Échos de la conférence d’Aix-en-Provence

La Conférence 2013 du Conseil International des Chrétiens et des Juifs (CICJ)s’est tenue à Aix-en-Provence du 30 juin au 3 juillet. Ayant pour thème « La laïcité, une chance ou un défi pour les religions », elle a réuni plus de 200 participants provenant d’une vingtaine de pays. Organisée avec la coopération de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France (AJCF), cette rencontre a connu un franc succès grâce à un programme de haut niveau favorisant l’interaction et l’échange.

Le programme comportait sept séances en plénière et trois séances de six ateliers chacune. Le CICJ prévoit une publication en français et en anglais de tous les textes présentés en plénière. D’ici là le CICJ a mis en ligne sur son site, dans leur langue d’origine, les textes et les enregistrements vidéo de la plupart des séances plénières (http://www.iccj.org/Conference-2013.4291.0.html). On trouvera également sur le site de l’AJCF un dossier complet sur la conférence d’Aix-en-Provence (http://www.ajcf.fr/spip.php?article1695).

A titre de participant à cette conférence, j’ai tenté d’esquisser ma propre synthèse des interventions en plénière. Provenant du Québec (Canada) ou le débat sur la laïcité est à l’ordre du jour, j’ai retenu, en fonction de ce contexte, quelques points qui ont attiré mon attention et qui invitent particulièrement à la réflexion.

D’abord, il me semble que la laïcité « à la française » n’est pas aussi rigide qu’on le dit parfois, surtout lorsqu’on la présente comme un modèle idéal. Elle apparaît non pas comme un laïcisme radical et strict, mais plutôt comme un équilibre dynamique entre la neutralité de l’État et la reconnaissance des religions et de leur apport à la collectivité.

Deuxièmement, dans la conclusion de son exposé, Gilles Bourquin laissait entendre que les religions ont du mal à s’intégrer à la modernité et qu’elles réagissent souvent sous le mode de l’opposition ou de la marginalisation. Il me semble qu’une voie d’intégration sociale prometteuse est à chercher dans l’identification et la promotion de valeurs communes, fondées sur des traditions religieuses ou sur des convictions non-religieuses. C’est par exemple ce que propose Hans Küng, à un autre niveau, dans son ouvrage Projet d’éthique planétaire (Paris, Seuil, 1991).

Pour favoriser une telle intégration, dans le contexte actuel de nos sociétés démocratiques modernes, il importe par conséquent d’établir un dialogue non seulement entre « les religions » et « l’État », mais aussi entre les personnes qui se réclament de leurs traditions religieuses respectives et celles qui ont des convictions non-religieuses d’inspiration humaniste, puisque les deux types se côtoient sans cesse et sont appelés à collaborer au « vivre ensemble ».

Finalement, dans les débats sur la laïcité, il paraît impératif de bien distinguer l’espace public (ou étatique), l’espace social (ou civique) et l’espace privé. Il y a avantage à considérer l’apport positif des traditions religieuses, au même titre que celui d’autres groupes et mouvements sociaux, dans la construction de l’identité collective. Pour cela, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la neutralité de l’État, la contribution des traditions religieuses et des mouvements sociaux et la protection des droits individuels. En rapport avec cette recherche, une question qui émerge de cette conférence est celle de la protection d’un espace social où les traditions religieuses et autres groupes ou mouvements sociaux peuvent s’épanouir sans s’imposer à l’État ou aux individus.