Ensemble nous nous souvenons! – 80 ans après la conférence de Wannsee

À l’occasion du 80e anniversaire de la conférence de Wannsee, le Consistoire central, la Conférence des évêques, la Fédération protestante et l’Amitié judéo-chrétienne de France ont rendu hommage aux victimes de la «solution finale» lors d’une cérémonie au Mémorial de la Shoah, à Paris, le 20 janvier 2022.

Le 20 janvier 1942, à Wannsee près de Berlin, quinze hauts fonctionnaires du parti nazi et de l’administration allemande décidèrent des modalités techniques, administratives et économiques de l’extermination des 11 millions de juifs d’Europe. Dans la crypte du Mémorial de la Shoah, la cérémonie d’hommage aux victimes, à laquelle participait également Esther Senot, survivante du camp d’Auschwitz, a réuni des lycéens de deux établissements, les lycées George Leven et Franc-Bourgeois La Salle.

S’adressant en priorité aux jeunes, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, Archevêque de Reims et Président de la Conférence des évêques de France a insisté sur le fait que la Shoah «n’a pas été le résultat d’une fatalité ni d’un coup de folie qui aurait saisi une partie de l’humanité. Elle vient d’une décision mûrement pesée, une décision dont les modalités de réalisation ont été soigneusement déterminées pour les rendre aussi efficaces que possible.»

«Nous avons le devoir de nous souvenir, nous chrétiens,» a poursuivi Mgr de Moulins-Beaufort, «parce qu’une telle manière de réfléchir avait été rendue possible par une longue culture du mépris, une habitude de méfiance, de haine parfois» (…) et (…) par des conceptions religieuses et théologiques qui ont pu susciter ce mépris et fournir des arguments aux colères et aux peurs.»

Le processus d’extermination décidé à Wansee a eu ses complices, a ajouté l’archevêque, mais il a eu aussi ses opposants, les «Justes parmi les Nations» dont plusieurs ont engagé leur vie pour sauver celle d’autrui. Il a conclu son intervention en invitant les jeunes à «être toujours mieux du côté des justes, du côté de ceux et celles qui choisissent de servir la vie de tous. Vous l’êtes chaque fois que vous résistez à participer à une moquerie généralisée, chaque fois que vous réconfortez celui ou celle qui a été la cible d’injures, chaque fois que vous vous interposez entre vos camarades qui s’accusent mutuellement.»

Le Président du Consistoire Central de France, Elie Korchia a mis en évidence la ligne qui a été franchie le 20 janvier 1942: «Le début du Mal est aussi important que la commission elle-même du Mal. Cette Conférence de Wannsee est, comme la première brèche dans le Temple, le premier pas sinistre vers l’extermination des juifs».

«Ce que nous commémorons ensemble aujourd’hui, c’est "l’hypernormalité" de décisions diaboliques», a déclaré Haïm Korsia, Grand Rabbin de France. Il a appelé à rejeter l’indifférence: «Ne soyez pas ceux qui se taisent», a-t-il lancé aux jeunes générations, les mettant en garde contre une «complicité par le silence».

François Clavairoly, Président de la Fédération protestante de France, a quant à lui insisté sur les «soeurs jumelles» que sont l’«Histoire» et «nos mémoires», appelant à la responsabilité et la vigilance, notamment face à l’antisémitisme.

L’historien Jean-Dominique Durand, président de l’Amitié judéo-chrétienne de France, a souligné l’aspect dynamique et mobilisateur de la mémoire: «Se souvenir, ce n’est pas s’enfermer dans un passé révolu. C’est au contraire se donner les moyens de compréhension de ce qui est advenu dans notre pays et en Europe entre 1933 et 1945. C’est aussi se donner les moyens d’analyser notre temps et de construire notre avenir.» Commentant le thème de la commémoration, il a ajouté: «Se souvenir ensemble, juifs et chrétiens, c’est affirmer que les juifs ne doivent plus jamais être laissés seuls face à la haine.» Dans la foulée, il a annoncé l’instauration par l’AJCF d’une Journée de réflexion et d’action sur la lutte contre l’antisémitisme qui se tiendra cette année le 20 mars 2022.

Esther Senot a, en quelques mots, évoqué l’arrestation d’enfants juifs français, «joyeux et ignorants», leur dénonciation, les wagons à bestiaux, puis l’arrivée au camp, la fumée... «Des milliers d’enfants séparés de leurs parents, des milliers d’enfants déportés dans la masse», s’est-elle remémoré. L’Aumônier des Armées, Jonathan Blum, a lu la prière El Malé Rahamim à la mémoire des disparus, avant de réciter le Kaddish.

Esther Senot a ensuite allumé des bougies en mémoire de ses proches disparus, avant de les transmettre à de jeunes lycéens, pour qu’ils les disposent dans la crypte du Mémorial, un geste symbolique pour passer le flambeau aux jeunes générations.

La commémoration a aussi été ponctuée par la lecture de quelques textes significatifs (dont des extraits du livre La nuit d’Élie Wiesel) et par l’interprétation de diverses pièces musicales appropriées (dont «La liste de Schindler»). 

Remarques de l’éditeur

Sources: Consistoire Central, Conférence des évêques et Amitié judéo-chrétienne de France. Un enregistrement de la cérémonie est disponible sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=n_0hUGxzQBg