Décès du père Émile Shoufani, «curé de Nazareth», passeur de paix

Artisan du dialogue et du rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, l’archimandrite de l’Église grecque-catholique melkite de Terre Sainte est décédé le 18 février 2024. Arabe israélien, le père Émile Shoufani incarnait l’espoir d’une coexistence possible sur sa terre déchirée.

Le père Émile Shoufani, surnommé «le curé de Nazareth» pour son action de rapprochement entre juifs et chrétiens et son témoignage d’homme de foi, est décédé le 18 février 2024, à 77 ans. Les fidèles ont pu lui rendre hommage le lendemain, alors que son cercueil était exposé dans l’église Saint-Joseph de Nazareth, avant la célébration de ses funérailles.

Le père Shoufani, arabe et chrétien, est né en Galilée un an avant la proclamation de l’État d’Israël. En 1948, il est expulsé avec sa famille de son village d'origine par les Israéliens. Son oncle et son grand-père sont tués. Sa grand-mère lui enseignera alors la force du pardon: «Pour elle, disait-il, cette réalité du pardon, d’une pacification du regard et du cœur devait être plus forte que toute attitude de haine et de vengeance.»

Formé dès ses 19 ans au séminaire d’Issy-les-Moulineaux en France, il a découvert l’horreur de la Shoah lors d’un voyage à Dachau. Il raconte avoir compris que les juifs qu’il percevait comme forts parce qu’ils écrasaient son peuple en Palestine avaient été eux-mêmes victimes d’une haine dévastatrice. De retour en Israël, en tant que responsable du collège Saint-Joseph de Nazareth, il emmenait chaque année ses élèves chrétiens et musulmans visiter le mémorial de Yad Vashem, et invitait les élèves d’une école juive de Jérusalem à partager trois jours de leur année scolaire à Saint-Joseph.

En 2003, pendant la seconde intifada, le père Shoufani a organisé le voyage «Mémoire pour la Paix» qui a rassemblé sur le site des camps d’Auschwitz et de Birkenau près de 700 personnes, chrétiens, juifs, arabes musulmans. Cela lui valut le prix Unesco de l’éducation pour la paix. Parce qu’il incarnait l’espoir d’une coexistence possible en Terre Sainte, le curé de la paroisse melkite de Nazareth qui embrassait pleinement son identité d’arabe israélien, reçut également le prix de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France en 2014.

Remarques de l’éditeur

Sur Émile Shoufani, son parcours et sa vision, voir principalement J. Mouttapa, Un arabe face à Auschwitz (Paris, Albin Michel, 2004); H. Prolongeau, Le curé de Nazareth (Paris, Albin Michel, [1998] 2002); É. Shoufani et H. Prolongeau, Comme un veilleur attend la paix (Paris, Albin Michel, 2002). Les interventions de la soirée de remise du Prix A.J.-C.F. au Père Émile Shoufani sont reproduites dans la revue Sens no 397 (mars 2014), p. 163-196.

Source : D’après Vatican News, 21 février 2024.