 128. NDLR].

[13]Ibid. § 40 <a name="fn_cf. Sens, op.cit., p. 129-130. NDLR">[cf. Sens, op.cit., p. 129-130. NDLR].

[14] Pape François, Discours à synagogue de Rome, 17 janvier 2016 NDLR.

[15] Voir par exemple les Responsa Iggerot Moshe, Yoreh De’ah, vol. 3, § 43 du rabbin Moshe Feinstein et les observations du Grand Rabbin Jacob Kaplan, citées dans Droit et liberté, décembre 1964, et dans Hamodia, du 16 septembre 1965. L’un comme l’autre signalaient des domaines dans lesquels il y avait lieu d’être sceptique.

[16] Les six premières déclarations (2002-2007) ont été traduites en français dans le livre du Cal. Walter Kasper, Juifs et Chrétiens. À la découverte de notre héritage commun, éd. des Béatitudes, 2011, p. 50-75 [NDLR].

[17]Commentaire du Cantique des Cantiques (attribué à Nahmanide) in Kitvé ha-Ramban, éd. Chavel, vol. II, p. 502-503 ; Ralbag, Milhamot, éd. Leipzig, p. 356 et Commentaire de la Torah, éd. Venise, p. 2.

[18] Tossafot Sanhedrin 63 b, s.v. Assur ; Rabbenu Yeruham ben Meshullam, Toledot Adam ve-Havvah 17, 5 ; R. Moses Isserles sur le Shulhan Arukh, Orah Hayyim 156, 2 ; R. Moses Rivkis, Be’er ha-Golah sur le Shulhan Arukh Hoshen Mishpat 226, 1 et 425, 5 ; R. Samson Raphael Hirsch, Principles of Education, « Talmudic Judaism and society », p. 225-227.

[19] Tout particulièrement dans son essai intitulé « Confrontation », Tradition : A journal of Orthodox Thought, 6,2 (1964). <a name="fn_On trouvera dans l’article du Rav Shlomo Riskin, “Enseigner la Torah au Chrétiens” (Sens n° 377, mars 2013, p. 188-197), une présentation de ce texte. NDLR">[On trouvera dans l’article du Rav Shlomo Riskin, “Enseigner la Torah au Chrétiens” (Sens n° 377, mars 2013, p. 188-197), une présentation de ce texte. NDLR].

[20] Voir, par exemple, « The Timely and the Timeless », Londres 1977, p. 119-121.

[21] Le communiqué de presse de la quatrième rencontre bilatérale entre le Grand Rabbinat d’Israël et le Saint Siège, tenue à Grottaferrata (Rome, 17-19 octobre 2004) est particulièrement significatif à cet égard. Il affirme : « Conscients du fait qu’il n’existe pas une reconnaissance suffisante dans nos communautés respectives du changement historique survenu dans les relations entre Catholiques et Juifs, à la lumière du travail de notre commission et de nos discussions actuelles sur une vision partagée pour une société juste et éthique, nous déclarons : Nous ne sommes pas des ennemis mais des partenaires sans équivoque, pour partager les valeurs morales essentielles pour la survie et le bien-être de la société humaine ».

[22] Ainsi que l’exprime Jacobovitz, ibid.

 

Remarques de l’éditeur

Source : Amitié judéo-chrétienne de France [http://www.ajcf.fr/entre-jerusalem-et-rome.html]. Traduction française de Cécile Le Paire d’après l’original anglais (disponible sur le site du Conseil des Rabbins Américains [http://www.rabbis.org/pdfs/BetweenJerusalemRome.pdf]). La version française est publiée également dans le numéro de mars-avril 2017 de la revue Sens.